Par coïncidence, hier je discutais « foto » avec un vieil ami comtois qui faisait déjà de la photo avant que je ne sache lire «Synchro Compur » sur le Contaflex paternel.
Il me disait tout le bien possible de son dernier appareil numérique compact, sauf sur un point : dépourvu de viseur optique, c'est un truc où on ne peut viser que sur les Kristau Likids, et çà devient une galère à utiliser par soleil brillant dans le dos. Surtout si on devient un peu presbyte, sachant que dans les sports de pleine nature qu'affectionnent les Comtois, on regarde en général au loin (sauf les fleurs).
Je lui dis : t'as qu'à rajouter un capuchon pliant de Rolleiflex ! çà résoud le problème de la presbytie (loupe ajustable incorporée) et çà protège du soleil-parasite-brillant-dans-le-dos.
Ce qui soulève le problème académique de comparer la luminosité d'un dépoli de moyen format classique avec un écran à kristau likid, ces derniers étant de plus en plus grands et même, si je ne m'abuse, pour certains, plus larges que les 56 mm de l'image du flex.
Le système de visée reflex des moyens format classiques ne peut pas faire grand chose d'autre que de reproduire le mieux possible la luminance du sujet : sans dépoli, et dans les conditions usuelles, c'est à dire avec une optique de visée qui ouvre autour de f/2,8 et non pas autour de f/280, la luminance maximale de l'image ré-émise par le dépoli est celle de l'objet, ni plus, ni moins, c'est une loi optique très fondamentale tout autant que fort subtile et pleine de pièges, mais disons : la luminance de l'image ré-émise par le verre de visée, c'est nettement moins que celle de l'objet dès qu'on rajoute un dépoli. Mais dans une jumelle ; pas de dépoli, il y a conservation de la luminance, au facteur de transmission près dans les verres, c'ets à dire dans les 100% dès qu'on a un traitement anti-reflet moderne;
Le viseur reflex d'un appareil classique se situe donc quelque part entre deux extrêmes :
- au maximum, la luminance de l'image est égale à celle de l'objet pour un verre clair avec une lentille de Fresnel qui permet l'homogénéité totale de la visée (cas du Contaflex paternel ou le cas d'un blad avec un verre macro clair + Fresnel) ; dans un tel système, en visant les deux yeux ouverts, objet et image ont exactement la même « luminosité ». Par exemple sur mon Bessamatic, le grandissement de la visée correspond à 1 pour 1 avec l'objectif de 35 mm, dans ces conditions, les deux yeux ouverts, objet et images sont de même grandeur et de même luminosité.
Sans lentille de Fresnel on ne voit qu'une toute petite portion de l'image, donc on n'en parle même pas, c'est trop spécial.
Dans ces conditions de visée claire, la luminosité de l'image étant directement liée à sa luminance, il se trouve qu'on est pratiquement insensible au nombre d'ouverture de l'optique de visée, ce qui peut sembler paradoxal et choquant... l'explication est ci-dessous.
- au minimum, la luminance de l'image est celle d'un dépoli traditionnel diffusant sans lentille de Fresnel ; dans ces conditions diffusantes, la luminosité de l'image est déterminée par la luminance de l'image diffusée par le dépoli, elle-même proportionnelle à l'éclairement incident, mais dans un mécanisme qui oublie presque complètement l'angle sous lequel les rayons sont tombés ; comme tout éclairement photographique dépend bien entendu du nombre d'ouverture selon les lois habituelles, avec un verre diffusant, plus on ferme le diaph, plus l'image est sombre, truc classique à la chambre où on ne sait pas ce qu'est un verre clair !
Tout le travail d'optimisation fait sur les verres de visée de la deuxième moitié du XX-ième siècle a donc consisté à concevoir un produit quelque part entre ces deux extrêmes, le compromis à trouver étant entre le verre clair : luminosité maximale, quasi-insensibilité au nombre d'ouverture de l'optique de visée, mais impossibilité de faire la mise au point facilement ; et le verre dépoli diffusant, sur lequel au contraire la mise au point est très facile mais qui est très sombre ; plus çà diffuse plus la MAP est facile à faire, donc vive le verre diffusant, mais qui, en plus d'aborber la lumière en perte sèche, ne renvoie que peu de rayons dans la pupille d'oeil du photographe.
Une lentille de Fresnel sur un dépoli améliore les choses en rabattant les rayons vers là où il faut, mais uniquement pour les coins, et on reste évidemment bien en-deçà du verre clair.
Le « verre » de visée du rolleiflex de 1958 est un truc ultra moderne en plastique moulé monobloc, une seule plièce de plastique qui combine trois fonctions optiques : c'est simultanément une lentille de Fresnel, un dépoli diffusant et un télémètre à champ coupé (au centre).
Les verres du flex-bi d'avant '58 étaient de bons verres dépoli en bon verre robuste, faits à la main à Braunschweig, on pouvait les améliorer un peu par l'adjonction d'une lentille de Fresnel en plastique nommée «Rolleigrid » pour les intimes.
Les « verres » modernes des moyens formats sont toujours en plastique mais en étant moins diffusants et moins absorbants que les modèles des années 50-60 ils réalisent le mieux qu'on puisse faire dans le compromis entre la luminosité et la facilité d'usage de toute la surface pour faire la mise au point.
Pour les chambres, à l'exception du Bosssssssscreen(TM) on a un verre dépoli en verre, avec éventuellement une lentille de Fresnel. Mais il y a différentes façons de dépolir le verre qui aborbent plus ou moins de lumière dans le produit final.
Certains rolleiphiles habitués aux dépolis de 1958 se plaignent que certains dépolis modernes et lumineux rendent la MAP plus difficile. Je n'ai pas remarqué cet inconvénient sur les verres installés par Gérard Métrot, mais il faut savoir qu'un compromis satisfaisant pour le Rolleiphile X. devient insoutenable pour le Rolleiphile Y., surtout si ce rolleiphile Y. est du genre à professer à longueur de journée « c'était mieux avant ».
Comme d'habitude, l'idéal est de se retrouver dans une rencontre amicale galerie-photo et de voir en vrai le résultat avant de changer de dépoli de son 'flex-bi !!
Et les kristau likids ? Ils se moquent totalement de la conservation de la luminance ; par faible éclairement disponible pour la scène, c'est merveille que de voir cet écran agir comme un amplificateur de luminance, mais la conservation de l'énergie reste incontournable ! Du moins pour des écrans qui émettent de la lumière et qui ne sont pas purements passifs comme un cadran de montre sans point luminescents !
Donc je ne sais pas où se situe le niveau de luminance d'un écran à kristau likid d'appareil numérique, il me semble que çà émet effectivement de la lumière, donc que çà pompe de l'énergie électrique, mais ce que je sais c'est que par soleil brillant dans le dos, le rolleiphile capuchon & loupe dépliés, respectueusement incliné devant son sujet, est plus à l'aise pour viser que le père de famille presbyte à bras tendus derrière son compact numérique ;-);-)
E.B.
Modifié 2 fois. Dernière modification le 14/05/2010, 15:49 par Emmanuel Bigler.