jean christian valero écrivait:
-------------------------------------------------------
> Dans le contexte de la série, l'image par
> elle-même ne vaut rien etc."
> J' y ai lu une réminiscence de la série vue comme
> un dispositif de guerre contre le tableau (ce
> qu'elle a historiquement été, sans conteste).
Ce point de la dévaluation de l'image, produit par des outils mécaniques qui marchent bien et vite, est analysé par Olivier Lugon dans
le Style Documentaire. A partir des années trente, un certain nombre de photographes vont perdre confiance dans la valeur de la photographie, vécue comme une image trop vite faite. Ils adopteront alors la posture de l'éditeur : la création pour eux ne sera plus au niveau de la photographie mais au niveau de la collection de photographies. La montée en puissance des magazines au même moment banalise l'idée que la photographie doit être légendée et montée en reportage. Le crédit de l'image isolée baisse encore. On est sur ce point dans un aspect qui ne s'inscrit pas dans le rapport entre la photographie et la peinture.
> Et pour corroborer votre analyse de la jouissance
> : c'est bien entendu l'opposition de sens
> élévation/destruction qui transforme les mots de
> Rimbaud en art poétique.
Entièrement d'accord, cela marche parfaitement en littérature. Il y a même des champions incontestables en la matière : [
www.galerie-photo.com]
> Entre parenthèse, la jouissance de reconnaître le
> point de charnière se fait pour moi sans la perte
> de contrôle de l'orgasme, plus ce point de
> charnière résiste, plus il se fait désirer, plus
> la jouissance sera grande de le mettre à jour.
> Alors la photo de Tien Anmen qui se livre d'un
> coup est trop frustrante ;-) Pour filer la
> métaphore sexuelle, il faut que ce point de
> charnière pénètre profondément mon cerveau jusqu'à
> la surprise de découvrir des zones inexplorées,
> des liaisons restées secrètes ;-)))
J'ai l'impression qu'il pourrait y avoir là un point très intéressant. A vous lire, vous ne sollicitez peut-être pas tant l'orgasme, qui est perte de contrôle, que l'allongement de la durée du désir.
Je partage en ce sens votre déception sur la photo de Tien Anmen qui se livre trop vite, frustrant la montée du désir.
Mais il y a probablement une question à se poser : la jouissance que nous désirons atteindre est-elle dans le désir ou dans l'orgasme ?
La réponse convenue est souvent que l'orgasme est la fin du désir et qu'il est intelligent de prolonger le désir en retardant l'orgasme. Mais peut-être pour les contemplatifs la réponse est-elle différente ? Peut-être un contemplatif essaie-t-il de faire durer le plus longtemps possible la phase d'indétermination de l'orgasme ? Cela est me semble-t-il le propos de Robert Musil dans l'article en lien.
Le parfait jouisseur ne sera pas inconsolable, qui peut à la fois faire durer le désir puis l'orgasme.
A dessein je reste jusqu'au bout dans la métaphore sexuelle, sur laquelle chacun a la plus riche expérience et l'intérêt maximum. Rien d'inconvenant, au contraire, puisque tout le reste en découle.
Sur le relief :
> J'ai l'impression que même si le
> spectateur est la victime consentante de cette
> illusion d'exactitude, finit, passé les premiers
> étonnements, par accepter comme exacte cette
> l'illusion.
Le début est ravissement, puis après il y a habitude. En fait on jouit du rendu auquel on n'est pas habitué, (il y a un changement de point de vue par rapport au cinéma plat) puis l'instant d'après, habitué au relief, on cesse d'en jouir. C'est le problème, on est d'accord.
> La seconde chose à laquelle votre recherche
> d'exactitude me fait penser, c'est l'image en
> relief. Le relief devrait selon cette logique des
> oppositions être la technique privilégiée de la
> photo artistique
C'est en effet a priori très prometteur, puisqu'il y a d'emblée un choc d'interprétation. Pour prolonger cette courte extase il faut après ajouter, au niveau de l'image elle-même, des contenus porteurs d'autres changements de points de vue. Avec un peu de méthode (à laquelle on essaie de contribuer avec cet article), la chose apparaît faisable.
Faire durer l'orgasme sera multiplier les points de vue possibles.
C'est intéressant d'ailleurs votre évocation de la photographie en relief par rapport aux notions de désir ou d'extase : le choc de la perception du relief me semble plus relever de l'extase que du désir. C'est un changement brutal de point de vue qui s'impose sans crier gare...