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 Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   19-01-2005 19:20

Bonjour tout le monde,

Il y a actuellement une exposition consacrée à Stephen Shore à l’Hôtel de Sully et ce jusqu’au 20 mars.
On y retrouve sa célèbre série Uncommon Places composée de vues urbaines en couleur faites à la chambre photographique (parkings, carrefours, stations-service, rues). Certaines photos frontales de bâtiments ou de maisons font penser à Walker Evans, d’autres montrent des lieux saturés d’enseignes et de panneaux publicitaires annonciateurs de l’omniprésence des marques analysée par Naomi Klein dans son livre No logo. Contrairement à une certaine tendance de la photographie de paysage actuelle où les couleurs fadasses dominent, Stephen Shore semble aimer les belles lumières douces et chaudes car ses images présentent souvent des scènes ensoleillées. William se plaignait dans un fil sur Paris photo (ici) qu’il y avait beaucoup de tirages couleurs de très grande dimension portant sur des sujets de paysages urbains ou de vie quotidienne banals. Ces photographes ainsi que les élèves des Becher sont en filiation directe avec Stephen Shore.
American Surfaces est une autre série importante où Stephen Shore photographie ce qui l’entoure sur le mode de l’autobiographie : photos de chambres d’hôtel, portraits de personnes rencontrées, photos de ses repas, de lieux traversés. Bref, il photographie son quotidien le plus banal. Et on comprendra qu’il a encore été avec cette série un précurseur quand on voit le succès que connaît une certaine photographie ayant pour thème la poétique du banal.
C’est très succinct ce que je viens d’écrire, mais c’est un photographe qui a eu une grande influence sur la photographie contemporaine et il serait donc dommage de rater l’expo si vous ne connaissez pas grand-chose de lui.

Cordialement,

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: robert colognoli 
Date:   19-01-2005 19:26

Merci, je vais à Paris fin février. Je ne connais pas ce photographe et cette exposition fera fera partie de mon parcours.
RC.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Jimmy Péguet 
Date:   19-01-2005 19:51

Il y avait un article d'introduction dans Libé de lundi, ça doit se trouver encore. Il me semble avoir lu quelque chose dans l'article sur Karel Mennour, il y a parallèlement peut-être quelque chose à la galerie en ce moment (je ne suis pas certain, à vérifier). Mennour avait publié en 2003 une espèce de suite à Uncommon places ("Uncommon places, 50 unpublished photographs"), peut-être y a t-il une autre publication en vue. Mais bon, je fantasme peut-être. Il me semble également que Uncommon places a été récemment réedité.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   19-01-2005 19:59

Bonsoir Jimmy,

Il y a bien eu un article sur Stephen Shore ce lundi. Il se trouve ici. La galerie Kamel Mennour expose ausi Stephen Shore jusqu'au 13 février, mais je n'y suis pas allé. Sinon, vous avez bien raison pour les publications. Je les ai vues à l'Hôtel de Sully.

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   20-01-2005 12:57

Je constate que Stephen Shore n'enthousiasme pas les foules. C'est dommage car je voyais là l'occasion de discuter de paysages urbains et de la place du "banal" dans la photographie contemporaine.

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Nicolas Marailhac 
Date:   20-01-2005 13:20

Bonjour,

Ce n'est pas pour venir à la rescousse ni rien, mais moi je réserve mon point de vue tant que je n'ai rien vu… Voilà!

Quant à la discussion qui partirait du constat que cet entre-deux-siècles semble bien marqué par une sorte de poétique du banal (et ce pas uniquement en photographie), il me semble que, d'une part il en a été légèrement question à deux-trois reprises sur ce forum, et que d'autre part, Chung-Leng, tu es bien placé pour lancer quelques pistes de réflexion, non? Façon Café du commerce, hein, pas Colloque à la Sorbonne, non? :-)

N


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: David G 
Date:   20-01-2005 13:21

il n'y a pas plus de banalité c'est shore, que dans toute image de paysage !


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   20-01-2005 13:26

Je n'ai pas bien saisi ce que vous avez écrit, David G. Pouvez-vous être plus clair ?

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   20-01-2005 13:35

Nicolas,

Je pourrais effectivement lancer le débat avec quelques réflexions, mais je n'ai pas envie de partir dans un monologue alors j'attends d'abord que des participants viennent s'installer dans ce fil. :-)

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore et la banalité
Auteur: guillaume p 
Date:   20-01-2005 14:20

Cet intérêt pour le banal vient peut être en réaction (ou comme suite 'naturelle') d'un usage très répandu du médium photographique : le fait de toujours célébrer l'extraordinaire, le spectaculaire, l'événement. Ne dit-on pas (cf M. Frizot) que c'est la photographie qui a créé la notion d'événement ? De même, on pourrait dire que c'est la photographie qui a inventé - ou du moins fortement soutenu dès sa naissance - l'idée de monument historique.

N'est-ce pas aussi une évolution proche de celle de la peinture ?

Et puis, donner de l'importance au banal, c'est bousculer les hiérarchies, les choses trop établies et autres idées reçues…

Quelques zidées, en passant…


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Gérard F. 
Date:   20-01-2005 14:28

Depuis l'invention de l'image, il n'y a plus de banalité.

Lisez attentivement les histoires de la peinture, du dessin, de la photographie, de l'image, vous verrez que la banalité n'a jamais existé.

Seuls des professeurs d'esthétique, des fabricants de normes, des fondateurs d'académie et des manipulateurs d'idéologie ont pu faire croire que le sujet normal était non-banal. c'est à dire officiel, beau, glorieux, en un mot digne d'être représenté.

D'où la querelle des icônes à Byzance, les querelles de bienséance dans la tragédie classique et le classement de la peinture en genres officiels au 17éme siècle, la contestation des salons officiels par l'impressionisme au 19éme , les scandales du cubisme et de la musique contemporaine au 20éme , etc.

Le lièvre de Dûrer, la friture d'oeuf de Zurbaran ou une place municipale par un primitif italien sont-ils des sujets banaux?

Ce qui est banal, c'est le regard banal qui ne sait pas voir.

Une question plus pratique est : faut-il une technique reconnue ou un savoir-faire officiel pour transformer un supposé banal en sujet digne d'une esthétique?

Courbet le démontrait ( l''Enterrement à Ornans) et peu aprés payait chèrement l'abattage de monuments officiels ( La célébre colonne Vendôme).

Autre vraie question fàce à une image: qu'est-ce que cette image suscite en la voyant?


 
 Déviation poétique ou dialectique?
Auteur: Nicolas Marailhac 
Date:   20-01-2005 15:11

Bonjour,

Histoire de recentrer un chouilla le débat, il n'est pas question ici d'esthétique du banal ou de courant d'histoire de l'art, c'est juste que je remarque, depuis quelque temps et pas uniquement en photographie (notamment aussi en littérature et en chanson) une forte présence d'un courant qui porte à voir le banal, le quotidien, le banalement quaotidien, voire le morne et le maussade.

Bien sûr qu'on n'a pas attendu l'an 2000 pour montrer des plats de nouilles ou des poubelles, mais sans que ce soit une volonté marquée, je ne peux pas comparer Courbet et Michel Houellebecq ou les deux Delerm. Oui, bien sûr, le medium n'est pas le même.

Ce que je veux dire, c'est que Courbet se marque en franche opposition. Courbet affirme un regard. Dürer a dessiné des centaines d'animaux, je ne sais pas si son regard se portait particulièrement vers le banal. Sinon pourquoi n'aurait-il pas dessiné son manteau?

