Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 16-03-2007 10:43
Merci à M. Vandenhoek pour le superbe lien vers la vision suisse des Grands Espaces de l'Ouest ;-) Je reconnais que cette vision-là semble moins «forcée » que d'autres.
Peut-être le mot de 'bienfacture' vient à l'esprit pour qualifier un travail photographique qui vise à satisfaire le client sans aucun besoin d'être créatif ou novateur. Je concède être sensible à cet aspect de bienfacture traditionnel. Comme on peut être sensible à la bienfacture d'un petit-salé-aux-lentilles-sur-coup-de-rouge qui n'a aucune autre ambition que d'être bon, en respectant, à son niveau culinaire, une certaine tradition conservatrice ;-)
L'ami Henri Peyre me piège : il va me forcer à élaborer quelque chose de consistant sur ce qui n'était a priori qu'un facétie pour titiller Pierre Strfinga ! Zut ! Il va falloir que je m'y colle !
La seule petite réflexion supplémentaire que je m'étais faite sur le calendrier suisse c'est que la majorité des images, (à l'exception notable du Unser Heimat tourné plutôt vers les clochers, on y verrait bien un verset biblique en accompagnement), c'est qu'on aime montrer un équlibre séculaire entre le village et la nature ; si l'on montre une nature effrayante comme l'est objectivement la célèbre face 'Hörnli' du Cervin, c'est pour mettre immédiatement en contrepoint le génie des hommes pour maîtriser cette sauvagerie, par exemple le train à crémaillère du Gornergrat, ou bien au pied de ladite face, les mazots si rassurants et si parfaitement entretenus.
La seule exception dans l'imagerie suisse traditionnelle qui me vienne à l'esprit est peut-être la vue du Grand Glacier d'Aletsch depuis le Bettmeralp, glacier qui n'est environné d'aucune trace de présence humaine, à l'exception des quelques refuges (on dit : cabanes) comme Hollandia et Konkordia (mais invisibles depuis le sommet des confortables remontées mécaniques du Bettmeralp : magie du cadrage !;-)
Dans l'image traditionnelle des Parcs des États-Unis, aucun contrepoint de présence humaine ne semble possible, et sans rappeler ce que fut le triste sort des Amérindiens, on peut mentionner que le principe même des Parcs en Amérique du Nord (je pense que les principes sont similaires au Canada) est de laisser la nature sauvage avec le minimum d'intervention humaine.
Un sequoia tombe ? on ne tronçonnera que le mètre (pardon : les trois pieds) de large qui obstrue(nt) le sentier. Un incendie se déclare ? on laissera faire la nature au nom du respect des grands équilibres (en plus en Californie, le Sequoia géant a besoin que des incendies fassent un peu le ménage autour de lui).
Cette autre grille de lecture imposée pourrait aussi être à l'origine de la tentation à vouloir forcer la sauvagerie du paysage par des couleurs... disons, sauvages comme le gôut de certains chewing-gums des années '60 ;-)
Alors que dans l'imagerie du calendrier suisse, je verrais plutôt, à l'instar de la vie quotidienne de la Confédération, une volonté de respecter les équilibres ville-campagne, homme-nature, une attention pointilleuse portée à la permanence et au maintien de la tradition, comme si toute rupture d'équilibre ne pourrait que précipiter le pays et son paysage dans le chaos. Rassurer, assurer une permanence, célébrer la présence humaine respectueuse des montagnes, « Voyez, tout est en ordre, le Cervin est toujours là, les mélèzes jaunissent, les mazots ne tombent pas en ruine, seul le glacier du Rhône a fondu, et le front du Morteratsch a reculé de trois kilomètres, mais chuut !!» le calendrier suisse serait tout simplement à l'image de ces principes-fondateurs. E la couleur, donc, bien entendu il en faut, comment représenter les géraniums des balcons sans couleur, mais des couleurs... équilibrées.
(je vais encore avoir droit à une volée de bois vert de Pierre Stringa ! tant pis !)
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