Auteur: mougin
Date: 17-10-2009 13:20
Raphaël
"Oui chez moi ça commence au village avec mes voisins", Raphaêl tu as bien raison de penser que la civilisation a commencé avec le village, et cela depuis 10 000 ans, les valeurs de cette civilisation se réfèrent à la coutume à la loi des ancêtres qui divinisés garantissent la conformité à la Loi et fondent les lois de l'échange, échange des femmes (prohibition de l'inceste), échange des biens, et échange des paroles. Cette civilisation villageoise, je l'ai connue dans mon enfance jusqu'en 1950, 120 habitants 7 familles de paysans, aujourd"hui zéro paysan, 220 habitants, la commune couverte de pavillons, cité dortoir, chacun derrière sa barrière de tuyas, le village d'à côté où j'allais en classe est le village de France qui en proportion a donné le plus de voix au Front National. Des géographes ont montré ainsi que ce vote était directement lié à l'habitat pavillonnaire. Le village était rassurant, comme une famille, il est devenu angoissant, peuplé d'individus "rempardés", la peur de l'autre y règne.
Les paysans d'alors ont cru trouvr leur eldorado en travaillant pour Peugeot, ils connaissent aujoud'hui pour beaucoup d'entre eux le chômage.
Nos valeurs nous venaient de 10 000 ans de culture, il aura fallut 60 ans pour les détruire et rendre la planète prochainement invivable.
La crise que nous vivons montre la fin du système, et il est vraisemblable que le libéralisme s'effondrera à la même vitesse que le communisme. C'est d'ailleurs peut-être déjà fait et comme il est incapable de se réformer lui même, la spéculation déjà recommence, la taxe carbone ne passe pas, et le libéralisme prépare déjà la prochaine bulle pourrait bien être un trou sans fond.
Seul un Dieu disait le dernier Heidegger peut nous sauver? Ce dieu n'est sans doute pas Internet, et je suis d'accord avec toi pour admettre qu'Internet c'est aussi de l'argent, Google annonce des profits faramineux, mais comme dit René Char, "il faut savoir retourner l'instrument contre l'employeur", et c'est un peu ce qui arrive avec Internet sur lequel on voit renaître, des valeurs que l'on croyaient disparues, amitié et haines ancestrales, luttes pour la reconnaissances, luttes agonistiques ( empoignades pour le seul plaisir). certains sur ce forum s'en plaignent, je m'en réjouis, car on y retrouve les relations traditionnelles qui nous font vivre dans pluralité et non dans la solitude qui rend idiot (c'est le même mot) où nous confine la consommation, ma rollex, mon ipod, ma télé, ma famille.
Exemple, j'ai soixante cinq ans. J'ai passé ma vie dans une famille de 6 enfants, puis dans un internat, une caserne, 11 ans en Tunisie dans une ville de 100 000 habitants, où un jour j'ai reçu une lettre d'un enfant rencontré dans un village avec sur l'enveloppe cette seule indication Jean-Claude Sfax. J' y suis retourné un an après, la plupart des gens de la rue que j'ai rencontré ne savaient pas que j'étais parti. En Tunisie j'étais quelqu'un, je connaissais 200 à400 personnes et j'étais connus de quelques milliers. Puis revenu en France je travaille pendant 22 ans dans un Lycée de 400 élèves. Là aussi je suis connu, vivant, je rencontre 200 personnes par jours, suis connu comme prof farfelu par tout le canton, détesté par tous ses collègues qui sont d'un conformisme confondant. Aimé, détesté, je vis, je ne suis indifférent pour personne.
Le jour de mes soixante cinq ans j'apprends que je suis rayé des cadres, je ne suis plus personne. A une ou deux exceptions près plus personne ne me connaît. Je ne suis jamais retourné sur mon lieu de travail. Ma femme part le matin à son travail à 9h, rentre à mii pour une heure, revient le soir à 7h30. Je ne connais plus que le marchand de journaux, et les caissières de magasins. il ne me reste plus que les clubs de troisième âge, la maison de retraite et le mouroir à l'hôpital.
Je dois à internet une nouvelle vie, une nouvelle reconnaissance. Avant personne ne savait que je faisais des palladiums. Aujourd'hui quelques centaines de photographes ma connaissent. J'ai reçu chez moi une dizaine de stagiaires, j'en attends un pour lundi, certains d'entre eux restent des amis. Grâce à Internet et au forum et aux diverses rencontres organisées, des gens qui n'avaient qu'un existence virtuelles sont devenus des amis en chair et en os avec qui on plaisante et on boit un coup.
Grâce au forum je suis allé en Chine. J'ai gardé des relations amicales avec 3 jeunes chinoises avec qui je correspond régulièrement. J'ai rencontré un photographe français à Shangaï. J'ai passé une soirée avec un photographe allemand à Tokyo. Cela ne ressemble à la vie d'un petit vieux inscrit au club de troisième âge.
Rousseau prétendait que pour les pouvoirs en place le fait que deux individus se parlent est un complot et quen "tenir les sujets épars telle est la grande politique moderne". Se parler, discuter comme nous le faisons ici, "s'enpaffer"comme on le fait aussi. ce sont des actes de résistance. De tels actes se manifestent ailleurs.
On a parlé du village mondial, je crois que c'est un peu cela que nous retrouvons sur notre forum, les valeurs du village néolithique.
Je ne suis pas sûr, mais pas du tout, que l'humanité sera sauvée, et sans doute internet n'est pas le nouveau Dieu, mais pour garder un rapport dialectique, du pire peut parfois naître le meilleur, et on dirait qu'ici ou là d'anciennes valeurs se réveillent.
Pour l'instant vive le forum à qui je dois de vivre et de pouvoir faire ce que j'aime, de la photographie et la partager.
Pour terminer Raphaël tu nous recommandes de "Restez terre à terre aussi et retournez un peu à l'Agora, le vrai à côté de chez vous..." L'agora n'existe plus à côté de chez moi; Je vis dans une ville où à quelque exceptions près je ne rencontre que des zombies, mon agora à moi c'est le forum que je traverse plusieurs fois par jour, ne serait-ce que pour t'y rencontrer.
Bref avant que tout ne s'écroule, on peut toujours entretenir la flamme. il y aura peut-être des survivants !
Mougin.
|
|