Alors que cette poétique du banal qui semble prendre une certaine place s'attache à montrer ou à mettre en lumière ce qui est infiniment subjectif, qui l'est tellement que parfois complètement incommunicable. Il y a même une forme de grande morosité, de profonde désillusion, voire un réel désespoir dans le courant semi-dépressif post Egglestonien et néo germanique glacial :-) en photographie, mais je trouve des résonnances dans d'autres domaines de création.

À ce sujet, je note les fines remarques de Guillaume, mais vivement que Chung-Leng nous fasse part de son point de vue, qui me semble assez intéressant…

N


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   21-01-2005 09:55

Bonjour tout le monde,

Pour parler du banal chez Stephen shore, je vais d’abord décrire sa série American surfaces dont la présentation et la démarche sont différentes de sa série Uncommon Places. Les photos de American surfaces ont été prises dans les années 70 avec un appareil 23x36 et forment une espèce de carnet de route. Shore a photographié son quotidien le plus immédiat comme je l’ai écrit plus haut. Les images font très « photographies d’amateur » et son présentées sous forme de petits tirages en rangs serrés.

Il y a une pauvreté de l’image qui est recherchée et assumée dans cette démarche (photographie sans qualité ?). Pauvreté des événements photographiés, pauvreté des tirages réalisés dans des laboratoires où monsieur tout le monde va faire tirer ses photos. Les photographies sont prises sur le mode autobiographique, mais il n’y a pas d’engagement dans le regard, ou plutôt une certaine distance. Le regard n’est ni critique, ni ironique, il est presque plat, plat comme peut l’être le morne quotidien. Autobiographie qui n’entre pas dans l’intimité du photographe et qui reste quelque part à la surface du quotidien, dans sa face publique et pudique.

Photographier le banal de manière banale est effectivement devenu très banal dans la photographie contemporaine. Stephen Shore a été un précurseur d’une photographie qui se conjugue invariablement qu’au « je » (je prends des photos sur ma vie et sur ce qui m’entoure).

Avant d’aller plus loin, je dis tout de suite que c’est une photographie qui est loin d’être ma tasse de thé, mais comme l’a dit Vasco Ascolini à une conférence tenue à la MEP, il y a ce qu’on aime et il y a ce qui est intéressant. Et cette photographie du banal est intéressante malgré. Attention, le café du commerce a rouvert ses portes, veuillez bien venir boire au comptoir. ;-)

Personnellement, je mettrai en parallèle le déclin du photojournalisme et l’essor de cette poétique du banal bien que ce ne soit pas du tout les mêmes photographes et je ne parle plus de Stephen Shore ici.

Cela fait longtemps que l’on parle d’une crise du photojournalisme que Jean-François Leroy dément chaque année lorsque a lieu le festival Visa pour l’image. Néanmoins, il a beau crier sur tous les touts que le photojournalisme se porte bien, qu’il croule sous les reportages et que c’est la presse qui fait pas son boulot, et ben il a pas tout a fait raison.
Je vois malgré cette prolifération de reportages photographiques réalisés aux quatre coins du monde, une crise du sens de ce type de photos et une forme d’impuissance du photojournalisme et certains photographes comme Luc Delahaye ou Gilles Peress ont déserté cette photographie-là pour essayer de témoigner autrement du monde. Je pense aussi à Antoine d’Agata qui avait été envoyé dans les territoires palestiniens lors de la seconde Intifada et qui devant la complexité et l’absurdité de la situation préfère présenter un bloc d’images brut présentant sa propre expérience du conflit. Constat d’échec et impuissance du photoreportage.

À côté de cela, on trouve une photographie dont les enjeux (s’il y en a) sont aux antipodes du photojournalisme. Là où le photojournaliste va essayer de témoigner sur le monde, le photographe du banal va photographier sa propre vie. Alors oui, comme l’écrit Guillaume plus haut, c’est peut-être pour bousculer les hiérarchies. C’est aussi peut-être trouver refuge dans une réalité qui heurte moins et sur laquelle on a encore une certaine emprise. Repli sur soi, sur la sphère privée qui correspond aussi à la société actuelle qui serait prise de sinistrose à en croire nos politiques. ;-)
Le café du commerce reste bien entendu ouvert !

Cordialement,

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   21-01-2005 09:58

Je n'ai parlé que de la série American surfaces[i/], mais Joel Pinson pourrait venir dire ce qu'il pense de Uncommon Places[i/]. Il le ferait bien mieux que moi. Alors Joel, si tu me lis d'abord bonjour et viens donc dire ce que tu penses de ce photographe. ;-)

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   21-01-2005 09:58

Zut, j'ai presque tout mis en italique. :-/

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Nicolas Marailhac 
Date:   21-01-2005 11:56

Bonjour,

Je ne sais pas si j'ai les arguments pour étayer ou contredire le point de vue de Chung-Leng, que je trouve très pertinent.

À un moment, il dit: à côté de cela, on trouve une photographie dont les enjeux (s’il y en a) sont aux antipodes du photojournalisme.

C'est intéressant :-), je me demande aussi s'il y a une enjeu. Il doit bien y avoir quelque chose vu la manière dont cette photographie (mais j'aimerais ouvrir vers d'autres champs d'exploration, comme la littérature ou la chanson, même si je suis moins bien préparé pour parler de ces domaines; par certains côtés, on pourrait même dire qu'en journalisme, on pourrait noter une tendance au retour vers le fait-divers ou vers les petites choses, mais là je m'égare, alors je referme la parenthèse), la manière dont cette photographie donc est accueillie.
Je vois régulièrement des travaux, en galerie ou en écoles, qui présentent cette poétique du banal. Ils ont été produits, pensés, et accueillis, présentés, promus d'une certaine manière.
Pourquoi?
Oui, j'y verrais plus une attitude de repli sur soi qu'une manière de bousculer les hiérarchies (ça, ç'a été fait bien avant nous, les 19e et 20e siècle sont bourrés de trublions qui ont œuvré à ça, de leur plein gré ou forcés par les événements). Peut-être que dans ce monde où tout va plus vite, où tout ce qui semble nous rapprocher des autres ne fait que nous en éloigner, où tous les outils qui devraient nous aider à (nous) comprendre ne permettent que la perte de repères (bon, je schématise, mais on est au café des sports), peut-être que, ayant besoin de repères, d'une certaine base sur laquelle se construire, nous la cherchons sous nos yeux, sous nos pieds, dans notre quotidien le plus banal.
Un jour quelqu'un m'a parlé de la fin des idéologies politiques (et j'ajouterais religieuses) et d'un temps de crise pour ouvrir des pistes de réflexion à propos de ce repli sur soi qu'on pourrait constater dans notre coin de planète. Je pense qu'il y a beaucoup de ça.

Enfin, ce que je peux en dire avant d'aller casser la croûte…

N


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Denis 
Date:   21-01-2005 17:27

Je crois qu'il faut quand même un peu préciser les choses à propos du banal. Il y a banal et banal... Je ne trouve pas du tout que les photographies de Shore relèvent de cette esthétique du banal... je vais essayer de m'expliquer.


Tout d'abord, il me semble évident que, pas plus que l'on ne fait de la bonne littérature avec des bons sentiments, on ne fait de bonnes photos avec de belles choses. On peut faire des photos intéressantes avec absolument n'importe quoi : Irving penn n'a-t-il pas réalisé un grand nombre de naturs mortes avec des vieux mégots, des canettes écrasées, etc. Relève-t-il pour autant d'une esthétique du banal ?


L'important, pour faire une photographie intéressante, n'est pas de photographier un événement important (guerre, attentat, catastrophe, etc.) au sens traditionnel du terme, mais qu'il se passe quelque chose dans la photographie, qu'il se produise des événements proprement photographiques, c'est à dire que la combinaison entre forme lumière, texture, structure, etc. fasse sens, photographiquement parlant.

