Pas de bouquin avec des photos à la 20x25 ce soir, celui-ci n’a rien à voir, on est dans une veine complètement différente. Le gars s’appelle Stephen Gill, un photographe britannique connu pour expérimenter autour du livre et éditer lui-même avec beaucoup de recherche, de soin et d'exigence ses livres de photographie. Le livre s’appelle
« Coexistence ».
Le livre est un projet autour d’une mare située dans une friche industrielle luxembourgeoise. Gill va photographier la faune minuscule de cette mare, se servir d’un microscope pour en photographier la vie grouillante. Fasciné par ce monde microscopique, le photographe cherche rapidement pour parler du lieu à faire participer la population locale à son projet. Compte tenu des fatigants impératifs contemporains de sécurité sanitaire, puisque la mare est inaccessible aux habitants du coin, Gill se dit que c’est la mare qui va aller à eux. Il va donc transporter l’eau et les bestioles qui y vivent dans un seau, y placer un appareil étanche et photographier les êtres humains qui l’entourent. Plus tard, il va aussi tremper dans l’eau les tirages qui vont s’imprégner de l’eau de la mare.
Stoooop, on s’arrête ! J’en vois, amateurs de Pentti Sammalhati (flzûût, où c’est qu’on met le h et les l, déjà ?) ou de beau noir et blanc classique peut-être, ou encore de belle et solide photographie américaine à la chambre, de haute résolution et de photographie sérieuse à coup sûr, bref de ceux à qui on ne la fait pas qui se disent
« Aaaaah non, on nous a trop souvent fait le coup du hardi et nouveau machin contemporain gonflant comme c’est pas possible. Ca ira bien cette fois, on a déjà donné. » J’en vois même ricaner - si si, on ne nie pas - en se disant que ça ne vaut pas le coup d’en lire davantage.
Eh bien vous auriez tort de vous marrer. Parce que quelque chose fonctionne parfaitement dans les parallèles que va chercher Stephen Gill avec ses recherches bizarres. Visuellement, c’est absolument magnifique. Entre les abstractions colorées microscopiques et les gestes des personnages rendus flous par l’eau, entre la vie des microbes et celle des humains, il se passe quelque chose. Je ne me mouille pas trop parce que j’ai le livre depuis trop peu de temps, je peux seulement dire pour le moment que c’est passionnant et très beau.
Sur la réalisation : l’objet est superbe, la recherche perfectionniste est très poussée. Dos en cuir, titre doré façon fer à chaud, choix pour l’acheteur de six couvertures différentes reproduisant des papiers faits à la main à la cuve par Gill, tranches tachetées à l’ancienne, impression en couleurs de toute beauté (ils sont forts, ces Italiens !). Un très bel objet superbe en mains qui évoque les vieux livres de vulgarisation scientifique. Signé, tiré à 1500 exemplaires (250 pour chaque couverture) + 100 avec un tirage original.
Mais on aurait tort de n’en faire qu’un objet de bibliophilie photographique. C’est, je me répète, un livre au contenu fascinant. Et puis ça change un peu des choses dont on a l'habitude de parler ici, quoi.
Stephen Gill, Coexistence. Co-édition Centre national de l’audiovisuel (Luxembourg) et Nobody (la maison de Stephen Gill). 6 couvertures marbrées différentes dont une aujourd’hui épuisée, 152 pages, 90 photographies, 21,5 x 28 cm, relié cuir, signé. ISBN 978-2-919873-10-4.
Disponible
chez l’éditeur ou chez les libraires en ligne. 30 £ chez Nobody.
Jimmy