Philippe Ossete a gagné.
Il s'agit d'Élizabeth "Lee" Miller, alias Lady Penrose, au travail comme correspondante de guerre à Munich juste à la fin de la deuxième guerre mondiale.
En recadrant un peu la citation et en la donnant à manger au moloch, on trouvait immédiatement.
"je fais des documents, pas de l’art"
référence :
Lee Miller, photographe et correspondante de guerre, 1944-1945
Par Anthony Penrose, Éd. Du May, 1994, page 195, ISBN 2-84102-002-9
page 195
On peut désormais répondre à Jean point par point. Si j'avais répondu plus tôt, et je m'en excuse auprès de lui, Jean aurait certainement trouvé, ses questions sont les bonnes ! Bravo !
1- Quand tu dis "bâtiments", sont-ce des bâtiments de terre ou de mer?
J'avais tronqué la citation abominablement, mais je n'avais pas pensé à cette ambiguïté lexicale.
2- Ces bâtiments se trouvent en Europe
3- Le terme de "guide local" peut s’interpréter de différentes manières: d'abord pourquoi un guide? un (enfin, une) photographe n'a pas besoin d'un guide ou alors dans des circonstances bien spéciales (c'est en Russie?, c'est une centrale nucléaire?,
Lee Miller ne parle pas l'allemand. Elle accompagne en Bavière les troupes alliées dans la toute dernière phase de la guerre. Elle n'a jamais mis les pieds de sa vie à Münich, elle veut savoir où sont certains édifices qu'elle veut absolument photographier. Un guide local s'impose donc. Quelqu'un est réquisitionné, un autochtone, probablement
manu militari.
4- Guide "local", ce "local" ajoute à la confusion. C'est un autochtone qui est censé connaître les lieux et chargé d'une mission qu'il se permet d'outrepasser?
Le gaillard ne comprend pas que Lee Miller photographie des édifices en ruine. La barrière des langues n'arrange rien, il se fait donc eng... par Lee Miller, qui pour des raisons évidentes sur lesquelles je préfère ne pas commenter ici, est « à cran » après ce qu'elle a vu en Allemagne.
5- La photographe donne enfin une teneur à la mission du guide: qu'il lui explique ce qui se passe "à ces différents endroits". Aha, de quels endroits, des endroits ... Mais bien des bâtiments TRES SPÉCIFIQUES.
Oui, TRÈS SPÉCIFIQUES, Jean, c'est le mot qui convient (voir plus bas l'explication).
6- Donc ce putain de guide sait des trucs sur les utilisations multiples des bâtiments mais ces connaissances l'emmerdent, il préfère l'art, mais aussi peut-être parce qu'il a des consignes de ses chefs et ainsi cette attitude "artistique" du guide lui permet de cacher la merde au chat.
Centrale nucléaire, prison centrale, le Pentagone? J'ai bon?
Bien pire qu'une centrale nucléaire, Jean, mais tu as deviné l'importance et le côté effrayant des lieux, bien pire en termes de conséquences sur les vies humaines du monde entier : La Sterneckerbräu Haus
Mais utilisons notre droit de citation équitable et donnons enfin la parole à Lee Miller elle-même, en priant humblement Lady Penrose d'avoir outrageusement tronqué son texte ; textes d'un grand témoin de l'Histoire qui, indépendamment de ses images, selon les commentateurs de l'époque, s'avéra être une remarquable journaliste par la force et la qualité des ses textes écrits « à chaud ».
[NdEB] désigne mes notes personnelles sur ce texte qui m'a fasciné, je l'avoue.
Dave [David E. Sherman, un autre photographe de guerre travaille avec Lee Miller, à qui ont doit pas mal d'images de Lee Miller sur le terrain, NdEB] et moi avons déniché un vieux gâteux loin d’être irréprochable, qui parlait une soixantaine de mots d’anglais quasiment inintelligibles. Il connaissait presque autant le français [Lee Miller parle forcément très bien le français vu ses années passées à Paris, NdEB] que moi l'allemand, c’est à dire pas du tout, et Davie dut se lancer dans une longue discussion dans son allemand tout récent pour rabaisser le caquet à ce personnage qui prétendait être guide professionnel à Munich. Vu son talent pour les langues, on n’avait jamais dû lui confier de groupes d’étrangers ; il avait donc sans doute servi de guide aux Krauts [les Boches en argot militaire américain, NdEB] qui « étudiaient l’hitlérie » et les lieux sacrés du « Nouveau Monde ». Même s’il professait ne pas étre nazi et protestait quand je ramassai la dernière bannière du [je dirais : de la, une brasserie, une maison ... NdEB] Hofbräu Haus comme souvenir, parce que ce n'était pas très « Munich », il savait de façon sûre que telle chaise n’appartenait pas à Hitler, qu’il y avait toujours trois issues dans toute demeure de haut responsable Kraut, et non pas seulement les deux visibles, etc.
Je suis souvent extrêmement irritable, surtout quand je ne comprends pas les gens. J’ai tendance à leur crier dessus quand ils essayent de me dire que le [la] Hofbräu Haus ne fera pas une bonne photo parce qu’il [elle] a été détruit[e] par les bombardements et qu’il est inutile de photographier les monuments car ils sont en ruine. Les dix premières fois j’explique que je fais des documents, pas de l’art, et à la onzième, je me mets à hurler: « Bon sang, allez-vous la fermer et vous occuper de vos oignons ; tout ce que vous êtes censé faire c’est me dire ce qui se passe à ces différents endroits ». En continuant d’échanger des propos franchement aigres-doux d'un ton sarcastique, nous avons fait le tour de la ville.
Le [la] Sterneckerbräu Haus est un des hauts lieux de l’hitlérisme. Peut-étre un jour portera-t-il [elle] une plaque « Hitler a dormi ici ». Il n’a pas fait qu’y dormir. A l’arrière de la brasserie se trouve un enchevêtrement de petites pièces dont le feu n’a laissé que les murs qui s’ouvrent sur la rue. En 1921, ces pièces étaient louées ou utilisées comme lieux privés ......
Anfin ami lecteur, mais pourquoi donc cet intérêt subit pour Lee Miller ?
Eh bien parce que le 20 août prochain, outre un hommage à Doisneau, les copains de galerie-photo du Grand Est iront faire leurs dévotions à Lady Penrose au Luxembourg à Dudelange au CNA !!
Eh oui, le Luxembourg ce n'est pas seulement un bon pays pour les champions du vélo, que nous saluons au passage !
C'est aussi un beau pays de photographies !!
E.B.
Modifié 1 fois. Dernière modification le 25/07/2011, 11:37 par Emmanuel Bigler.