Raphaël, tu dis :
en ce sens une part d'ignorance est salvatrice. Elle permet la découverte et l'émerveillement à l'échelle individuelle et protège de la monotonie et la lassitude
Je comprends parfaitement ce que tu dis et ce n'est pas faux. C'est l'idée que les premières fois ont toujours un goût particulier (ce sentiment exploité dans le livre de Delerm :
la première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules).
Mais cela me semble à la fois un peu pessimiste et un peu optimiste.
Un peu pessimiste parce qu'on irait tout au long de sa vie en effeuillant les pétales des premières fois et que la jouissance se ferait toujours plus difficile : autrement dit que le plaisir ne pourrait jamais être que simple et ne pourrait se raffiner et monter en gamme. Ne pourrait devenir plus fin, intelligent, somptueux avec notre montée en âge et en connaissance. Il me semble vivre le contraire.
Un peu optimiste parce que cela nous promet des Alzheimer absolument délicieux, la disparition de la mémoire restaurant à tous coups
l'ignorance salvatrice !
Pour Guillaume qui dit :
Au fond, si l'art a vocation à questionner notre condition, les interrogations fondamentales ne changent pas ; seule la forme du questionnement est susceptible d'être actualisée. De là le choix entre miser sur une forme en rupture avec ce qui précède pour atteindre rapidement à la visibilité, ou s'acharner encore à trouver la forme la plus juste, la plus adéquat, au risque de paraître "ringard" (chose qui n'apparaîtra qu'aux yeux des ignares). Tentation de jouer sur la visibilité d'autant plus grande que le terrain de la concurrence semble vaste vu du panoptique Internet (ainsi va-t-il de l'art, de l'architecture, de l'urbanisme et même du politique, ce qui laisse songeur…)
Je ne pense pas que l'art ait vocation à questionner notre condition (pensant comme je l'ai déjà exprimé qu'il a en fait rapport avec l'idée de jouissance et de don - [
www.galerie-photo.com]).
Mais cela n'empêche pas que les
interrogations fondamentales ne changent pas.
Je serai assez d'accord du coup avec le reste de la proposition, sur le choix laissé aux artistes :
De là le choix entre miser sur une forme en rupture avec ce qui précède pour atteindre rapidement à la visibilité, ou s'acharner encore à trouver la forme la plus juste, la plus adéquat, au risque de paraître "ringard" (chose qui n'apparaîtra qu'aux yeux des ignares).