La décadence est un sujet qui est au coeur de nos débats sur G-P.
Les professionnels de la musique, à part Glenn Gould peut-être, n'ont pas leur mot à dire : ils doivent jouer les notes. Les amateurs peuvent snober tel ou tel auteur, les pros doivent jouer indifféremment Bach ou Molossov.
Une belle anecdote concernant les jeunes virtuoses qui croient pouvoir décider de leur répertoire.
Témoignage d'un élève suisse (biennois) de Dinu Lipatti, extrait d'un très beau film documentaire (à paraître, présenté à B'zançon récemment) de Philippe Roger sur Lipatti.
Ce jeune biennois est déjà très fort au piano, avec un bon réportoire, il a déjà souvent joué en public. Il va en vèlo à Berne pour un concert avec Michelangeli : annulé pour cause d'accident, c'est Lipatti qui remplace au pied levé.
Saint Paul au chemin de Damas n'aurait pas réagi autrement : à l'époque, Lipatti révolutionne la façon de jouer Chopin, le jeune homme qui déteste la façon maniérée dont ou joue Chopin à son époque est touché par la grâce du célèbre pianiste roumain et décide de se suivre Lipatti ; il essaie de se faire accepter comme son élève au conservatoire de G'nève.
Rendez-vous est pris, déjà 30 candidats, probabilité faible d'être accepté, audition tout de même.
Lipatti lui demande de jouer. Le jeune homme joue Bach. Puis Mozart. Et sans doute Schubert,
le jeune homme s'attend à être interrompu à tout instant, mais Lipatti l'écoute attentivement.
« C'est bien ; maintenant, jouez-moi du Chopin » dit Lipatti.
« Mais je ne peux pas vous jouer du Chopin ! » lui répond le jeune homme « Je n'aime pas Chopin !! »
Lipatti ne se fâche sans doute pas, mais dit : « Vous n'y connaissez rien ! Mais je vous prends comme élève. »
E.B.