Résumé
Battue en brèche depuis quelques décennies avec l'apparition du Polaroid et, plus récemment, des techniques numériques, la souveraineté du "négatif" est la part la mieux partagée mais aussi la plus occultée du processus photographique. L'analyse esthétique ou historique fait trop souvent l'économie de la praxis et de sa genèse : le négatif est absenté, par indifférence ou par ignorance, de la plupart des études publiées dans le champ contemporain ou le domaine historique, à tel point que certains écrits paraissent postuler une épiphanie directe de l'épreuve "positive", à l'évidente lisibilité. L'occultation du négatif est un fait historique indéniable, résultant notamment de la miniaturisation des appareils (donc des négatifs), de l'automatisation des processus, de la délégation (à des laboratoires ou des assistants) du traitement du négatif et du tirage des épreuves. La désaffection va croissant à mesure que les procédures se déportent du travail de l'artefact réellement obtenu dans la chambre noire (le négatif) vers l'épreuve positive finale, diffusée, commercialisée, appréciée, commentée. Le traitement numérique des images aura bientôt, entre autres effets, aboli la sujétion congénitale de l'épreuve à la qualité du négatif (en termes de contraste particulièrement) qui subordonnait jusqu'alors le choix du papier à la nature du négatif. Néanmoins, l'effacement progressif du négatif n'a pas brisé pendant un siècle et demi la structure duelle du processus négatif/positif, mieux connue des praticiens que des analystes. En revanche, la période qui va des origines (supposées, vers 1825) de la photographie jusqu'aux alentours de 1855, fait montre d'une appréciation très différente de la notion de négatif et de sa prégnance dans le processus général, que l'on pourrait résumer à deux phases : une indiscernabilité du négatif (ou incrédulité à l'égard de la pertinence de sa fonction) suivie d'une phase de maturation de cette fonction (sous la forme du calotype et plus généralement du négatif papier). Cette longue période 1825-1855 pendant laquelle s'élabore la notion même de photographie recouvre à peu près ce qui fut [p. 51] dénommé héliographie par Nicéphore Niépce d'abord, terme repris dans les années 1840 pour dénommer principalement la photographie avec négatif papier (évitant le terme talbotien de calotype) dans un esprit de continuité avec l'inventeur français : la création de la Société héliographique, les missions héliographiques prévues par la Commission des monuments historiques en 1851, ou la référence aux artistes héliographes par Francis Wey disent assez la faveur de cette dénomination.
Texte intégral
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No Pasaran
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