Je ne trouve pas que le numérique de manipulation (voir Henri Peyre et ses nuages) soit ennuyeux
La plupart des images avec faux nuages d'Henri Peyre s'arrêtent juste à la limite de la supercherie et suscitent l'interrogation : vrai ou faux ? Donc le temps de voir que c'est subtilement faux, on ne s'ennuie pas, d'accord pour le lyrisme/
En revanche, les images où la tromperie saute aux yeux au premier coup d'oeil me semblent sans intérêt, ne piquent pas ma curiosité, et suscitent chez moi l'ennui : ah, encore une manipulation du genre coupez-collez, bof....
Je ne sais pas d'ailleurs si H.P. continue dans cette veine, les artistes ont leur période, H.P. a eu une période nuages-rapportés, je ne sais pas si elle continue jusqu'à nos jours. Le problème c'est que les potes de galerie-photo seraient prompts à dénoncer le faux-nuage, maintenant qu'ils connaissent... oserai-je-dire : le truc ?
Autre exemple : prenons les bi-chromies de paysages que Philippe DO expose à la biennale de Nancy. Ces images demandent un traitement numérique joufflu. Mais elles suscitent l'intérêt, bien que je connaisse « le truc », les teintes sont à la fois réalistes et subtilement inhabituelles, parfois un petit liseré orange discret sert de clin d'oeil aux potes de galerie-photo qui connaissent...
Je crois que l'Ennui dont parle EB est un ennui de praticien,
Sans forcement s'intéresser véritablement aux résultats,
Ni aux pratiques diverses.
J'utilise l'image numérique comme support indispensable des travaux pratiques de microtechnique avec mes étudiants. Mais il s'agit d'image à but pédagogique et technique. Elles sont hors du champ de l'ennui de l'image numérique dont nous essayons de discuter ici. Ces images ne sont que des intermédiaires permettant de voir les résultats de micro-fabrication autrement qu'à travers l'oculaire d'un microscope, et d'illustrer un rapport de travaux pratiques qui sera noté.
En ce sens l'image numérique est la façon la plus efficace et la moins chère d'archiver et de matérialiser des documents sans aucun intérêt photographique. Donc je peux dire que je suis « numérique jusqu'à l'os » pour l'exploitation des résultats des travaux pratiques, mais le travail lui-même, est au contraire photo-chimique par excellence (résines photo-sensibles) !
D'ailleurs, l'image numérique permet une nouvelle façon de « bidonner » des compte-rendus de travaux pratiques, il s'agit de repiquer les fichiers jpegs d'un copain en faisant croire qu'il s'agit de son propre boulot. Malheureusement si l'image numérique elle-même est sans défaut, il n'en va pas de même des microstructures fabriquées par nos apprentis technologues : pas un seul micro-objet qui soit identique d'un étudiant à l'autre, et on les distingue justement par leurs défauts divers et variés.
L'étudiant qui a essayé naïvement de me « fourguer » une copie des jpegs de son copain (par mél, le jour de la date limite de remise des compte rendus) n'avait pas compris cette finesse, à savoir que l'image et les imperfections de la structure qui changent d'un boulot à l'autre sont justement là où j'attends les commentaires personnnels des étudiants.
Et l'on rejoint étonnamment le point N°1 de l'ennui, à savoir que ce qui est amusant et pas ennuyeux pour deux sous lorsque je corrige les compte-rendus de TP c'est l'incroyable variété des défauts en tous genres qu'on voit sur les images.... reçoivent une bonne note bien entendu ceux dont les structures sont faites avec soin, mais la note peut-être meilleures s'il y a des défauts identifiés et commentés avec pertinence !
Les défauts étant, en dehors de poussières et des griffures (des poussières, il y a en très peu, des griffures, un peu plus, mais au microscope quand il y a en a elles paraissent énormes ;-) : sous ou surexposition pour la résine, décollements de résine avec parfois de belles franges de lames minces là, çà devient presque artistique et très difficile à « bidonner » par post-traitement numérique ;-)), gravure métal insuffisante ou excessive... plus tout un tas de trucs difficiles à comprendre, des piqûres diverses liées à des réactions chimiques imprévues...
Autrement dit dans ce genre d'images, ce sont les défauts qui garantissent qu'on ne s'ennuie pas ! ;-)
E.B.