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Bourses: la ruée vers l'or
En pleine tempête sur les places financières, l'or a la cote et le cours de l'once bat record sur record. Comment expliquer cette fièvre jaune? Peut-on craindre une bulle d'or? Le point.
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Par ELODIE AUFFRAY
Des petits cochons en or, dans une bijouterie coréenne, le 1er août 2011. (Jo Yong hak / Reuters)
C'est peut-être le moment de revendre la vieille bague de mémé. Car les cours de l'or n'en finissent plus de grimper: voilà maintenant que les 31,10 grammes que pèse l'once d'or cotent à plus de 1900 dollars (1300 euros). Un niveau jamais atteint. En six mois, le prix de l'once a pris plus de 30%, plus de 50% sur un an.
-> Evolution du cours de l'once d'or sur un an, en dollars (cliquer sur l'image pour agrandir):
Source: abcbourse.com
Pourquoi cette ruée vers l'or?
En pleine tempête boursière, l'or a la cote. D'abord parce que les investisseurs «anticipent une inflation», explique Yannick Colleu, auteur d'un «Guide d'investissement sur le marché de l'or». Or, si les monnaies-papier, euro et dollar en tête, peuvent fluctuer, l'or reste une valeur sûre, tangible, rare, donc chère, quoi qu'il arrive. «L'or n'est la dette de personne, alors que le dollar est une créance sur les Etats-Unis, qui souffrent de problèmes économiques, et l'euro une créance sur l'Europe, qui pâtit de problèmes politiques», explique aussi Jean-Philippe Roos, gérant de Fructifonds international or chez Natixis Asset Management.
Ainsi, résume-t-il, la ruée sur l'or traduit «une défiance envers les deux principales monnaies de réserve, l'euro et le dollar, la peur d'un risque systémique concernant les banques, et la crainte d'un retour de l'inflation».
Qui a la fièvre de l'or?
Des particuliers, bien sûr, «mais ils ne font pas la tendance générale», rappelle Yannick Colleu. «Il y a surtout de très gros investisseurs, des fonds américains par exemple», analyse-t-il. Les pays émergents «semblent jouer un grand rôle», pour Jean-Philippe Roos. «D'une part, parce qu'en Inde, mais surtout en Chine, la demande en or, pour la bijouterie, est très forte, explique-t-il. D'autre part, parce que les banques centrales de Chine, Corée, Inde, Brésil, etc. ont beaucoup de dollars. Elles sont en train d'acheter de l'or, parce qu'elles souhaitent diversifier leurs réserves de devises.»
«Avant 2007, elles alimentaient le marché en vendant 400 à 500 tonnes d'or par an. Aujourd'hui, plusieurs banques centrales ont annoncé clairement qu'elles cessaient les ventes – Allemagne et Suisse notamment – et environ une vingtaine d'entre elles affichent officiellement qu'elles sont devenues acheteuses d'or», ajoute Yannick Colleu.
L'or peut-il accueillir toute l'inquiétude du monde?
Non, car «c'est un marché minuscule», indique Yannick Colleu. «La capitalisation globale annuelle de l'or physique disponible, poursuit-il, représente aujourd'hui moins de 200 milliards d'euros.» A titre de comparaison, le pétrolier ExxonMobil, première capitalisation boursière mondiale, pèse à lui seul à peu près autant.
C'est parce qu'il n'y aura pas de place pour tout le monde «qu'une bulle se créera», estime ce spécialiste. «Les prix vont donc augmenter, jusqu'à devenir aberrants. Les investisseurs se tourneront alors vers l'argent, qui au cours actuel représente moins du cinquième de la capitalisation de l'or et qui donc à son tour augmentera de façon vertigineuse.»
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