Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 23-03-2004 10:10
Merci Guillaume P. de lancer une autre discussion.
Nous partirons donc de l'évaluation d'Henri Gaud, qui résulte à la
fois de sa sévérité bien connue, de son expérience professionnelle et
de quelques facteurs plus techniques qu'on essaiera de regarder.
Reprenons, avec l'autorisation de l'auteur, ces données (je cite) ;
les ajouts entre crochets sont de moi pour préciser les choses.
n-f-27898.html
Le 24x36 [diapo moderne 24x36 scannée] atteint péniblement et dans des conditions très particulière 8 Mpixels
Le 6x8 atteint sans trop de problème et avec des optiques de course 16 Mpixel
Le 4x5 inch atteint péniblement 32 Mpixels
Le 8x10 inch peut dans certains cas atteindre 64 Mpixels
puis, sous une autre forme :
J'ai acquis un scan[ner] sérieux il y a un an, et j'ai scanné
- des 24x36 à 8000 Dpi (soit 150 Pl/mm) c'est risible, puis à 4000 Dpi (soit 75 Pl/mm) c'est toujours risible, mais çà passe.
- Les 6x8 sont scannés à 2000 ou 3000 Dpi (on doit pouvoir faire 4000 avec l'Alpa) et c'est correct,
- les 4x5 1200 et 2000 Dpi et çà va bien aussi, on a que des pixels utiles mais pas une débauche de paires de ligne.
Tout d'abord, admettons ces valeurs et tirons-en une règle pratique :
La capture directe d'une image sur silicium permet, à qualité finale égale, de descendre d'un format par rapport au film scanné
- un scan de film 24x36 est nettement moins bon, avec les mêmes optiques, qu'une détection directe sur un silicium de 2700x4000 pixels (pixels au pas de 9 microns)
- un scan de film 6x6 (11 Mpix, si un 6x8 est crédité de 16 Mpix, 12 Mpix si on va jusqu'à 18 Mpix pour un 6x8) n'est pas meilleur qu'un appareil 24x36 numérique à 11 Mpix ;
- un scan de film 20x25 est moins bon qu'une capture d'image directe avec un
dos à balayage en 10x12,5.
On interpolera ces valeurs en ajoutant :
- un scan defilm 10x12,5 est encore un peu meilleur qu'une capture d'image 22 Mpix sur 4x5 cm ; mais combien de temps le film professionnel 9x12-4"x5" tiendra-t-il encore ?
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Maintenant, un peu d'interprétation personnelle.
Ces chiffres résultent, à mon sens --et je livre ces spéculations à la plus ouverte des discussions-- de trois facteurs qui limitent la performance efective de l'image film scannée
1/ la sévérité naturelle d'Henri Gaud,
2/ la performance de l'optique du scanner,
3/ le bruit de granularité.
Passons rapidement sur les points 1/ et 2/
- le point 1/ se résume par la définition de l'échelle de sévérité au sens d'Henri Gaud, cent degrés correspondant à 12 Mpix pour un scan-film 6x6, zéro degré étant affecté à un scan-film 6x6 pesant 192 mégapixels (limite de diffraction de l'optique de prise de vue à f/11 à 0,7 microns : 1400/11 = 127 cycles/mm, numérisables sans perte à deux points par période donc 254 points par mm, soit 14000 par 14000 points dans un 56x56 mm total 196 Mpix ; on arrondit à 192 pour simplifier ;-);-))
- le point 2/, l'optique du scanner, est celui pour lequel nous avons le moins de données. Donc on n'en dit rien. une seule remarque, développée plus bas : le fait qu'on voie le grain sur les scans n'implique pas qu'il n'y a pas une limite par la FTM de l'optique de transfert.
Passons maintenant au point 3/ qui me semble celui auquel les discussions de galerie-photo ont peut-être le moins attaché d'importance jusqu'à présent : le bruit de granularité issu de la numérisation d'un film. Je pense qu'on peut "charger la barque" à ce facteur.
Il m'est apparu après la discussion de départ qu'un scanner se comporte comme un microdensitomètre. Lorsqu'on dégrade la résolution linéaire par 2, on fait la moyenne sur 4 pixels, on obtiendrait donc quelque chose d'analogue avec un scanner dont les pixels sont 2 fois plus gros linéairement (surface : 4x). Dans une analyse au microdensitomètre, les fluctuations de granularité augmentent comme l'inverse du diamètre du trou d'analyse. En reprenant la définition de la granularité RMS (le Prof. B. Leblanc veille... "au grain" donc on ne parlera pas de négatif couleur ;-);-) seulement de N&B et de diapos)
RMS =10 signifie que l'analyse d'un film à densité 0,7 à travers un trou circulaire de diamètre 48 microns donne un écart-type des fluctuations de 10/1000.
Note : je tire la D=0,7 du Handbuch de Marchesi, mais j'ai l'impression que la firm aux boîtes jaunes dit : D=1 pour la mesure de cette granularité RMS standard. Cela ne change pas le fond de l'affaire (loi de Selwin).
