Bonjour à tous !
Une lentille simple et un diaphragme, des millions de photographes amateurs du XXe siècle ont utilisé cela dans des appareils simples
(je n'ai pas dit : le plus simple appareil, attention ;-)) comme le Fex 6x9 620 de mon grand-père. Certes ce n'était pas du f/300 mais du f/11 ou f/16.
Que dire ?
Il y a la réponse des ingénieurs, et il y a la réponse des artistes.
Commençons par la réponse de l'ingénieur.
En associant une lentille simple et un diaphragme même très fermé, on va s'apercevoir que certains défauts de l'image ne disparaissent pas en diaphragmant, en particulier les effets de chromatisme longitudinal, la distorsion et la courbure de champ. Certes l'aberration de sphéricité se réduit ... mais cela ne suffit pas à faire une « belle » image. Dans le Fex de mon grand père, le film est courbé en cylindre pour essayer de compenser le moins mal possible la courbure de champ. Même fermé à f/200, il faudrait garder cette configuration cylindrique pour que la « netteté » soit homogène d'un bout à l'autre de l'image.
Par rapport au sténopé seul, la lentille simple apportera la luminosité et la netteté au centre du champ, mais la dégradation de la qualité en s'éloignant du centre et en défocalisant apparaît comme brutale si on compare avec le sténopé. Les persifleurs diront de toutes façons que l'image du sténopé est tellement mauvaise que la dégradation
supplémentaire centre-bord, on s'en moque, et que même si on ne respecte pas la condition du sténopé optimum, on voit toujours une image. Et il n'y pas de distorsion !!!
Revenons à la lentille convergente simple diaphragmée en son centre : il est très facile de placer une limite supérieure au nombre de pixels effectivement résolus dans l'image, et plus on diaphragme, plus c'est mauvais, et plus le format est petit, plus l'image est infâme, le calcul se fait de tête ; heureusement le grand format permet de sauver la mise !!
Pour une lentille de nombre d'ouverture N = f/a où f est la focale et a le diamètre de l'iris supposé centré sur l'axe et, pour commencer et simplifier, placé bien collé contre la lentille, le nombre maximal de cycles par millimètres qui passent dans l'image est environ 1400/N, rêvant à une lentille idéale qui n'existe pas, sans courbure de champ et ans chromatisme...
Avec du f/200, donc N=200, on tombe à 7 cy/mm. Très bon pour du tirage direct par contact à partir du négatif obtenu !!
(l'oeil considère que l'image est de haute résolution entre 5 et 7 cy/mm vus à 30 cm de distance), donc format 13X18 minimum. Mais inutile donc de bricoler le Fex 6x9 de mon grand père en rajoutant un sténopé collé sur l'iris f/11 d'origine, il n'y a rien à gagner !!!
Avec une lentille diaphragmée, inutile d'espérer les très grands angles, les nonante degrés de champ (et plus si affinités) que le moindre sténopé percé à l'Opinel(TM) dans une feuille d'alu sur votre table de cuisine vous donne sans forcer. Donc le calcul du nombre total de pixels contenus dans l'image devient encore pire qu'avec un sténopé, puisque qu'il est impossible d'atteindre de très grands angles.
Voir cet article, figure 6 pour ce terrible & décourageant décompte des pixels dans un sténopé optimum.
Optimiser son sténopé : le tour des trous en quelques abaques [www.galerie-photo.com]
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Concernant l'utilisation des ménisques. L'un des plus célèbres en photo est l'objectif ménisque « pour paysage » de Wollaston (1812 selon le wiki de service).
http://en.wikipedia.org/wiki/Wollaston_landscape_lens
Son fonctionnement est totalement contraire à l'intuition : c'est un ménisque convergent, concave-convexe, avec la partie concave
tournée vers le paysage !!, et le diaphragme surtout pas collé contre la lentille, mais à une distance judicieusement choisie, en avant de la lentille !!
Difficile à croire, mais autant lire le Kingslake à ce sujet, voici un extrait gratuit qui parle de la lentille de Wollaston, exemple d'image à l'appui.
L'objectif de Wollaston re-calculé chez Eric Beltrando !!
Ceux qui possèdent des bonnettes de Rolleiflex ont une lentille de Wollaston sans le savoir !! Prenez la bonnette de prise de vue N°3, environ 30cm de focale, retournez là pour que la concavité soit tournée vers le paysage à l'infini, montez-là devant votre chambre favorite et placez un diaph à 1-2 cm en avant... vous aurez un excellent objectif de Wollaston d'environ 30 cm de focale, made in Germany,
traité anti-reflet dans les fameuses cloches à vide de la Salzdahlumer Straße de Braunschweig !! (plus d'images sur le blog de Carlos Manuel Freaza)
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Et que disent les artistes ? Je n'en sais rien, mais historiquement, sans doute la lentille très diaphragmée n'a-t-elle jamais été très explorée : au XIXe siècle la faible sensibilité des supports photographiques poussait plutôt à l'usage d'objectifs à grande ouverture ; point de sténopé donc au XIXe siècle, expliquait Jean Daubas dans l'une de ses conférences sur l'histoire du sténopé ;
le fameux Petzval de chez Voigtländer en 1840 est un f/3,3 ou 3,4 !! ... et l'Ernostar de Ludwig Bertele, c'est f/2 dès 1922 !!
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Donc : oui il faut explorer la lentille diaphragmée !! Si les ingénieurs pensent avoir tout dit à ce sujet, laissons-les dire ; au contraire, les artistes n'ont sans doute pas tout dit !!
E.B.