Auteur: bernard birsinger
Date: 30-04-2008 15:35
Richard Avedon, sa technique. Mise au point urgente :
Dès 1994, Richard Avedon avait en préparation un livre technique photo sur sa propre technique (surprenant, non ! ! !) et qui devait sortir en 1996. Quelques années après la mort l’a surpris en pleine campagne photographique concernant le challenger malheureux du Président Bush et ce projet n’a pas abouti.
Des cours « Richard Avedon » que j’ai suivi en 1969, je n’ai retenu que 2 choses :
a) La simplicité = C’est ce qu’il y a de plus dur à réaliser (en exemple, placer simplement une personne sur un fond blanc, comme dans le projet in the American West).
b) Être sa propre « Fondation ».
Avedon et le matériel :
Contrairement à ce que l’on a écrit à travers la planète, son studio ne regorgeait pas du matériel dernier cri : par exemple il avait une Sinar Norma et pas de P2, de l’Elinchrom et pas de Broncolor, des vieux pieds Gitzo, du Blad 500 CM et des Rollei bi-optiques. Il faut quand même comprendre qu’un très grand photographe, c’est un œil avant tout. Mais cet œil a compris (celui de Diane Arbus, de Richard Avedon ou d’August Sander) qu’il y a un rapport à tenir au sujet. On n’est pas là dans une photographie publicitaire ! ! !
Rapport de l’optique au sujet :
Quand dans une conversation, vous parlez à quelqu’un, vous êtes à une certaine distance. Une distance pour l’écoute, une distance pour la lisibilité physique de la personne.
Pourquoi ne pas reporter ces distances-là en photographie pour faire un portrait ? Question que je vous pose cher lecteur et que les grands photographes se sont posés dans l’histoire de la photo bien avant nous.
En vous lisant dans ce Forum, partir d’une technique (format, couverture, grand angulaire, télé, etc.) pour arriver à essayer de faire un bon portrait quelle absurdité. C’est le matériel qui est au service du photographe et pas le contraire.
À mon sens, il faudrait donc :
a) Avoir un œil, « Une seconde avant, une seconde après, ce n’est pas une image. », disait Henri Cartier-Bresson. Il y a aussi ces mots charmants de Wols peintre et photographe : « Pour voir, il ne faut rien savoir, sauf savoir voir ».
b) Avoir le relationnel avec le sujet (le face à face de Richard Avedon avec le sujet, en frontalité mais positionné à côté de l’optique de sa Deardorff).
c) Avoir la triangulation appareil-sujet-œil (Garry Winogrand disait d’Eugène Atget « Il sait placer sa camera. C’est là et pas ailleurs ».
d) Avoir la qualité de lumière tombant sur le sujet (Les peintres du XIVe et XVe siècle le savaient déjà, il suffit de venir le vérifier au musée Unterlinden à Colmar sur les Retables.). Lumière naturelle please, rehaussée par un réflecteur simplement (toujours dans le projet in the American West).
e) Le fond blanc d’Avedon : une reprise des fonds jaunes des icônes grecques. Weston père utilisait déjà le fond blanc (avant Avedon).
f) Accepter le sujet dans son rôle (Hilla Becher le disait déjà d’August Sander) et pas simplement photographier le sujet tel qu’il est ou qu’il pense être.
En conjuguant les points a à f, vous voyez bien qu’il n’est point facile de placer une personne sur un fond blanc. Je reviens toujours à ce qu’Avedon m’a dit « Ce qui paraît simple, c’est ce qu’il y a de plus dur à réaliser. ».
En technique pure, projet de l’Ouest Américain, Richard Avedon :
Format Film 20.25 (un tel projet aujourd’hui coûterait simplement pour le film 100 000 Euros).
Chambre photographique : Deardorff 8.10
Plan-Film Tri-X 4164 TXT exposé à 200 ASA, développé dans D-76 en cuve profonde à 15 minutes. On notera au passage que pour ses Rollei, il utilisait la version amateur du Tri-X poussé à 400 ASA.
La maîtrise d’un produit, la maîtrise et encore la maîtrise ! ! ! Voilà aussi ce qu’il m’a transmis.
Avedon et optiques :
Les optiques utilisées au cours du projet American West sont :
- Symmar-S Schneider 6,8 / 360 mm
- Fujinon-W lens 6,3 / 360 mm
Ceci pour répondre aux questions matérielles posées par des photographes sur ce forum.
Avedon 2008 :
Les deux premières expositions Avedon en France auront lieu cet été 2008 : Paris et Arles.
Cher lecteur sachez que Richard Avedon vivant, jamais il n’aurait accepté cela. Il me confiait (lors des 2 journées passées avec lui dans une scierie désaffectée, en Suisse) qu’il ne voulait point être exposé dans des lieux uniquement dédiés à la photographie en France particulièrement. Il considérait la France comme une Patrie pour la Culture. Il voulait exposer dans un lieu où les Arts se mélangent (peinture, sculpture, photos, etc.).
En tant qu’ancien Elève, par respect pour son Œuvre et en regard à sa garde-à-vue pour avoir manifesté au Capitole contre la guerre américaine au Vietnam, je me dois de Vous dire cela ; du respect please.
Bernard Birsinger, photographe, mai 2008
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