De ce point de vue, les photos de Shore n'ont rien de banal. Ce sont au contraire des réussites extraordinaires. Son bouquin est un chef d'œuvre. A mon avis, c'est un très grand coloriste.


La deuxième chose est que l'on ne peut à mon avis pas comparer sur le plan photographique l'Europe et les Etats-Unis. Ces derniers sont véritablement une terre bénie pour la photographie. La nature, les villes, les gens, la moindre station service y sont incroyableement photogéniques, et absolument pas banals. Un économiste dirait que sur ce plan, il ya une distorsion de concurrence ! L'amérique est scandaleusement photogénique. Robert Frank dit quelque part, je crois, que quand il est arrivé la première fois aux US, il a eu l'impression de rentrer dans un film, et que trente ans plus tard, il avait toujours l'impression d'être dans un film. Donc, attention, la banalité américaine n'est pas la banalité allemande ou française. Elles n'ont rien à voir photographiquement. Un simple panneau indicateur peut revêtir un dimension tout à fait étonnante aux Etats-Unis, comme l'ont montré walker Evans ou Eggelston.

Donc, il y a, je trouve, un monde entre Shore et ceux qui pourraient efffectivement cultiver la banalité pour la banalité en Europe, et qui, en dehors de quelques réussites, peuvent s'avérer tout bêtement ennuyeux.

Denis B


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   21-01-2005 18:32

Je ne vois pas dans la photographie du banal cette forme d'autobiographie, encore moins de repli sur soi dont vous parlez…

Je fais un petit détour préalable pour dire qu'il y a, à mon sens, deux formes d'individualisme : celui du repli sur soi effectif, entretenu par l'idéologie libérale (libéralisme économique) qui fait de chacun, comme le souligne Loïc Wacquant, une 'petite entreprise' en compétition et qui doit se vendre…
Et puis il y à l'individualisme que je qualifierai comme (nécessaire) reconnaissance de l'individu(-alité).
C'est peut être d'ailleurs la faiblesse du second qui nourrit aujourd'hui le premier, mais là, je risque de m'éloigner du comptoir.

Dans cette perspective, la photographie du banal est à mon sens plus la manifestation d'une liberté d'individu dans le choix et la définition de ce qui est beau, attirant, important, digne d'intérêt, parlant, enrichissant, je-ne-sais-quoi-encore, qu'un simple acte autobiographique. Le mode autobiographique est tellement… à la mode (sic) qu'on voudrait le voir partout - il est d'ailleurs peut être partout si on considère que photographier, quoi que l'on photographie, n'est que l'éternelle répétition d'un autoportrait (mais là, je m'égare…et, encore une fois, je me rattrape au zinc).
Si la volonté n'est pas nécessairement de bousculer des choses trop établies ou autres hiérarchies, tout du moins est-elle d'affirmer une vision personnelle (ce qui revient souvent au même, mais bon).

Le parallèle avec le photo-journalisme est intéressant, mais la crise de ce genre est-elle à mettre en rapport avec le développement de cet intérêt pour la banalité, comme si la crise de l'un renforçait l'autre ?
Je vois l'échec du photo-journalisme comme celui d'une profession qui, à l'engagement intellectuel et physique a substitué l'évolution dans un domaine très balisé où l'information est préparé à l'avance pour le journaliste qui n'a plus qu'à la mettre en boîte pour la relayer. Les attachés de presse ne sont pas une invention d'hier, et même les armées en sont aujourd'hui dotées. Communiquer est le maître mot, mais communiquer est-il informer ? Voilà de quoi occuper un apéro prolongé au café des bon amis ! Je renvois à ce texte de Yves Michaud à propos de photo-journalisme.

Je ne peux m'empêcher de penser au toiles de Hopper, ou à la poésie de Francis Ponge…
Il me semble que quand on veut manipuler des symboles pour fabriquer du sens ou quelque chose qui interroge le sens des choses, il n'est pas besoin de s'appuyer sur des objets ou événements d'une valeur ou d'une rareté exceptionnelle. Hopper (me) parle de la civilisation avec une simple maison capable de symboliser toutes les maisons… cette maison, parce qu'elle est banale, est remplaçable par d'autres maisons que je connais. Elle n'est pas là pour elle même mais comme symbole, et la force de ce symbole est d'autant plus grande que la maison est banale.
C'est en ce sens que la banalité m'intéresse, comme matériau peu chargé en termes de références, comme quelque chose qui ne rebute pas par la nécessité d'un préalable culturel élevé pour y accéder (est-ce clair ?… garçon, une tournée !).

Je vais terminer (ouf !) en revenant au photo-journalisme, au risque de faire un hors-sujet tiré par les cheveux (de surcroît)…
Je crois que le photo-journalisme a été achevé le 11 septembre 2001, quand l'événement tant fantasmé et banalisé par le cinéma a pris corps dans une série de faits tellement visibles qu'ils ont pu être relayés autant par des quidams que par des professionnels de l'information. Ces derniers, neutralisés et devenus impuissants à dire plus que ce que l'image, pensée à l'avance, leur imposait…
(le serveur, énervé : "Mais qu'est-ce qu'y dit !? Monsieur, je ne vous sers plus à boire !")

Mon état avancé m'oblige à quitter le zinc du café du commerce et des sports entre bons zamis…


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   21-01-2005 19:15

Denis,

Quand je parle de banal chez Stephen shore, je parle surtout de sa série American Surfaces et pas de Uncommon Places.
Autre chose, une chose banale peut tout à fait être photogénique. Je ne vois pas en quoi le fait d'être photogénique la rendrait moins banale, surtout aux yeux des personnes qui côtoient quotidiennement cette chose. Allez dire à un Américain que sa station service est très photogénique, je sais pas si pour autant il voudra la photographier . ;-)
Pour finir, je ne mettais pas Shore et les photographes actuels qui ont pour sujet la banalité sur le même niveau. Mon propos était d'une part de dire que Shore en est un précurseur et d'autre part d'ouvrir un débat sur cette photo du banal. Voilà !

Guillaume,

Le déclin du photojournalisme n'est pas provoqué par la place plus ou moins importante qu'a pris la photographie du banal. Je me suis juste hasardé à en faire un parallèle. On est au café entre amis comme vous le dites. ;-)
J'avoue avoir dressé un tableau peu valorisant du banal en forçant un peu le trait, mais cela a fait réagir et avancer la discussion.

Le café reste ouvert ! ;-)

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Nicolas Marailhac 
Date:   21-01-2005 19:22

Bonsoir,

Désolé, je vais écrire vite ce que je viens de penser avant d'y revenir…

Je crois que ni Stephen Shore, ni Hopper, ni Irving Penn, ni Francis Ponge, ni Eugène Guillevic sont des poètes du banal comme le sont des Nicolas Comment en photographie ou des Michel Houellebecq en écriture.
Les premiers ont certes pu porter un regard, leur regard (qui s'exprimait de diverses manières et plus ou moins magistralement) vers des objets banals, ils en ont fait des symboles (on se remémore facilement un symbole quand on peut le convoquer en mémoire facilement: le mégot de Penn, le bar la nuit de Hopper, l'huître de Ponge, les caillouxes de Guillevic…), d'une manière ou d'une autre ils ont cherché à montrer que c'est le regard que chacun porte sur le monde qui fait le monde, que c'est la manière de regarder qui met la lumière sur les choses, qui les magnifie (au premier sens du terme), qui leur fait prendre corps.
Mais ce que je peux voir des images de Nicolas Comment et d'une foultitude de (jeunes et moins jeunes) auteurs de photographie (et encore une fois, pas qu'en photographie) ne cherche pas à mettre la lumière sur le quotidien, c'est un regard sans conscience, sans travail presque sur des choses vues ou vécues qui me sont parfaitement incommunicables (c'est là que cette banalité n'est plus celle de Guillaume, comme matériau peu chargé en termes de références, comme quelque chose qui ne rebute pas par la nécessité d'un préalable culturel élevé pour y accéde), des choses que, d'une part je ne cherche pas à décrypter car elles me parlent de la vie (la vie, et pas le regard) de quelqu'un qui n'est pas moi, et d'autre part qui sont vides de sens car seul le regard de celui qui les a vues leur donne sens; or, ce regard me manque.

