En achetant mon pain dimanche matin, je vois le journal local plié (« L'Est Républicain », N°40074 du 19/12/2010) et j'essaie de déchiffrer cette énigme : « Le maire ne ... plus photog... »
Immédiatement, en fidèle lecteur du « Canard Enchaîné », j'imagine que not' bon maire a décidé une bonne fois pour toutes de ne plus montrer sa photo dans les publications de nos différentes collectivités territoriales, une décision courageuse qui lui évitera d'être épinglé par le Canard dans la fameuse rubrique moqueuse « ma binette partout ».
Comme il y avait d'autres infos intéressantes à la une, j'achéte le journal et je lis :
« Le maire ne sera plus photographe »
Renvoi à un excellent article de Philippe Piot en page "ING01" dont le résumé est : « L'Assemblée Nationale a décidé de retirer aux maires la réalisation des photos sécurisées d'identité pour confier cette tâche aux photographes professionnels ».
J'avais discuté de cette affaire avec un photographe-mariagiste-portraitiste local qui n'avait, évidemment, pas mâché ses mots : imaginez que peu de temps après qu'on lui ait retiré une partie importante de son activité par cette loi sur les cabines photo en mairie, ce bon professionnel avait vu revenir comme une fleur des demandes de boulot émanant de la mairie « pour des cas difficiles » que la cabine municipale ne pouvait pas traiter... autrement dit, après avoir fait comme si le savoir-faire du photographe n'était plus nécessaire, on revenait vers lui, mais uniquement pour les trucs impossibles....
Si l'amendemant à la loi est confirmé (cela doit encore passer au Sénat), au moins une partie du boulot reviendra vers les boutiques photo de quartier... mais pas forcément, les "prestataires de cabines" ne sont pas tous des photographes de quartier.
Le problème étant la mise en concurrence d'un service public avec les entreprises privées pour une prestation de service. C'est un problème très général que les labos universitaires connaissent bien : il n'est pas permis, en principe, à un service universitaire de fournir une prestation de service en concurence avec ce qu'un prestatire privé pourrait offrir aux prix du marché. En reprographie par exemple, un service public ne peut pas concurrencer un reprographe privé en servant d'autres clients que les ayants-droits universitaires, mais il est légitime que les services publics aient leur propre photocopieuse et service de repro sans tout sous-traiter !!
Il y a un autre exemple classique, celui des repas d'associations & autres repas de paroisses, pour lesquels il faut faire très attention à ce qu'un paroissien ne fournisse pas le service moyennant finances sur facture, en concurrence avec les traiteurs professionnels qui payent patente & TVA !! Les associations bénéficient de quelques privautés très encadrées, si c'est un repas par an ou une braderie / vide-grenier hors TVA par an, les autorités ne vont pas broncher, mais une paroisse qui servirait des repas chaque dimanche à tout le monde alentour sans limite, se trouverait très vite dans le collimateur des autorités...
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Parmi les données chiffrées de l'article de « l'Est », que je livre ici sans commentaire : l'article estime les photos d'identité fournissent entre un quart et un tiers du chiffre d'affaires des photographes professionels
(quels photographes ? je dirais : de quartier ? l'Archevêque de Moisenay n'a jamais à ma connaissance pris les gens en photo, du moins pas de façon acceptable pour un papier d'identité ; tiens, si on osait les grotesques pour un passeport ? )
Selon « L'Est », il y avait 12800 commerces & entreprises de photo-pro en France en 2004, mais quatre fois moins aujourd'hui, pour un total de 9000 emplois encore à ce jour.
Ces chiffres ravivent douloureusement les souvenirs de la chute du nombre emplois dans l'horlogerie dans le dernier quart du siècle dernier ; avant 1970, au moins 20000 emplois horlogers en Franche-Comté, aujourd'hui peut-être trois ou quatre mille dans toute la France ; dans l'arc jurassien suisse, 55000 emplois horlogers ont disparu autour de 1970-80. Mais la profession n'a pas disparu !!
E.B.