L’envie irrésistible, la nécessité absolue de ce livre me sont venues durant la lecture du très beau
« Une femme fuyant l’annonce » de l’israélien David Grossman. Pour la photo de couverture d’abord,
« Nili endormie », écho parfait au récit du voyage en Galilée d’Avram et Ora. Pour les autres photos du livre entrevues ici et là. Pour la nécessité de voir des photographies des paysages du roman. Pour le travail à la chambre 8x10".
Quelques mots donc sur
The Quest for the Man on the White Donkey de Yaakov Israel, photographe israélien né en 1974. Le titre fait allusion au Messie qui viendra, selon la tradition juive orthodoxe, monté sur un âne blanc. C’est aussi la photographie centrale du livre, une sorte de road movie fait de courts voyages à l’intérieur et aux limites d’Israël, photographies en couleur à la chambre 8x10" dans la ligne des grands photographes américains. Ce qui m’a d’ailleurs un peu déçu au premier regard : certaines de ces photographies parmi les plus anodines auraient pu être faites n’importe où. Déception rapidement oubliée tant le travail est fin, chaque photographie prenant parfaitement sa place dans l’ensemble, alternance de « grands » paysages entièrement nets avec la clarté et la richesse de détails qu’offre la chambre 8x10", perspectives où le regard se perd dans les montagnes ou la mer qui bordent l'horizon et omniprésence de barrières et de barbelés, de paysages urbains (les photos les plus faibles peut-être du livre à mon sens) et de portraits saisissants, de jeunes gens souvent, presque toujours centrés sur un fond assez flou pour le rendre presque intemporel parfois (je pense à un portrait de jeune femme dans les ruelles de Haïfa ou au portrait d’une autre jeune femme nommée Eman sous les arbres dans le Neguev sur fond d’oasis surexposée), Israéliens, Arabes, soldats..., souvent nommés par leur prénom.
L’arrangement des photos est très réussi, on ne sait jamais où on va aller à la photographie suivante, il n'y a aucune lassitude. Cela fonctionne même après plusieurs lectures. La vision poétique, quasi-méditative (il parle très bien de sa manière de photographier) de Yaakov Israel donne un livre au rythme très lent où se mêlent continuellement la terre et les temps. Du désert, des constructions humaines, des restes qui disparaissent, une fine réflexion sur l’histoire. Des aller-retours incessants dans le temps sans gommer les évènements du présent, une réflexion toute en légèreté sur les limites et sur ce qui fait ce pays.
Un autre élément magnifique du livre est la palette de couleurs qui le compose dans la lumière souvent intense de ce pays : principalement des violets et mauves pâles très doux, des ocres clairs, du vert kaki. L'impression pourrait certainement être un peu meilleure, mais on ne va pas faire la fine bouche, c'est correct.
Je suis emballé, enchanté par ce livre. Une recherche sur le titre renverra un tas de liens avec des entretiens et des photographies. Juste deux ou trois pour en apercevoir quelques-unes :
[
blog.photoeye.com]
[
www.lenscratch.com]
Si certain(e)s d’entre vous connaissent le travail de photographes israéliens et palestiniens (dans cette veine, en profondeur, pas des photographies de reportage ou d’actualité), je serais très intéressé par les références et les liens.
Yaakov Israel, The Quest for the Man on the White Donkey, Schilt publishing, Amsterdam 2012, 24 x 29 cm à l’italienne, 64 photos, ISBN 978 90 5330 764 9, environ 30€.
Le splendide et intense roman de David Grossman est publié au Seuil.
Jimmy
Modifié 3 fois. Dernière modification le 22/12/2012, 22:13 par Jimmy Péguet.