C'est passionnant! J'y reviens dès que…

N


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Denis 
Date:   21-01-2005 19:23



je pense que la crise du photo-journalisme est surtout liée à la prédominance de la télé !
La grande période du photo-journalisme coïncide avec l'âge d'or des magazines.

Pour ce qui est du banal, le problème réside sûrement dans la définition même du banal.


A votre santé !

Denis


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: henri peyre 
Date:   21-01-2005 19:39

Stephen Shore est pour moi avant tout un coloriste, dans la ligne d'Hopper dont il lui arrive de paraphraser la peinture.
Concernant la banalité, comme en témoigne la discussion, il faut être précis sur les thèmes.
Il y a la banalité post moderne qui voit tout un chacun se mettre à faire son journal intime, qui héroise son quotidien.
Il y a la banalité à la Becher, ou plutôt à la Sander - rendons à César - qui, en accumulant les disparités du réel, s'attache à révéler les essences.
Il y a la banalité (par désintérêt en quelque sorte) des artistes qui ont quelque chose à dire (sur la couleur par exemple) et qui traitent assez mal ce qui n'est pas leur sujet, en dépouillant autour du coeur de leur art - mais ne prenons pas le faire-valoir pour le sens...
Il y a la banalité de ceux qui n'ont rien à dire et promènent le vide de leur regard effectivement désenchanté sur un monde auquel ils ne trouvent aucun sens et je rejoins la fatigue de Nicolas.

On doit pouvoir trouver d'autres types de banalités encore, évidemment.

Je crois qu'il est assez difficile d'analyser quoi que ce soit en art sans référence à un couple esthétique : Et il faut trouver par rapport à quoi (quelque chose qui ne serait pas banal) on croit trouver du banal, autrement on risque de se perdre..
C'est un peu ce que rappelle David en insistant sur le regard esthétique qui dit ce qui est banal et ne l'est pas. C'est aussi me semble-t-il le sens de ce qui est dit du banal par rapport au regard du photo-reporter.

On a là un sacré gros poisson au bout de la ligne, qui gigote salement. Personnellement je n'ai pas l'épuisette, c'est pour cela que je ne me déchaîne pas sur ce coup là Chung ! ;-))


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Denis 
Date:   21-01-2005 21:26



Ce qui est sûr, c'est que la modernité favorise la banalité, architecturale notamment.
A quelques exeptions près, peu signifiantes à force de marginalité, l'architecture moderne est horriblement banale.

Cette dimension est présente chez pas mal de photographes plus ou moins dérivés de
la fameuse école de Francfort.

Denis


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   21-01-2005 22:08

Ce qui va suivre est probablement extrêmement banal, mais je m'y jette…

J'oppose banalité à singularité. Le banal est le commun, par opposition à ce qui se distingue.
Mais ce n'est pas si simple car très dépendant du point de vue : ce qui est banal pour moi sera peut être singulier pour mon voisin, et inversement. Plus souvent inversement - non que mon voisin soit ceci ou cela - car j'ai tendance à voir de la singularité partout.

J'ai soulevé la surface de la mer… le poisson est énooorme ! C'est pas avec trois ou quatre lignes qu'on va le soulever… mais avec des pages entières !


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: henri peyre 
Date:   21-01-2005 22:36

Pour l'instant je suis, sans avoir besoin de l'épuisette. ;-)

Essayons de continuer le balisage :

Une fois qu'on aura bien repéré le ou les couples sur lesquels on fonctionne et qu'on pourra arriver à en parler un peu, on pourra dire qu'on a une démarche et qu'on est photographe.

Si on traite de l'opposition de ce ou ces couples à la fois par les moyens de la photo, du dessin, de la vidéo, de la littérature et de la peinture, on pourra se prétendre plasticien.

Si finalement on décide de ne présenter que le vertige du moment où, dans ces couples repérés, le sujet semble pouvoir appartenir autant à un des éléments du couple qu'à l'autre (nous arrivons à présenter le sujet comme à la fois banal et singulier par exemple) et qu'on arrive à offrir une vision de la mécanique de ces points de vue possibles en arrivant à faire que le spectateur les conçoive "à la fois", comme possibilité ouverte, et que cette mécanique apparaîsse plus importante que les constituants même du couple, nous voilà Musilien.

En général, c'est là que le poisson s'est noyé faute qu'on ait assez tôt sorti l'épuisette. ;-)


 
 Re: un pas de plus…
Auteur: guillaume p 
Date:   22-01-2005 09:15

Je poursuis… dans les banalités.

J'ai parfois l'impression que le banal n'est que le produit d'un regard désabusé. Je désignerai ceci ou cela comme 'banal' souvent à force d'habitude : ainsi le quotidien deviendrai banal. Pas seulement 'mon' quotidien, mais le quotidien comme décors de la vie de tous les jours (comme s'il y avait une vie de 'pas tous les jours' !).
On peut ainsi juger que tel paysage péri-urbain, répétition d'un autre, est tout à fait banal, ou pointer la banalité de l'architecture ; mais encore une fois, n'est-ce pas qu'une affaire de point de vue et de distance ? Là où le néophyte ne voit qu'uniformité et banalité, le spécialiste trouvera une grande diversité et nombre de singularités.
La banalité n'est-elle alors qu'un produit de la culture ?

En fait, je n'en sais rien…


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   22-01-2005 09:35

Nicolas a parlé de Nicolas Comment (y a vraiment trop de Nicolas autour de moi ;-)) et la discussion que j'ai eue avec lui autour de la poétisation du banal venait de là.
Ce que je reprocherai le plus à ce type de photographie, c'est l'absence de prise de risque car ce sont des regards qui ne vont pas loin, aussi bien dans le monde que dans le dedans. Du coup, ce qui ressort de ce type d'images, c'est une vague mélancolie et une certaine vacuité dans le propos. Je précise que ce que j'écris ne s'applique qu'à une photographie de type "Nicolas Comment" ! ;-)

Bon, c'est juste une esquisse de réflexion. J'y reviendrai peut-être un peu plus tard, après quelques verres de coca (je ne bois pas d'alcool :-p) !

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: robert colognoli 
Date:   22-01-2005 10:20


Dans « Le Monde », vendredi 21 janvier 2005, page 24, un article de Michel Guerrin.
Présentation des expositions de Stephen Shore et Luigi Ghirri, actuellement à Paris.
RC.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   22-01-2005 10:27

Je ne connaissais pas Nicolas Comment (je me réjouis souvent de ne pas êtree au courant des tendances en temps réel…).
J'ai trouvé ces mots, de lui, à propos de son travail :
j’ai pris le parti par l’absence de légendes et de dates de ne pas donner à lire ces diverses clefs qui ne regardent que moi, et motive surtout mes prises de vues... Mais je crois assez – peut-être à tord ? – qu’elles chargent ces images (souvent vides) un peu à la manière d’une pile...

Ce genre de photographie ne va effectivement pas très loin. Je vais caricaturer, mais comme on est au café…
J'ai le sentiment que c'est un processus hasardeux : je déclenche 'spontanément', puis je choisis sans plus réfléchir quelques images que je rassemble, en comptant sur le fait que je suis habité d'une espèce de qualité intrinsèque qui fera le reste…
Un aute sentiment, mais je manque de culture pour être plus précis : sentiment de 'déjà vu' qui indique, je pense, un amoncellement de références.
Je rejoins le propos de Chung-Leng : il n'y a dans ces images aucune prise de risque… je dirais aucune prise de position : ni point de vue, ni proposition de points de vues.

