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A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Jimmy Péguet
Date: 21/01/2013, 13:03

Modeste (pour faire plaisir à Henri :-)) amateur de photographie japonaise, quelques mots de présentation sur deux ou trois livres du photographe Onaka Koji.

Pas question de grand ou de moyen-format avec Onaka, qui photographie au 24x36, en noir et blanc d’abord, puis en couleurs qu’il tire lui-même depuis le début des années 2000.

J’avais deux livres de lui et j’en attendais deux autres quand j’ai récemment acheté la réédition de Distance 1991-1995, initialement publié en 1996. Réédition et mise en pages différentes du format original : on a maintenant un tout petit format avec des photographies pleine page ou à cheval sur deux pages, sans blanc tournant, un noir et blanc très contrasté et presque charbonneux à la trame assez visible, imprimé sur un papier mat. L’ensemble est presque grossier et pourtant cette rusticité convient parfaitement à ce petit livre qui est une quasi-parfaite réussite formelle et éditoriale.

Alors que voit-on dans Distance ? Quelqu’un qui marche dans les faubourgs et aux limites de villes japonaises, peu précisément situées et nommées. Des images souvent chargées, remplies de lignes, de poteaux qui coupent et structurent les photographies, de fils électriques, d’avant-plans très présents. De rares passants, des voies de chemin de fer et des trains qui passent, des échoppes, des oiseaux, des chiens, des plantes, des rues sous la neige, des ports, des friches. Images chargées et très lisibles en même temps, structurées par le contraste, on tourne autour de quelque chose sans vraiment y rentrer .

Distance a été suivi d’une autre réédition, Unimachi, que je trouve personnellement un peu moins bon.

Slow boat, paru en 2003 au Japon et réédité en 2008 par Schaden est de la même veine. On a ici une présentation plus classique, à l’italienne, une photo par page avec du blanc autour. On ne retrouve pas le contraste de Distance, les photographies sont traitées dans des gris assez lourds, étouffants parfois. Les images sont aussi plus aérées (la mise en page les éclaircit également). Slow boat est un magnifique livre de photographie rempli d’une mélancolie légère. Des villes imprécises aux habitants seulement aperçus, dans lesquelles marche le photographe en suivant toujours les voies de chemin de fer et les trains, les rues et les ruelles, les rivières et les bateaux. Ici et là de la neige, des vélos, un dirigeable, un coq ou un chat, une mouche, des ponts.

En regardant ce livre remarquablement composé (j’ai assez rarement ressenti ce plaisir-là), j’ai souvent eu l’impression d’être en voyage, quand on est à côté de choses étrangères, quand on regarde, gourmand, avec un regard neuf, de toutes petites choses, des boutiques, des enseignes, de menus détails qu’on voit pour la première fois. C’est comme cela qu’on entre dans ces photographies. Techniquement, on n’a pas les détails fourmillants du grand format dont on a l’habitude ici, mais on entre et on passe du temps à se perdre dans les images et à regarder en détail ces photographies.

Une autre chose qui me plaît beaucoup chez Onaka, en dehors de cette poésie (terme, je l’accorde, très vague et qui ne signifie pas grand chose) et de cette disponibilité qu’on trouve souvent dans la photographie japonaise, c’est l’absence de projet de départ. Ces livres sont une promenade dans des photographies faites sans but, un choix après-coup, ce qui va à l’encontre de certaines idées répandues. En passant, Onaka, qui a déjà exposé en France mais dont je n’ai vu aucun tirage, tire en petit format.

Bon, on a compris, j’aime énormément ces photographies en noir et blanc d’Onaka, qui sont déjà d’un autre temps et d’un autre monde.

