Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 04-12-2006 11:14
Avant d'en venir au sujet, un peu de publicité bien méritée pour ce dernier numéro 1646S ; en ce premier dimanche de l'Avent, la rédaction du magazine « Le Photographe » (N°1646S, décembre 2006) nous propose un vaste choix d'articles passionnants en attendant le Père Noël.
Les amateurs de moyens et grand formats seront ravis d'y lire que les étonnantes compositions de Philippe Ramette sont photographiées par Marc Domage en moyen format ou à la chambre... et pratiquement sans trucage numérique. Un entretien avec Joël Meyerowitz nous explique son passage en 1976 du petit format à la chambre 20x25 et son intérêt actuel pour les tirages jet d'encre couleur qu'il peut produire à partir de ses plan films... ou autres sources bien sûr y compris l'appareil de reportage 24x36 qu'il utilise encore.
Un petit entrefilet annonçant les nouveaux films Kodak négatifs couleur se moque gentiment des formules publicitaires employées pour expliquer en quoi ces films sont « nouveaux ». Bravo pour l'impertinence ! Mais on est content de voir Kodak réagir !
Sans oublier un dossier complet de tout le matériel de prise de vue numérique, scan et impression à destination des professionnels (mais pas seulement eux, on se tient aussi au courant, en tant qu'amateur !).
Bien entendu impossible de ne pas se précipiter sur l'article de Xavier de la Tullaye à propos du nouveau Leica M8 dont on a un peu discuté ici
n2-f3-5371.html
Hors-sujet sur galerie photo bien entendu, mais il y a un point technique passionnant qui intéressera les utilisateurs d'optiques de chambre.
page 60, troisième colonne en haut, je cite
Sur un capteur CCD, les puits des photosites n'aiment pas être éclairés en biais. Le point nodal d'émergence de l'objectif doit se situer le plus loin possible du capteur (objectif télécentrique). Le décalage des micro-lentilles permet de corriger ce problème. L'utilisation d'un CCD n'atteignant pas le 24x36 y concourt également.
(fin de citation)
Un typographe facétieux (qui doit lire souvent galerie-photo) a malicieusement remplacé « pupille de sortie » par « point nodal d'émergence » dans le texte original de M. de la Tullaye (que je ne connais pas, mais que je salue au passage), rendant la phrase incompréhensible ;-);-) Certes, d'un point de vue littéraire, un point nodal d'émergence c'est peut-être plus intéressant qu'une pupille de sortie ; « pupille » évoquant les orphelins de guerre et « sortie » indiquant le lieu vers lequel on pousse inexorablement la photo traditionnelle sur film. Alors que « nodal » évoque ce noeud gordien que le journaliste va trancher d'une plume acérée, et « émergence » évoquant les lendemains technologiques qui chantent !
Allez, sérieusement ;-), les optiques grand angulaires du leica M ont en commun avec les grands angulaires de chambre d'être de formules quasi-symétriques et donc d'avoir leurs pupilles placées a priori très près des plans principaux et donc des points nodaux (nodaux = principaux, c'est pareil dans l'air). Par exemple dans un 21 mm quasi symétrique (qui ne couvre qu'un désormais classique nonante degrés en diagonale 24x36), cette pupille de sortie est probablement centrée... très près du point principal H' = N' qui par définition de la distance focale est toujours placé à une fois la distance focale en avant du foyer ! Donc à 21mm en avant.. pour le 21, mais à 35mm... pour le 35.
La question de ces prétendus « puits » d'où la vérité devrait tout de même finir par sortir, avait été évoquée ici
http://www.galerie-photo.info/forum/read.php?f=1&i=13613t=13613
et il semblerait qu'il n'y ait pas de puits en tant que tel creusé dans le silicium, mais simplement un effet de collimation dû justement aux micro-lentilles. En effet il y a déjà chez Kodak des capteurs qui n'affaiblissent que très peu la lumière aux grands angles, donc a priori sans micro-lentille, mais les micro-lentilles permettent d'améliorer la sensibilité des capteurs de façon... décisive (comme l'instant du même nom).