Si la banalité m'intéresse, c'est plus pour la transcender que pour l'enfoncer un peu plus.
Les choses banales ont ceci d'extraordinaire que l'on pense les connaître…


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: David G 
Date:   22-01-2005 10:41

Quelques notes sur les interventions sur le zinc :

Là où le photojournaliste va essayer de témoigner sur le monde ... pour beaucoup, il s'agit seulement de faire de l'image, du cliché vendeur ... mais il y a quelques exceptions !


American Surfaces est le "making off" de Uncommon Place, c'est la mode DVD !
On est dans la société du bonus, de l'extra ball ...
ces images sont un carnet de croquis, et pas une fin en soit !
Elle montre la recherche fine et sensible d'un artiste, met en image le fil de sa pensée, rien de plus !

Et hop, je me lance, accrochez vos ceinture à la rampe (et oui la rampe des bars servait - éviter aux clients de tomber, ou plutôt leur permettait de boire plus, comme quoi même le banal regorge de sens caché...).

Donc commençons par le commencement, c'est à dire pour ma part, le travail "Paysages Urbains" que j'ai réalisé de 1999 à 2000.
J'écrivais à ce sujet ; "Paysages Urbains est une étude photographique sur le territoire des villes à travers le monde. Ces images proposent une relecture de l'évolution contemporaine de nos cités et espaces publics. La ville, véritable réservoir de couleurs, où viennent se juxtaposer masses de béton, aplats de bitume, parois minérales et éléments végétaux, est appréhendée comme une scène en mutation. Il s'agit de saisir le visage aléatoire de la ville, résultat d'innombrables années d'évolutions et de cohabitations."


Et justement, mon travail était positionné dans ce champs de mine de la photographie contemporaine, avec tous ses frères ennemies ...
J'étais sur la route de la banalité; et pourtant ce qui m'animait c'était bien tout autre chose, à travers mes séjours dans les villes dispersées dans le monde, j'étais à la recherche de "pépites" de ville, de ces lieux, ces espaces ou l'urbaniste et l'architecte n'ont plus leur mot à dire. Des "tableaux urbains" formés par des strates de vie, par des chocs, le frottements des histoires personnelles. Et à l'époque, malgré mon appétit photographique, et ma recherche continue de sens, j'avais bien malgré moi fait une impasse magistrale sur Shore, aucun de ses livres n'avait traversé ma route. J'en ai mangé du livre et des paysages urbains de diverses provenances, avec souvent une sensation de "canon de beauté", "d'école esthétique" qui ne me suffisait pas. Et un beau jour, j'ai découvert SHORE, qui avant de restituer une quelconque image du banal, nous montre, ou plutôt me donne à voir une certaine épaisseur du temps, et là c'est pas banal !


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: David G 
Date:   22-01-2005 10:43

Pour illustrer mon intervention, mon site "paysages urbains"
http://www.documentsdartistes.org/artistes/giancatarina/repro4.html
http://www.documentsdartistes.org/artistes/giancatarina/repro4.html


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Denis 
Date:   22-01-2005 11:25

Personnellement, je distinguerai plusieurs choses :

- le vrai banal. Il y a objectivement des espaces banals. L'architecture moderne dans sa grande masse me paraît banale en ce sens qu'elle est totalement prévisible, et qu'elle n'est pas singulière justement. Il y a une époque ou chaque chaque façade, chaque bâtiment affichaient une singularité, tout en s'iscrivant dans une cohérence esthétique avec son environnement. Aujourd'hui, c'est un peu le désert, en partie compensé par le pub... la pub joue un important rôle d'animation de l'espace dans les villes modernes.


- Le faux banal : le réalité américaine n'est pas banale, même si elle en a l'air. C'est sans doute lié à la primordialité de l'espace américain, à son étendue, à sa stimulation, à son imprévisibilité. Shore a donc peut être l'air de photographier des choses banales, sauf qu'elles ne le sont pas, en tout cas pas de la même façon qu'en Europe ou ailleurs.

- Le regard porté sur le banal. Certains photographes peuvent avoir tendance à esquiver la banalité, à la masquer, à la tronquer, d'autres à l'affronter, à la livrer telle quelle, etc.


- Le regard banal porté sur la banalité, ce qui pour le coup, n'a vraiment aucun intérêt d'aucune sorte.

- Il y a sûrement d'autres possibls en la matière...


Denis


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: olivieramsellem 
Date:   23-01-2005 14:26

bonjour
je me permet de m'initier dans ce debat, en soulignant tres justement comme la fait Henri, que stephen shore au meme titre que tous ces grands "paysagistes et portraitistes" americans du debut des années 60, descrit dans 3 fabuleux volumes de sally eauclaire, notamment The New Colors, font partie du mouvement HYPEREALISME AMÉRICAIN. le meme qui existe en peinture, a la meme periode. A cette epoque, l'amérique se decouvre a travers les immenses etats qui la constitue.
Ce sont avant tout des photographes idealistes et parler de banalité aujourd'hui resume mal a mon simple avis cette génération.
peut etre que notre regard dans notre société fait penser ou nous laisse croire dans un formatage reducteur de culture et d'histoire de l'art, que ce sont des images banales, mais personnellement, j'ai toujours un mal fou a comprendre ou chercher a savoir pourquoi certaines images pouvaient sembler banales et d'autres non-banales.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: David G 
Date:   23-01-2005 14:35

j'ai toujours un mal fou a comprendre ou chercher a savoir pourquoi certaines images pouvaient sembler banales et d'autres non-banales...
comme l'impression que beaucoup qualifie de banal, ces espaces où leur regard ne s'arrête pas. Ceux sont souvent ces même personnes qui trouve peu d'intérêt dans le quotidien, un peu l'anti Mr Hulot ...


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Chung-Leng 
Date:   23-01-2005 17:05

Je suis un peu fautif à vrai dire car j’ai lancé un débat sans en définir les termes. Henri est venu le rappeler en essayant de dégager les différentes conceptions du banal et je l’en remercie. S’il considère ne pas avoir l’épuisette adéquate pour attraper le poisson, je dois dire que pour ma part, j’étais parti à sa poursuite muni d’une malheureuse fléchette en plastique, arme ô combien inefficace, mais également inadaptée ! Et pour couronner le tout : je vise très mal ! ;-)

Pour revenir au débat, je le répète encore une fois, je ne mets pas Stephen Shore dans le même panier qu’un photographe comme Nicolas Comment (mais on pourrait très bien dire Hiromix à la place et bien d’autres encore). Touchez pas au banal semblent dire certains (je rigole :-p). Je ne décrie pas le banal en lui-même. Je comprends tout à fait l’intérêt que l’on peut porter sur le quotidien, le banal (moi-même, dans ma pratique photographique je m’y intéresse). Peut-être que ce terme est connoté de nos jours où l’ennui semble être le pain quotidien des beeaucoup de Français. Il faudrait peut-être employer les termes de familier ou ordinaire à sa place, je ne sais pas.

La question reste ouverte !

Chung-Leng


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: David G 
Date:   23-01-2005 18:17

sophie calle et nan goldin sont sur un bateau
stephen shore tombe à l'eau
c'est d'un banal !


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: henri peyre 
Date:   23-01-2005 18:33

Il n'y a pas faute, le concept vient en discutant ;-))
Le rappel historique d'Olivier est intéressant aussi.
En réalité je trouve que ce genre de discussion permet d'avancer en nous ouvrant les uns et les autres sur des tas de points de vue possibles.