Si on réduit le diamètre du trou d'analyse d'un facteur 10, à peu de choses près cet écart-type est multiplié par 10 et on n'y peut rien (Selwyn, 1935). Les modèles expliquant cela sont très compliqués, le plus simple étant le modèle binaire en damiers aléatoires noir/blanc dont on compte le nombre de cases noires ; en introduisant un écart-type relatif qui varie comme l'inverse de la racine du nombre de damiers comptés, on retombe sur la loi ci-dessus, racine de la surface donne une dépendance comme le côté du carré ou comme le diamètre du trou circulaire d'analyse.
Donc lorsqu'Henri Gaud analyse des films 24x36 à 4000 ppp, c'est à dire avec une fente carrée de l'ordre de 6 microns, les fluctuations de granularité résultantes sont de l'ordre de ~ 7 fois plus importantes que la valeur RMS nominale si on prend la racine carrée des surfaces comme facteur d'échelle. 7 fois plus granuleux !! Aargh !! On comprend que H.G. trouve cela risible (tout petit déjà, Henri Gaud riait de voir les gros grains sur les plaques de verre 13x18 paternelles, on ne se refait pas).
Moralité : scannez vos plan-films 10x12,5 avec des gros pixels bien gras et surtout n'ayez pas besoin d'agrandir votre image, c'est la seule façon de ne plus voir ce grain affreux.
Pourquoi le silicium est-il meilleur ? tout simplement parce que le "bruit" des détecteurs silicium existe bel et bien, mais est beaucoup plus faible que le bruit de granularité d'un film scanné avec une fente très fine. Sur silicium, ce bruit augmente aussi un peu si les pixels deviennent petits, mais pas autant que le bruit de granularité au microdensitomètre (=scanner). On pourrait même invoquer une raison très fondamentale en disant que le film est un très mauvais compteur de photons, qu'il en gâche énormément, alors que le silicium photo-électrique moderne est beaucoup plus écologique par rapport à l'économie de photons. Bon, il y a un bien le courant d'obscurité, mais un p'tit coup de froid-Peltier et cela s'arrange, au moins chez les astrophysiciens.
J'accepte donc sans broncher le quasi facteur 2 en performance qui existe entre le silicium et le film, sachant que dans l'évaluation de l'image numérisée, l'image silicium a au moins trois avantages majeurs :
- moins de bruit de granularité, donc excellent dans les ciels,
- pas de re-passage dans une optique, donc pas de FTM de transfert supplémentaire,
- plus la supériorité écrasante du silicium en colorimétrie, etc...
En revanche, la disponibilité à prix raisonnable d'agrandisseurs et de bons objectifs (pour les anciens) et de machines de numérisation et d'ordinateurs +imprimantes des familles (pour les modernes) nous incite en tant qu'amateurs à observer de loin l'évolution des dos-silicium à 27000 euros, sachant que pour quelques centaines de vues 6x6-6x9 ou 9x12-4"x5" par an, on a de quoi s'amuser sans se ruiner en tirant (analogique-agrandisseur) ou en numéris-imprimant (numérique) de beaux négatifs ou de belles diapos.
Il y a juste un dernier point qu'il faudrait préciser de façon plus quantitative, c'est de repartir des courbes FTM des films modernes ; par exemple lorsque la firme aux boîtes jaunes annonce 30% de contraste à 100 pl/mm sur son film-chouchou ISO 100, et si je multiplie par la FTM d'un très bon obtecfif 6x6, je vois au microscope ces périodes de 10 microns et il m'en reste un petit quelque chose sur un très bon tirage analogique. Peut-être faudrait-il alors comparer non pas le poids du scan du film, mais le poids du scan du tirage final 10x avec d'énoooormes pixels de 48 microns, pratiquement ceux de la définition RMS (ou un peu plus gros) pour que ce fichu bruit de granularité ne soit plus gênant.
Là, sans discussion possible, si la limite effective sur ce tirage est de 7 cycles/mm (la norme classique du beau tirage regardé à l'oeil) soit une période limite de 140 microns, peut-on sans heurter Henri Gaud faire le calcul à deux pixels par période et annoncer fièrement que ce beau tirage 56x56 cm "contient" un nombre équivalent de pixels égal à (560/0,14) x (560/0,14) = (4000x4000) = 16 Mpix ... Zut et re-zut ! je trouve à peine plus qu'Henri Gaud !! aurait-il finalement raison ?
Non, je me suis trompé, fichu facteur 2, car il faut deux pixels par période de 140 microns, soit un échantillonnage au pas de 70 microns : finalement je trouve un décompte 4 fois plus grand, 4x16 = 64 Mpix ! là je suis nettement plus laxiste qu'avec mon 32 Mpix de Rollei-Tessar à 2400 ppp !
Néanmoins, pour échapper à ce vilain 6x6 si granuleux, vite : passons au 9x12-4"x5"...
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