Vers les années 2000, Onaka est passé à la couleur et ne photographie plus maintenant qu’en couleurs qu’il travaille lui-même. Des couleurs particulières qui donnent une très forte présence aux photographies. Si les sujets sont un peu les mêmes, le photographe a bien sûr évolué. Dans cette veine couleur, j’ai l’agréable Dragonfly, second volet d’un autre livre, Grasshopper qui est lui épuisé. Dans sa postace à Slow boat, Onaka écrit "In any case, since then [2003], I have not taken a single monochrome shot. Despite the fact I had such conviction that photographs need to be monochrome.” J’attends avec impatience Matatabi qui vient de sortir, et dans les livres plus anciens en noir et blanc, j’attends également un exemplaire de A dog in France, journal d’un voyage en France. Si plusieurs autres livres d’Onaka Koji sont épuisés, certains sont toujours disponibles, voir par exemple sur l’excellent site de Japan exposures.

Quelques liens vite fait :

Slow boat sur le site d’Onaka Koji. On peut y voir ses autres livres. Disponible par exemple en Allemagne chez l'excellent 25books.com. Distance provenait lui de chez PhotoBookCorner dont j'ai dit quelques mots ailleurs. Les livres épuisés d'Onaka sont souvent trop chers.

Pour feuilleter le récent Matatabi chez PhotoEye

Dragonfly chez Japan exposures et chez The Photo Book Store.

Jimmy



Modifié 3 fois. Dernière modification le 21/01/2013, 13:10 par Jimmy Péguet.

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Raphaël
Date: 21/01/2013, 13:19

Bonjour Jimmy, merci.
Son travail à une tendance à gauche...ou c'est lui qui penche à droite, surtout dans Slow boat.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 21/01/2013, 13:22 par Raphaël.

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Jimmy Péguet
Date: 21/01/2013, 13:23

Visible aussi dans l'autre. Déséquilibre qui contribue au dynamisme et à l'impression de mouvement.

Jimmy

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: danfromP
Date: 21/01/2013, 14:12

J'ai je pense presque tous les livres de ce grand photographe japonais. j'ai de même pu lui acheter un tirage noir et blanc (extrait de Slowboat). Les tirages noir et blanc et couleurs tirés par lui même sont magnifiques...

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Jimmy Péguet
Date: 21/01/2013, 14:24

A quoi ressemble ce tirage ? Les différents livres les reproduisent-ils correctement ?

Sur les photographies : la distance avec les choses et en même temps la lecture des détails, la fraîcheur du regard en même temps que la mélancolie...

Une des choses qui me parle dans la photographie japonaise, c'est que le livre en est souvent la raison d'être, la finalité. Ce qui donne souvent des éditions très vivantes, différentes de ce dont nous avons l'habitude en photographie.

Jimmy

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: danfromP
Date: 21/01/2013, 15:06

le tirage a encore plus de profondeur que le print du livre.
Très belles nuances de gris.

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Jimmy Péguet
Date: 03/02/2013, 09:39

Une petite heure de tranquillité avant une journée qui s’annonce pénible. Quelques lignes sur les deux livres qui viennent d’arriver.

The dog in France est le récit d’un court séjour en France en 2003. Petit format à couverture toilée noire, un noir et blanc sombre, collant et un peu glauque à l’intérieur. Le photographe a passé un moment dans ce pays pas bien du tout dans sa tête et ma foi, ce moment de creux est bien photographié. En pays inconnu, loin de tout, peu d’accroche avec ce qui se passe autour qui ne prend pour lui aucun sens, une nourriture inconnue, le détachement poisseux propre à la dépression, des heures passées sans rien faire sur des lits de minables chambres d’hôtel à les photographier, mauvais lits, papiers peint décollés, vitres cassées, à regarder les pigeons chier devant la fenêtre, de la déglingue, des trajets sans but, des trains comme ailleurs chez Onaka, faire quelques photos parce qu’appuyer sur le déclencheur ou peigner la girafe en se demandant ce qu’on fait là... Pas bien engageant, direz-vous. Et pourtant ce petit livre joliment réalisé est réussi, noir, bluesy, la réalité lourde de la dépression - assez rarement photographiée - bien rendue, avec la distance et l’humour qui font au final qu’Onaka a fait quelque chose de cet entre-deux. Et finalement, il a aussi vu quelque chose de la France qui nous paraît aujourd’hui, à dix ans de distance, comme un autre monde, étranger, très lointain, comme directement sorti des années 30 ou 50.