Je m'aperçois d'ailleurs qu'il y a un "gros" point de vue historique sur le banal et la photographie qu'on n'a pas cité. Celui-ci :
Lorsque les conceptuels veulent l'image la plus pauvre possible, pour combattre la peinture qu'ils considèrent comme bourgeoise avec ses grands sujets, ils vont être amenés à privilégier la photographie la plus évidente, la plus bête, la plus ratée possible. Ce serait un autre sens historique pour "banal" : anti-grands sujets exprès, par politique.
Même si cette conception peut sembler vieillotte aujourd'hui, cette hystérie conceptuelle marque encore les arts plastiques en France : il est consensuel de donner dans l'art politique et le banal au pays de la Révolution. C'est désormais un bon engagement (petit bourgeois et confortable) de gauche, pour dire vite, et il peut servir de vertu bien visible.


En réalité il est probablement nécessaire de déterminer l'ordre de nos analyses. Qu'est-ce qui nous motive au-dessus de tout ?
Pour moi cela serait un ordre bien ridicule annoncé sans précaution, quelque chose comme :
1. amour
2. connaissance
3. esthétique
... mais nulle part "politique", auquel je ne donne aucune place en art.

A partir de là notre perception du travail de l'autre apparaît déviée par nos choix. Nous comparons les productions d'autrui aux attentes que nous avons. A juste titre on dit donc souvent qu'une critique renseigne autant sur son auteur que sur son sujet.
Pour cette notion de "banal" on fait la même chose, évidemment.

C'est pourquoi on se perd, mais c'est justement aussi pourquoi tous les avis sont intéressants !



J'ajoute une dernière couche. En école d'art, où il faut juger la production d'autrui, on demande aux étudiants, à partir de la troisième année, de se poser une "question" et d'y répondre par une démarche, qui va amener à produire des oeuvres.
Scolairement, on juge la capacité à définir finement la question, à la positionner dans le contexte artistique, et on apprécie la pertinence des moyens mis en oeuvre et la qualité des oeuvres produites.
Mais la "question" elle-même reste en dehors du coup. Elle relève évidemment de la hauteur morale et du niveau de pensée de l'étudiant. Le jugement en cette matière peut sembler bien délicat et peu consensuel. Alors il est escamoté.

Or peut être est-ce justement là qu'est véritablement l'enjeu artistique, qu'on place pour des raisons consensuelles au seul niveau de la communication !


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   23-01-2005 18:56

Le banal, ou l'ordinaire n'a t'il pas toujours été un sujet photographique ?
Dès les premiers temps de la photographie, la fascination de l'image nouvelle poussait à photographier 'pour voir à quoi ça ressemble quand c'est photographié' (comme Winogrand le disait, bien plus tard…).


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: henri peyre 
Date:   24-01-2005 07:14

Tiens, une référence intéressante, récupérée par hasard dans la bibliothèque ce matin et en plein dans le sujet :
Pascal Bruckner, l'Euphorie Perpétuelle, Essai sur le devoir de bonheur, en particulier le chapitre " le Royaume du Tiède ou l'Invention de la Banalité". (ISBN 2 246 58221 - Grasset)

L'auteur donne comme origine à la banalité le reflux du divin (p 90) :
(...) " Privées de leur conservateur divin, les choses révèlent leur gratuité, leur ténuité, le fait qu'"elles soient ce qu'elles sont" (Hegel). Au sublime moyen-âgeux succède le trivial moderne, au grand absolu le petit relatif. Terrible vertige d'un homme soudain délesté de ses entraves et qui subit moins un désenchantement qu'une désorientation ; il se retrouve libre mais pygmée. Emancipé du pouvoir féodal qui l'assignait à sa naissance et de la loi religieuse qui le rivait au souci du salut, il ne connait plus ni prédestination ni destination.
Mais avec cet affranchissement naît aussi la banalité, c'est à dire l'immanence totale de l'humanité à elle-même. Plus d'échappées sinon dans le futur, le ciel est bas, lourd. Nous voici condamnés à n'être que de ce monde, assignés à résidence ici-bas (...) A la question comment vivre selon Dieu (...) s'en substitue une autre qui retrouve les préoccupations des Anciens : comment vivre tout court ? (...)
D'où les deux voies que le plaisir va emprunter : ou la griserie, la quête éperdue de l'intensité, ou la grisaille, la jouissance paradoxale de l'insipide sous les mille formes qu'il peut prendre (...)
La banalité est le destin des hommes sans destin, une chance autant qu'une servitude qui nous échoit à tous en partage."

P105, on trouvera de fort intéressantes considérations sur le cas des moines soumis à une vie recluse qui peuvent être envahis "par l'acédie (du grec akedia qui veut dire indifférence et chagrin), ce terrible mal des ascètes qui les détournait du Seigneur et les frappait de tristesse. Fatigue de celui qui a dédié sa vie à la prière at que la prière lasse, qui souffre d'un désintérêt subit à l'égard de son salut, mal terrible contre lequel l'Eglise s'est avouée impuissante" (suit une description, citation de St Jean Cassien, qui dresse un portrait de moine atteint : "l'horreur pour le lieu où il demeure, le dégoût pour sa cellule, du mépris pour ses frères qui vivent avec lui ou sont éloignés et qu'il considère comme négligents ou peu spirituels (...)" il devient "mou et sans courage pour tous les travaux qu'il a à faire").
p 107 : pour tirer le moine de là, il faut l'occuper, jour et nuit.

Enfin, p 122, l'auteur constate "deux manières d'insuffler du romanesque dans sa vie quand il ne nous arrive rien : l'écoute de son psychisme ou la narration de ses misères physiologiques", soit la profondeur inattendue du divan ou la maladie comme mode de vie (pour ce dernier point en ce que 1.la vie est belle quand on sort de la maladie ; 2.une maladie grave, lorsqu'elle nous atteint, nous libère du poids du souci de vivre par les obligations qu'elle nous donne. 3.Si cette maladie nous abandonne, elle nous confère le statut de rescapé).


Tout ça est intéressant pour aider à mesurer la taille de l'épuisette ;-))


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: robert colognoli 
Date:   24-01-2005 07:45

"Ainsi l'homme est si malheureux, qu'il s'ennuierait même sans aucune cause d'ennui, par l'état propre de sa complexion, et il est si vain, qu'étant plein de mille causes essentielles d'ennui, la moindre chose, comme un billard et une balle qu'il pousse, suffisent pour le divertir. L'homme, quelque plein de tristesse qu'il soit, si on peut gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement, le voilà heureux pendant ce temps là; et l'homme, quelque heureux qu'il soit, s'il n'est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusemant qui empêche l'ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux."
Blaise Pascal.
RC.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: patrick cartou 
Date:   24-01-2005 08:43

......le banal n'est plus du tout banal quand il se singularise.....

Ce fil est (à mes yeux), un des plus denses et riches depuis de nombreux mois sur le forum, un grand merci à Stephen Shore (malgré lui peut-être), Chung-Leng sûrement et tous ceux qui sont intervenus (Henri P. en particulier).

patrick


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   24-01-2005 09:07

Le banal comme invention de la modernité qui pointe son nez à la Renaissance… mais c'est bien sûr ! Dès que le monde est découvert, connu dans sa globalité, il devient banal, commun.
Le sens péjoratif associé à ce mot (banalité) serait alors une manifestation de la nostalgie d'un monde non fini, d'un monde encore à imaginer ?


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Denis 
Date:   24-01-2005 09:33

Je rebondis rapidement (dzoing dzoing) par rapport à l'évocation des conceptuels par HP.

