Auteur: Jimmy Péguet
Date: 11-11-2007 14:16
Reçu ce matin le tout dernier livre de Thierry Girard, « Voyage au pays du réel », une traversée photographique de la Chine sur les traces de Segalen, « dans une sorte d’affinité intellectuelle […] plus que dans la fidélité textuelle », selon une pratique plusieurs fois utilisée par Girard.
Ce livre est pour moi une des plus belles réussites de Girard dont connaît la proximité avec, entre autres choses, la peinture et la pensée chinoises. Le plaisir, lorsqu’on plonge profondément dans une œuvre, qu’elle soit photographique, littéraire ou autre, c’est de retrouver des traces, des obsessions, de remonter les fils d’un ouvrage à l’autre. On retrouve ici des images de la traversée de la France dans « D’une mer l’autre » ou du Japon de la "Route du Tokaïdo", on trouve les traces d’autres photographies et d’autres livres. Ici, dans les pas de Segalen, dans ce qui n’est évidemment pas un ouvrage documentaire, on rencontre, on étreint la Chine ordinaire, souvent rugueuse, les petites gens, après des images « sidérantes » et des «épiphanies sublimes », pour reprendre les mots de Girard. Je ne m’étais jamais non plus vraiment rendu compte auparavant que Girard était un vrai coloriste.
Je me permets de citer quelques extraits de la rapide introduction de Girard. « …Mais cette forme de sidération qu’exerce sur moi la prégnance du Réel vise avant tout à nourrir un propos essentiellement photographique, d’où, au fil des pages, un certain nombre de récurrences : interrogation du paysage contemporain à partir des critères esthétiques de la peinture classique chinoise ; petites chorégraphies incertaines dans l’espace urbain, sortes d’ukiyo-e photographiques, - images d’un monde à la fois flottant et terriblement englué dans l’épaisseur du Temps et de la Terre chinoise ; sans oublier ces vestiges divers, nobles ou triviaux, ces stèles véritables ou contrefaites, et toutes ces excavations qui nous renvoient à un état de fouilles, rappel quotidien, décalé et amusé, d’un lien non fortuit avec Segalen. »
Plus loin : « …Ce qui meut Segalen, ce grand mélancolique, c’est en quelque sorte une problématique de la déception, et de la jouissance qu’elle engendre. En fait, le vrai bonheur n’est-il pas de s’être trompé par rapport à ce que l’on imaginait, et d’avoir pu trouver dans l’adversité et l’altérité du voyage la réponse à ce que l’on était venu chercher ? […] L'imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au Réel ? Le Réel n’aurait-il point lui-même sa grande saveur et sa joie ? »
Fin des citations. En fin de livre, un texte de Christian Doumet que je n’ai pas encore lu.
Voilà. Pour dire le plaisir et l'intérêt éprouvés une fois de plus devant le travail de Girard et devant ce livre en particulier.
Thierry Girard, « Voyage au pays du Réel », Marval éditeur. ISBN 978-2-8623-4407-2
Jimmy
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