Si les photosites étaient effectivement au fond d'un puits, il aurait fallu incliner ces puits dans le leica M8 ; le fait qu'en translatant les micro-lentilles on focalise la lumière correctement pour les pixels du bord lorsque la pupille de sortie se trouve à 2-3 cm en avant du capteur prouve justement qu'il n'y a pas de puits mais un effet de collimation dû à ces lentilles. S'il y a avait des puits un peu comme des alvéoles en nid d'abeille, en décalant la micro-lentille ce serait une franche catastrophe, chaque lentille couvrant alors partiellemeent deux alvéoles !!
On se gardera d'aller plus loin car une micro-lentille d'ouverture micronique, même 10 fois la longueur d'onde, cela risque de ne pas se comporter tout à fait comme une grosse lentille à l'ancienne, donc on n'en dira pas plus.
Quant aux optiques télécentriques, on est bien content que les puits des CCD les aient fait sortir du projecteur de profils à côté du tour et de la fraiseuse, ou de l'atelier de métrologie dimensionnelle optique sans contact, pour se présenter fièrement aux photographes qui n'en avaient sans doute jamais entendu parler.
Mais le Leica M8 est là pour nous prouver qu'il n'est en rien nécessaire d'aller chercher des optiques à fort grandissement pupillaire de type rétrofocus extrême pour pouvoir utiliser un détecteur silicium. On s'en réjouit, nous pensons que cette affaire est une fausse piste liée à la difficulté technologique actuelle de remplir à 100% la surface active d'un capteur silicium de prix raisonnable, difficulté pour laquelle on trouvera à terme des solutions pour le grand public, puisqu'il y a déjà des capteurs professionnels sans micro lentilles.
Concernant les optiques effectivement télécentriques, j'entends déjà les lecteurs derrière leur chambre grand format protester du hors sujet ! Qu'avons-nous à faire de pupilles renvoyées à l'infini ! Renvoyons-les une bonne fois pour toutes à l'infini et n'en parlons plus !
Erreur, ami lecteur de galerie-photo, car si vous utilisez une lentille de Fresnel pour améliorer la luminosité en bord de champ de votre dépoli de chambre, vous faites de la pupille à l'infini sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose.
Je m'explique ; la focale des lentilles de Fresnel pour dépoli de chambre est en général réglée sur la focale standard du format considéré, c'est à dire sur la diagonale du format. Lorsque vous focalisez l'image d'un objet lointain qui se forme au voisinage du foyer de l'objectif de prise de vue (prenons un standard pour simplifier, donc de même focale que la Fresnel), la lentille de Fresnel, disons lorsqu'elle est devant le dépoli pour simplifier encore, renvoie pas très loin de l'infini l'image de la pupille de sortie de votre objectif quasi-symétrique, du coup votre dépoli est éclairé par un grand rond blanc situé très loin. Lorsque vous baladez votre oeil au niveau du dépoli, tout est éclairé uniformément... justement parce que cette pupille est renvoyée au loin, avec un fort grandissement, elle est très grande et très loin ! Pour les petits pixels, c'est le même problème.
Avec des courtes focales il faudrait en principe une fresnel de focale plus courte, en pratique on vit avec la standard, soit 150 de focale en 4x5 pouces, mais de la même façon, les ingénieurs de chez Leica Camera AG ont bien dû faire choix d'un angle d'inclinaison pour les lentilles du bord de leur capteur (de chez Kodak), ils ont donc pris une valeur moyenne correspondant à la position moyenne des pupilles de sortie des objectifs grands angulaires qui seront les plus employés sur le M8.
L'autre point intéressant est d'attendre la réaction des leica-istes exigeants : vont-ils voir les fameuses franges colorées, contre lesquelles Hasselblad propose une correction logicielle ? Sachant que les optiques quasi-symétriques sont a priori mieux immunisées contre le chromatisme latéral que les rétro-focus, indispensables dans les reflex mono-objectif, on attend avec impatience les tests !!Mais il y a déjà le fameux codage numérique des objectifs M ! Donc tout post-traitement adapté à l'objectif sera à terme possible !
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