Matatabi (qui signifie quelque chose comme errance, voyage) est tout à fait différent. En couleurs, dans la droite ligne d’autres livres du photographe. Un travail de la couleur très particulier - Onaka tire lui-même ses photographies -, une couleur épaisse et saturée qui n’empêche pas la subtilité de certaines hautes lumières ou la délicatesse de moments entre-deux, un rendu pas très éloigné de celui de la photographie couleur amateur argentique d’il y a peu.

Matatabi, paru au Japon chez l’excellent éditeur Superlabo, tiré à 1000 exemplaires, est de ce que je connais de lui un des meilleurs livres d’Onaka Koji. Plus abouti que Grasshopper, plus « stable » peut-être (on a moins l’impression qu’auparavant de quelque chose qui bouge tout le temps). On retrouve des constantes de composition : la manière d’entrer dans la photographie, les perspectives (on s’enfonce souvent sans résistance dans la photographie, mais pour aller où ? quand ailleurs, la perspective est bloquée), l’étagement des plans, jamais de flou, la position souvent un peu en hauteur du photographe. L’utilisation des personnages, toujours assez lointains, seuls élements mouvants dans un univers qui bouge bien plus lentement. La distance, toujours, que certains avant-plans accentuent parfois. Du fouillis souvent, moins que dans les premiers livres toutefois, des fils enchevêtrés comme dans les autres livres, des ruelles, des vieux bois et des maisons sur lesquels le temps est passé, un Japon différent de ce qu’on voit souvent, très proche des petites villes et de la campagne de mon enfance, avec des néons, des boutiques, des ruelles et des rues, des rails, des quais, des trains, des bateaux. A la fin du livre, l’énumération imprécise - ça pourrait être ailleurs - des villes et des lieux photographiés.

J’ai quelquefois eu l’impression d’un mélange improbable entre Stephen Shore et Shinzo Maeda (pour ce dernier sur quelques rares photographies !)

La composition du livre est subtile : on ne se rend pas compte immédiatement que les photographies en vis-à-vis se répondent et fonctionnent par paires, ce qui contribue à stabiliser et à donner un rythme un peu hypnotique au livre, à donner la sensation de présence au monde et en même temps d’impermanence des choses. Il n’y a pas de message dans ces photographies, elles ne sont pas compliquées mais elles ne se livrent pas non plus immédiatement. On y revient sans cesse.

De son travail, Onaka Koji écrit ceci dans un de ses livres :

« People often say to me, « You’re lucky that all you have to do is to go to places you like whenever you feel like it and when you’re done taking photos as you stroll around, you can spend the rest of your time sitting back and drinking. »
I agree with them 100 percent.
I myself wonder how I can make a living from taking such useless photos as mine.
They are not astonishing scenes, nor are they taken with superb timing.
They do not convey mistifying sensations or intense impressions.
They do not have healing effects, but neither do they push away viewers.
They are not difficult to understand, but they do not provide any definite answers. Much less are they stories or documentaries. »


On n’est pas ici dans l’idée de projet, comme on en parle souvent dans ce forum. Onaka marche, photographie. C’est après que le vrai travail va commencer, rechercher, associer les photographies pour en faire des livres.

J'ai dû donner un lien dans le premier message si je me souviens bien.

Voilà. Fini le blabla du jour. Au travail à présent.

Jimmy

Re: A propos de quelques livres d'Onaka Koji
Envoyé par: Jimmy Péguet
Date: 03/02/2013, 09:58

Oubli : on voit des photographies de Matatabi sur le site du photographe - voir lien dans le premier message - rubrique, devinez quoi ? "Works", sous le titre "Voyage". Accessoirement, on peut en voir également dans une qualité atroce sur Facebook, accessibles à tout le monde.

Jimmy





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