Il y a quelque chose d'assez intéressant dans l'expo de Shore, c'est qu'elle regroupe des travaux de jeunesse d'orientation conceptuelle, et ses grandes séries plus connues. Eh oui, à ses début Shore a été tenté par le conceptuel, il a réalisé quelques séries "à idée".
Certaines ne sont pas totalement inintéressantes, elles pourraient même avoir leur place sans rougir dans une galerie aujourd'hui, mais la vérité est que ces séries sont totalement éclipsées par la grandeur de ses travaux postérieurs qui eux, relèvent davantage d'une esthétique purement photographique (sans véritable idée pré-conçue, si ce n'est une errance à travers les US, dans la foulée de Kerrouac).

Pour ce qui est du monde moderne, s'il est vrai qu'il a tendance à favoriser un certaine banalité du quotidien (difficile de s'émerveiller devant du dentifirice ou une pizza surgelée), il ne faut pas exagérer non plus, c'est aussi un monde prodigieusement fécond sur le plan scientifique - et pour le coup, on est en droit de s'émerveiller devant ses productions - les photos de la sonde Huygens sont quand même quelque chose d'assez extraordinaire.

Denis


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: hervé durand 
Date:   25-01-2005 00:36

À Franckfort c'est la saucisse qui est banale. Pour l'école voyez plutôt Düsseldorf.

Hervé.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: hervé durand 
Date:   25-01-2005 00:45

Bonsoir,
Ce fil m'a l'air passionnant. Il est tard pour lire toutes les considérations sur le sujet. Mais demain après une bonne nuit...

Hervé


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Christophe 
Date:   25-01-2005 11:13

Ce matin, 9h50sur France Inter, emission Ecclektic, interview de Stephen Shore...


@+

Christophe, c'est bien, la photo a la radio


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: christian raby 
Date:   04-02-2005 09:17

Au risque de paraître rabat joie je ne trouve pas la question de la banalité très pertinente.
La femme de mon voisin est banale mais c'est sa femme il faut donc bien qu'elle soit pour lui exceptionnelle d'une manière ou d'une autre. Lorsqu'on lit les remarques sur le livre d'or de la galerie Kamel Nemour qui expose Shore ont a tous les échantillons de réactions possibles: de l'extase, à l'ennui ( "j'ai les mêmes photos dans mon album de famille..." ect...
En vérité, c'est l'idée de quotidienneté qui me paraît plus pertinente. Le journalier, le répétitif, le monotone, l'ordinaire, l'utile tout ce qui fait l'objet de la vision mais n'est pas regarder pour lui-même. Sherlock Holmes faisait la différence lorsqu'il expliquait à Watson que tout son génie venait de l'observation et du regard. Il lui faisait remarquer qu'ils montaient journellement l'escalier de leur appartenant commun . Mais, à la question de savoir combien il y avait de marche Watson restait incapable de répondre : d'où la différence entre voir et regarder.
Les photos de Shore découpent dans le réel quotidien ( une photo est toujours d'abord une supression de ce qui est hors cadre, c'est là le premier élément de construction de l'image) et font surgir une totalité pleine et singulière que l'habitude, la quotidienneté émousse ou voile. Bergson définissait l'art comme l'aptitude à déchirer le voile de l'habitude et de la convention commune. Le poète torture les conventions du langage dans sa fonction purement sociale et communicatrice...Cette idée est particulièrement applicable à ce genre de photographie.

Le paradoxe fertile, c'est que l'usage de la couleur est justement ce qui fait à la fois l'originalité historique de Shore et sa référence implicite à la photographie familiale ou touristique. En ce sens, c'est dans l'élément même de la couleur comme moyen commun de l'usage photographique que Shore impose sa vision singulière de ce que tous ces contemporains voient mais ne regardent pas.
Si la photo ( mais là je peux me tromper) a une fonction sociale mémorisatrice, exotique et de mise en scène de soi ( famille, travail, vacances, évènement de sociabilité exceptionnel...) on a bien l'impression que les photos de Shore regardent le réel qui l'environne pour lui-même, en lui-même et pas pour ce qu'il est dans l'ordre de la quotidienneté qui l'utilise. En ce sens il nous ramène au réel et rien qu'au réel en faisant abstraction de l'usage qui le banalise justement.


La remarque sur le Renaissance et le monde fini me semble très juste mais le monde est toujours non fini car il n'est que l'ensemble des images qui le constitue comme monde à nos propres yeux. Le monde est toujours un monde commun. Shore imagine ou plutôt "image" ( c'est du canadien) le monde commun et réussit ( pas toujours d'ailleurs) à en faire son monde propre dont il nous garde l'image, il dévoile un pan du réel observé seulement pour être observé . C'est pour cela que c'est intéressant. C'est là que le subjectif rejoint l'objectif et inversement. On peut peut-être parler d'art. Sans doute!
Personnellement, les photographies les plus explicitement référées à Hopper ou à Magritte me séduisent mais ne me plaisent pas vraiment.
C'est un peu le piège de la reconnaissance et de la filiation qui donne un effet artistique sans rien produire réellement de propre. Mais bon, c'est un détail par rapport à l'ensemble de cette exposition et à la qualité du travail de Shore.
Personnellement, les photographies les plus explicitement référées à Hopper ou à Magritte me séduisent mais ne me plaisent pas vraiment.
C'est un peu le piège de la reconnaissance et de la filiation qui donne un effet artistique sans rien produire réellement de propre. Mais bon, c'est un détail par rapport à l'ensemble de cette exposition et à la qualité du travail de Shore.
Pour répondre à Robert Colognoli et à sa citation de Pascal. Il faut tout de même se rappeler que l'ennui est une faculté négative qui est le revers de la foi. Si l'on s'ennui, c'est qu'on cherche ici bas ce qui est promis au ciel. Rien d'infini et d'absolu ne peut remplir sur terre notre exigence de bonheur paradisiaque. Pour Pascal l'ennui est une preuve de notre nature divine et de la perte du paradis. C'est l'aveuglement des hommes sur le sens de ce sentiment d'ennui qui les conduit à l'égarement et au divertissement. Rien de plus banal que l'ennui tant qu'on en a pas pris la mesure métaphysique: si je m'ennui c'est qu'il me manque quelque chose d'essentiel à mon être et que rien ne peut combler ici bas. C'est le sentiment d'une théologie négative qui devrait me conduire vers la foi. Comme avec Shore et sa mise en image de la quotidienneté, on assiste avec Pascal à une mise en idée religieuse du sentiment usuel et commun de l'ennui. Pascal comme Shore mais dans deux domaines bien différent déchire le voile de la convention sociale et de l'habitude commune.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Christophe 
Date:   04-02-2005 09:53

Bonjour Christian,

Merci de votre remarquable intervention.

On pourrait également s'interroger sur le sens d'une réception de la banalité de ce travail trente ans plus tard depuis la France... Ces photographies ont, je trouve, désormais une grande valeur historique. J'ai été personnellement fasciné par la projection du film qui me place mon regard dans celui du promeneur d'une ville américaine des années 60-70.

C.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Gérard F. 
Date:   04-02-2005 10:34

BOnjour

POur rebondir sur l'intervention de Christian Raby du 4 février 2005, quelques remarques

Le monde vu par les contemporains de la Renaissance était-il fini?
L'historien Chaunu parlerait de renouveau dans un monde ouvert, au contraire de la fin du Moyen-âge qui est comme un automne voire un hiver en terme de vision du monde.

L'ennui peut saisir un croyant . Mais un incroyant?
Pour celui qui ne croît pas ( voir Comte-sponville) , le monde est "désenchanté" et "désespéré", " la vie est difficile" ou "insensée" , sans doute quotidienne (pour celui qui n'est adepte du Zen ) , mais nullement banale.

Est banale une vision banale comme l'ont dit maints intervenants sur le forum. Est banale une image mal composée, mal prise, sans intention apparente du photographe. Ici, le concept et le sens ne peuvent rien contre la banalité et la qualité unsuffisante de l'image.

