Re: Questions à HP et tutti
Envoyé par:
gregvds
Date: 21/02/2010, 10:35
Bonjour,
pour relever le niveau (que Brassens n'avait pas vraiment abaissé à mes yeux), et que les questions sortent de la bouche de mr Mougin ou de mlle Alexandre, peut me chaut, elles sont toutes d'actualité, et bien difficile à y répondre.
1. Quel en est de la multiplicité des points de vue en photographie.
Sans arriver à répondre à cette première question facilement, je dirai que le photographe est celui qui offre un point de vue autre. Nous offrons tous un point de vue autre, bien sûr, mais sommes-nous pour autant tous photographe? Est-ce que le simple fait de collecter des images au moyen d'un appareil photo fait de nous un photographe. Les touristes lambdas prennent-ils tous la même photo du monument, ou prennent-ils tous une photo différente. Cela suffit-il à annihiler leur point de vue, ou bien à le fonder justement? Avoir à l'esprit cette problématique ne simplifie rien, au moment de la prise de vue. On évite tout au plus la photo la plus banale. Un ami justement, aime le banal, le soit-disant déjà vu et revu, il philosophe beaucoup à ce propos, moi ça m'ennuie de faire la photo attendue. En même temps, je me retrouve plus souvent que prévu à la réaliser, simplement parce que j'aime les vieilles portes, sans vouloir spécialement les mettre en scène, créer un mystère, ou un mensonge qui créerait derrière l'oeil de mon spectateur un vacillement. Je me mets donc en face, en plein milieu, et je cadre au plus serré, j'essaye que les craquelures de la peinture ou du bois soient les plus nettes possible, les ferronneries les plus présentes, Ca a été fait milles fois, je m'en fous. N'ai-je pour autant aucun point de vue?
2. Photographie et vérité ? Mais la question est entendue et ne mérité guère d’être posée ?
Il me semble que celle-là est la plus usée, oui. Tisseron y répond pas mal je trouve. D'abord vérité enfin atteinte, et puis grande falsificatrice, la photographie a été perçue de différentes manières depuis sa création. Sans être la vérité, elle est plus fidèle tout de même qu'un croquis, par ceci qu'elle ré-évoque de façon bien plus immédiate ce qui est par son apparence, ou l'apparence optique que l'on en a, soit une mise à plat, impossible géométriquement sans point de vue simplement géométrique ici, mais qui devient bien sûr philosophique. Pourquoi avoir photographié, montré, telle porte, en simple prise de vue frontale centrée, quel intérêt, quelle rationalisation psychanalytique peut-on y trouver? La question de la vérité et son inclusion ou non dans une photographie rejoint donc celle posée sur le point de vue. Ce dernier est un biais inévitable, qui renforce le caractère immensément délétère d'une prise de vue. Là où Picasso a toute liberté de peindre toutes les faces de la guitare, ce qui en soit en est une représentation plus exhaustive, la photographie n'en pourra présenter que la table et une éclisse, et encore, en les déformant optiquement... La photographie singe à merveille le principe de fonctionnement de l'oeil, elle nous est à ce point familière d'emblée qu'on lui a trouvé les vertus de la vérité, qu'elle n'a pas.
3. Qu’est ce que contempler une photographie ? Une telle attitude est-elle compatible avec toute forme de vertige qu’il soit du corps ou de l’intelligence.
L'image si familière à l'oeil, opposée à la toile peinte, me rend son abord artistique plus difficile, je ne sais pas pourquoi. Un de mes très rare véritable vertige artistique, ou extase, reste le couple de jeunes filles portant des fleurs de Gauguin. Celle de gauche m'attrape et m'emporte hors du temps à chaque fois. La même rencontre ne s'est jamais produite avec une photo, pas encore j'espère. Je constate simplement que les photos les plus importantes pour moi sont celles de mes semblables, même si ce n'est pas la photographie que je pratique, sans doute par peur. L'humain reste le sujet majeur, et si possible sans fard, sans leurre, sans artifice. Les images qui pourraient me toucher le plus sont sans doute les portraits de petites gens par Avedon. Maintenant, j'adore Ansel Adams, il y a une magnification de la nature qui dépasse, qui atteint le divin parfois pour utiliser une forme bien galvaudée.
4. Enfin dans la situation du postmodernisme qui est la notre aujourd’hui, situation anomique où chacun prétend être le juge de tout quand il ne l’est pas de chacun, un jugement esthétique est-il encore concevable. Sinon ; avons nous encore le moyen de dire ce qui est beau et ne l’est pas.
Hé bien, je ne suis pas d'accord que tout un chacun est un juge valide. Mais c'est de fait la tendance actuelle. Cela va de pair avec l'effritement du cadre. Lisez L'homme sans gravité de Charles Melman si vous ne l'avez pas encore lu, nous ne sommes pas si loin de ses constatations, et je ne suis pas si loin de son point de vue. A mon sens, nous avons encore les moyen de distinguer le beau du laid, tout comme nous avons encore les moyens de distingués le bon du mauvais. Concédons à l'époque que nous sommes tous juges, mais sans pour autant avoir la liberté de dire tout et n'importe quoi.
Bien à vous,