Auteur: Jimmy Péguet
Date: 27-12-2007 22:50
Quelques mots sur quelques-uns des livres reçus en cadeau pour les fêtes.
Le premier, c’est « Fides » (non, on ne prononce pas pas faïd’s, fides, c’est la foi, en latin), de Jackie Nickerson, chez Steidl. Un ensemble de photographies en couleur faites dans des monastères et des communautés religieuses catholiques en Irlande. C’est un livre que je trouve magnifique. Bien sûr, on ne coupe pas aux poncifs du genre, le bol sur la table et les robes blanches accrochées au mur blanc, les couloirs et les rangées de portes, la table de travail dans la cellule. On attend le prie-dieu en clair-obscur dans un recoin d’alcôve. Le livre vaut mieux que ces clichés. Au final, ce qu’on va retenir du livre, ce ne sont pas seulement les banals lieux de travail ou de prière, les outils et objets de la vie quotidienne, les lourdes et omniprésentes icônes chrétiennes, photographiés en lumière naturelle, mais aussi les merveilleux portraits qui le rythment, comme éclairés de l’intérieur. La beauté des regards. Le livre est construit autour d’une alternance de portraits d’une même communauté et de lieux et d’objets qui les entourent. Répétition des portraits, monotonie des photos de l’environnement. Ce qui est beau dans ce livre, c’est que c’est l’ouvrage honnête de quelqu’un qui cherche à comprendre ce qui pousse à choisir cette vie réglée, qui, au travers de photographies très simples, cherche à transcrire visuellement une (ou des) expérience intérieure qui lui est étrangère. Les photographies sont suivies d’un intéressant entretien avec la photographe sur la manière de photographier, sur ce qu’elle recherchait, sur ce qu’elle a rencontré. Le livre, qui se termine par l’image d’un cimetière dans les herbes, est, ce qui ne gâte rien, joliment imprimé. La reliure toilée imprimée est un peu tape-à-l'oeil et racoleuse, est faite pour sonner "contemporain", mais donne une bonne idée du contenu. Un bien beau travail photographique.
Fides, de Jackie Nickerson. SteidlMack éditeur. ISBN 978-3-86521-541-3
Avec le second livre, on n’est pas vraiment dans la tendance. « Hazy lights and shadows », de Lynn Geesaman, publié chez un éditeur belge que je ne connaissais pas, Michel Husson, donne plutôt dans le pictorialisme. Ca me change de la plupart des livres de ces dernières années ! On connaît Lynn Geesaman pour ses photographies à la fois très nettes et éthérées, oniriques, très travaillées au tirage (j’ai la flemme de coller des liens, elle est représentée par pas mal de galeries que Google se fera un plaisir de vous indiquer). Ici, c’est du très beau noir et blanc travaillé tout en contrastes, en même temps détaillé, flou et velouté, le texte - sans grand intérêt à mon sens - évoquant justement le sfumato des peintres. Des photographies très géométriques de jardins à la française (Sceaux, Vaux-le-Vicomte), de Jeurre ou de jardins anglais dans un autre genre plus pittoresque et de canaux belges (le pays de Damme) à la structure également géométrique et parfois très fouillis où on s’égare. Perspectives rigoureuses et vertigineuses qui enferment souvent, arbres taillés et allées étranges, des objets qu'on connaît mais qu'on verrait pour la première fois dans leur étrangeté. Des photographies qui semblent sortir directement de la mémoire. Les cadrages presque inquiétants de rigueur font apparaître un univers dont on croit connaître les codes, protecteur et artificiel, prêt à se désagréger. Pour répondre à la grave question que tout le monde se pose, ben oui, j’ai hésité un moment, mais j’aime vraiment beaucoup ce livre aussi. Ca change de Bourguedieu. Très bien imprimé.
Hazy lights and shadows, de Lynn Geesaman. Husson éditeur (il y a un site web).ISBN 2-916249-08-7
Enfin, pour finir, un qui ne m’a pas passionné même s’il est loin d’être inintéressant, « L’œil du photographe », du défunt John Szarkowski. La réédition du livre publié en 1966, première traduction en français. Un livre signé Szarkowski, ça doit être comme quelque chose signé Cartier-Bresson aujourd’hui, j’ai un peu le sentiment qu’on cultive le nom pour faire des sous. Je sais pas, c’est peut-être bien, je suis peut-être injuste, il faudrait que je le reprenne tranquillement. Szarkowski part de la différence entre la peinture et la photographie au XIXème pour faire le tour en différents chapitres (en photos uniquement, avec une bonne iconographie) des caractéristiques de la photographie : la chose en elle-même, le détail, le cadrage, le temps, le point de vue. Ca me paraît après le premier regard (encore une fois trop rapide) un peu daté.
L’œil du photographe, de John Szarkowski, 5 continents éditeur (il y a de bonnes choses chez eux). ISBN 978-88-7439-397-0
Jimmy
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