De la critique...
Je me suis toujours interrogé sur le fait qu'un "critique", qu'il soit journaliste ou autre commentateur scribe, visuel ou sonore, puisse étaler sa 'science' qui devient alors parole d'évangile sur des choses dans lesquelles il n'a jamais mis le moindre petit doigt.
Je pense que chaque critique a sa propre personnalité, ses propres compétences, son propre syle, il est bien difficile de généraliser.
Pour donner un exemple précis qui ne me semble pas entrer du tout dans le champ
critique de ce que nous propose, bille-en-tête, Michel Guigue (que je salue au passage), je vous propose l'exemple suivant, lié à la musique classique mais pas du tout à la photo
(comme le mot-clé 'sonore' figure dans la phrase liminaire, je me hasarde donc franchement hors-sujet-foto).
J'ai personnellement rencontré
un critique musical spécialiste du chant et de l'opéra classique, André Tubeuf, que je salue également bien bas au passage et avec qui j'ai eu le bonheur de m'entretenir pendant quelques minutes lorsqu'il vint à Besançon en 2010.
Je ne sais absolument pas si André Tubeuf (A.T. en abrégé dans la suite) sait jouer de la cornemuse comme tout vrai gentleman, ou s'il sait chanter, mais ce que se sais, c'est qu'il serait assez difficile de lui contester une certaine autorité, ou plutôt : une autorité certaine dans sa spécialité de critique, le chant, l'opéra, et plus généralement le répertoire musical classique.
Dans un recueil de ses écrits,
l'Offrande lusicale, Laffont-Bouquins (2007), ISBN 2-221-10632-6,
A.T. nous explique un peu ce que fut son itinéraire ; élève à l'ENS Ulm en section des lettres au début des années 1950, il se ruinait en disques et eut le privilège d'entendre à la RTF la retransmission de l'enregistrement du dernier concert de Dinu Lipatti (à Besançon). Par la suite, son installation à Strasbourg le fit entrer de plain pied dans le monde de l'opéra et des collectionneurs de disques classiques.
Quelle autorité aurait-il donc en matière de crtique musicale ?
A priori aucune, si je me remémore l'un de ses cours auquel j'assistai en 1974-1975, sur le thème « autorité et liberté ».
A.T. disait :
Regardez le spécialiste de la boucle de ceinture mérovingienne du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS-France) : il fait autorité.
A.T. n'a pas consacré sa vie à la pratique du chant lyrique ni à celle de la contrebasse, du moins pas comme le spécialiste du CNRS qui a dédié sa vie à la boucle de ceinture mérovingienne et que la République salarie à plein temps pour cette noble tâche ; A.T. était prof de philo, la critique musicale était son violon d'Ingres, et pourtant je considère que A.T. fait incontestablement autorité en matière de critique musicale ... probablement parce que je l'ai eu comme prof, et qu'on ne pouvait pas rester indifférent à écouter ce qu'il nous disait, toujours sans note et sans arrêt pendant une à deux heures.
L'un des plaisir vénéneux tiré de la lecture des critiques, ce sont bien entendu les
critiques assassines comme celle du fameux
Gauthier-Villars alias Willy (le mari de Colette).
André Tubeuf a l'art de distiller les vacheries avec autorité, je me rappelle sa critique très dure de la première du Saint François d'Assise de Messiaen, parlant des
trompettes embusquées dans l'avant scène, tirant à bout portant pendant quatre heures d'horloge ...
Dans son recueil « l'offrande musicale », A.T a choisi de ne pas reprendre ses critiques assassines ... finalement c'est très bien ainsi, la lecture du bouquin nous fait monter et regarder vers le haut.
Bref, si j'avais à résumer, je n'aurais qu'à reprendre la phrase de Jeanba ; mais j'avoue que n'ayant pas de CAP de cuisine, au restau je ne la ramène pas.
Je me rappelle, dans un de ces petits retaurants des familles à Boise dans l'Idaho, le patron nous demande d'où on vient, on lui dit : de France.
Ému, le patron nous demande alors ce qu'on a pensé de son steack et des ses fameuses patates de l'Idaho amoureusement cuites au four dans un papier d'alu : nous lui avons répondu tous en choeur que c'était excellent, et nous savions en disant cela qu'étant Français,
nous faisions autorité en matière de cuisine.
E.B.
Modifié 2 fois. Dernière modification le 26/10/2012, 19:28 par Emmanuel Bigler.