Shore bouscule la convention? Tant mieux pour lui, si cette intention le fait connaître et si son travail lui rend la vie moins difficile.

Faut-il un Shore pour mieux voir? Et voir quoi? La réalité n'a pas besoin d'un Shore pour exister à qui sait voir. Shore serait donc pour les aveugles et les croyants?

Cordialement


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: pscl 
Date:   04-02-2005 11:40

Vues sous les angles d'analyse de Peirce et Sebeok, je me demande quelles sont les différences du "signifié" pour un américain et un européen dont les référents ne sont pas les mêmes.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: robert colognoli 
Date:   04-02-2005 13:45

Pour répondre à Christian Raby; j'avais placé cette citation de Pascal après celle d'Henri Peyre simplement parce que je trouvais que P. Bruckner avait dit à peu de choses près les mots que Pascal avait prononcés avant lui.

"pour tirer le moine de là, il faut l'occuper, jour et nuit."
RC.


 
 Re: Déviation poétique ou dialectique?
Auteur: marc dantan 
Date:   04-02-2005 21:28

j'adore ta phrase : courant semi-dépressif post Egglestonien et néo germanique glacial :-)... Cest tres drole...
je ne sais pas si les Germains se sont inspirés d'Eggleston car lui est plutot très chaud!!!

marc


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: marc dantan 
Date:   04-02-2005 21:37

je suis assez d'accord avec l'idée du repli, cest très juste.................


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: henri peyre 
Date:   05-02-2005 08:16

Christian, c'est vraiment intéressant ce rappel sur Pascal et le rapport à l'ennui. J'ai souvent ressenti les photographies du banal comme des études de croyance (jusqu'où puis-je croire en ce que je fais ? ou qu'est-ce que j'accepte comme transcendance dans mon travail ?) chez des photographes laïques.
A cet égard, il faudrait peut être distinguer :
- le banal provocateur de la "photo ratée", globalement conceptuel, qui finit historiquement par tourner à l'idiotisme, parce qu'il n'est que contradictoire. Pas de question de la moindre transcendance. On se rit du bourgeois. Le sujet est provocation. Destruction est seule jouissance. L'enfant contre le papa.
- un banal qui est une façon d'amoindrir le sujet parce qu'on se polarise sur l'esthétique, la couleur par exemple, qui devient le sujet principal et ne doit pas être altéré, dans sa présentation, par un Grand Sujet, qui détournerait l'attention de l'essentiel (cas de Shore, pour lequel je vous suis).
- ce banal du quotidien que vous évoquez parfaitement et pour lequel le rapport que vous faites avec Pascal est vraiment lumineux (mille mercis !)


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: guillaume p 
Date:   05-02-2005 09:12

Evidemment, le monde est toujours non-fini, et c'est un caractère de la modernité de penser que le monde est fini, ou du moins que le monde s'arrête là où finissent nos propres représentations : monde cartographié = monde connu.
Ce qui pourrait expliquer les reflexions du type "j'ai les mêmes dans mon album de famille", qui ne sont que l'expression d'un regard qui s'arrête à l'apparence, à la vague ressemblance qui appelle aussitôt une représentation prête à se substituer à un quelconque effort de lecture.

Enfin, pour combattre l'ennui, on peut très bien être le touriste de son propre quotidien…


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Pierre MOVILA 
Date:   05-02-2005 10:04

Juste une petite reflexion : vous avez vu les photos de Shore à Sully, pas moi. Mais j'ai un bouquin de lui à la maison (uncommon places), et je peux le regarder plusieurs fois, mais il me semble tout à fait évident que ses photos ne sont pas banales ! Non je n'ai pas ce genre de photos dans mes albums de famille. Même pas dans le tas des photos ratées.

Ses photos sont exotiques pour moi, car je ne vis pas en Amérique, ni dans les années 70. Je ne recontre jamais de joueur de baseball, ni de cadillac. Et puis quand je regarde simplement la photo de la couverture du bouquin, je constate que la photo est rigoureusement composée, prise d'une hauteur inhabituelle. Les couleurs ne sont pas celles que j'obtiens avec une pellicule Kodak achetée à Carrefour, et je ne parle pas de la résolution !

Il parait que les tirages sont géants, et que le tout forme une série très cohérente qui évoque d'autre grands photographes comme Eggleston etc... On ne dit jamais ça à propos de mes photos et de celles de ma belle-soeur.

Où est le banal dans tout ça ?
Qui d'autre fait des photos comme celles-là (j'attends des centaines de noms en réponse puisque c'est banal) ?

Pierre


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Christophe 
Date:   05-02-2005 11:09

Bonjour Pierre,

Les tirages de l'exposition sont de 60 x 80 cm / 80 x 100 max.
J'ai été un peu déçu par la définition, on est loin de la précision d'un Massimo Vitali (avec des tirages de 4 x 5 mètres vus dans une galerie à Florence il y a 2 ans) .

Votre livre est beaucoup mieux que l'exposition, très bien imprimé, le propos, je trouve, fonctionne mieux sous la forme du livre pour "Uncommon Places".

Mais l'exposition vaut largement le coup d'œil pour le film et ses derniers travaux sur les "paysages analytiques". C'est dailleurs sa recherche de l'image analytique qui caractérise en premier lieu son travail (d'où son abandon du 4 x 5 pour le 8 x 10).

C.


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: christian raby 
Date:   05-02-2005 18:27

Pour répondre à Gérard F.
Je n'a


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: christian raby 
Date:   05-02-2005 19:22

Pour répondre à Gérard F.
Je n'ai pas voulu dire que Shore " bousculait" les conventions. C'est, juste que le monde humain est un monde conventionnel au sens où il n'est partageable que si on parle du même monde. Il y a toujours un arbitraire dans notre découpage du réel ( langagier, perceptif....) mais comme c'est le notre, d'arbitraire, il nous convient. Disons qu'il est à notre convenance.
Un exemple: un parking est là pour garer les voitures, c'est sa raison d'être. Il n'est pas là pour tendre un miroir aux nuages. La photo dont je parle est totalement symétrique ( horizontalement et verticalement). On pourrait plier l'image , une fois par le ligne d'horizon, une autre par la ligne de peinture au sol et la mettre dans sa poche. Avoir rencontrer et construit une telle conjonction formelle et peut-être mystique , avec une telle lumière et des couleurs à la limite du gris, c'est tout simplement épatant. Pourtant, je ne suis pas très friant des photos de reflets mais là c'est vrai que le parking n'est plus le parking, le ciel n'est plus le ciel, les voitures semblent converser deux à deux sur le sens de l'image du monde céleste qu'elles se renvoient l'une l'autre....et qu'elle renvoient à l'objectif qui nous les renvoie sur le tirage, dont je vous parle....ect.... Cette photo appartient vraiment à la deuxième catégorie de banal dont parle Henri Peyre dont les distinctions me paraissent justes, mais le terme banal me gène encore. Mais peu importe, l'idée d'amoindrir le sujet, de l'épurer pour éviter l'impasse de la hiérarchie des genres et l'imposture du conceptuel me convient.

Si quelqu'un a été voir l'autre expo du jeu de paume, celle consacrée à Rineke Dijkstra, et peut m'en dire quelque chose je suis preneur. Je ne sais pas par quel bout prendre ces images. Je suis passé et repassé devant tout ces immenses formats et suis ressortis comme si j'avais rien vu.

cordialement


 
 Re: Stephen Shore à l'Hôtel de Sully
Auteur: Nicolas Marailhac 
Date:   14-02-2005 11:47

Bonjour,

Pour Christian Raby: l'exposition consacrée aux images de Rineke Dijkstra a fait l'objet d'une discussion sur ce forum, ici.

N




 
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