Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 21-09-2009 10:50
Bonjour à tous, je ne résiste pas au plaisir de relier l'interrogation de M. Dominique Perney à l'actualité la plus récente en la matière.
J'ai entendu sur France-Info un court entretien avec une élue du Peuple Français, qui va lancer un débat sur la question des images numériques trop parfaites car retouchées à l'extrême. L'idée étant qu'une mention légale « photo retouchée » pourrait devenir obligatoire.
Et l'un des journalistes de France Info d'ajouter doctement (je cite de mémoire, en substance) : grâce aux progrès du traitement numérique des images, on peut facilement effacer les rides & autres attributs physionomiques disgracieux.
(le journaliste n'a pas dit : traitement numérique des images, il a cité explicitement un nom commercial ; du temps de l'ORTF, où la publicité clandestine fit scandale, on aurait viré un commentateur de foot pour moins que çà...)
Sans entrer dans un débat qui s'annonce très délicat, on peut tout de même évoquer deux ou trois petites choses.
Première remarque : il existe au niveau européen une mention légale « suggestion de présentation » pour les photos imprimées sur les emballages de produits alimentaires. Cette mention met les photographes et les marques à l'abri des grincheux prêts à lancer un procès à un fabricant de polenta-des-montagnes de la région de Varallo (Italie) parce que dans le paquet de 500gr, à part une étrange poudre jaune, il n'a trouvé ni épi de maïs, ni boîte en bois contenant les grains entiers, ni fromage-des-montagnes, ni saucisson-des-montagnes, ni planche à découper et encore moins de verre de rosé pour accompagner le tout.
Alors, effectivement, pourquoi pas une mention « photo non retouchée » dans les publicités.
Deuxième remarque, pour en revenir au sujet initial : la retouche n'a pas été inventée par la photo numérique. c'était un métier à part entière du temps du gélatino-bromure.
Voir cette brochure délicieuse qui nous renvoie au Royaume-Uni, à l'époque des
swinging sixties, des Avengers (alias : Chapeau Melon et Bottes de Cuir)
« les carrières dans la photographie »
citée sur galerie-photo par Zoran
n2-f5-3772.html
le document d'origine a disparu du bloc d'Alec Soth
http://alecsoth.com/blog/careers/index.html#1
mais on peut encore le voir facilement en archives
http://web.archive.org/web/20080125234530/http://alecsoth.com/blog/careers/index.html
En particulier ces deux métiers, la coloriste et la retoucheuse.
http://web.archive.org/web/20080118102155/alecsoth.com/blog/careers/pages/colorist.html
http://web.archive.org/web/20080118103032/alecsoth.com/blog/careers/pages/retouch.html
Dans les livres de formation professionnelle photographique, je pense par exemple à ceux de René Bouillot dans les années septante du siècle dernier, on expliquait tout l'intérêt des négatifs de grand format pour la repique et la retouche : portrait Harcourt 1930 = chambre 18x24 cm et retouche obligatoire par des artistes chevronnés mais nettement moins connus que ceux portraiturés.
Si on remonte plus loin dans le temps, je ne sais pas si on retouchait les daguerréotypes, mais je suis persuadé que dès que le procédé négatif-positif a été introduit, la retouche enfin possible des grands négatifs est arrivée illico.
Remontant aux temps de la peinture, plus besoin de parler de retouche, seuls les riches ont les moyens de se payer un portraitiste, et pour en revenir aux préoccupations de notre élue à l'Assemblée Nationale, il y avait peu de risque du temps des peintres que l'image du commanditaire soit peu flatteuse, donc pire que la retouche numérique qui efface les rides !
J'ai cependant en tête (sans mauvais jeu de mots ;-) ) un portrait de Louis XVI par Ducreux, où le bon roi qui avait tellement fait pour l'avancement des sciences et des arts n'est pas tellement à son avantage. Mais c'était, dit-on, peu de temps avant sa mort...
http://www.repro-tableaux.com/kunst/joseph_ducreux/portrait_louis_xvi_1754_93_ki__hi.jpg
Si on remonte plus loin encore, il ne me semble pas que dans la statuaire grecque on montre les rides ou les bourrelets ;-) donc on faisait pire que retoucher !
En revanche, nous dit-on au Louvre dans la salle des statues romaines, les représentations sculptées des hommes âgés du temps de Jules César ne nous épargnent aucun défaut, aucune ride, avec un réalisme stupéfiant...
Et pour terminer sur une note parfaitement incorrecte en ces temps de Parité homme-femme, on remarque, et ce n'est pas fortuit, que les délicats travaux de mise en couleur et de retouche à la loupe sont effectués par des femmes.
On le dira à voix basse, mais c'est un fait assez connu dans les métiers de la micro-mécanique et de l'optique de précision que les tâches les plus fines sont réalisées plus efficacement par les dames que par les messieurs (qui parfois finissent par s'énerver, autant leur réserver les trucs d'homme avec des grosses machines et beaucoup de force à appliquer ;-)).
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