Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 07-11-2008 09:52
Le débat s'anime, c'est parfait !
Pour commencer citons avec précision la source.
Il s'agit du supplément gratuit au N°3069 de « Télérama », intitulé : « Le guide du Collectionneur ». Apparemment il n'est donné qu'aux abonnés, ce qui expliquerait que J.C. Launey en ait été privé s'il n'est pas abonné. je rassure J.C : ce supplément est bien parvenu dans le département du Doubs, donc il ne s'agit pas d'une discrimination anti-province, ou pire encore : anti-ouest-français.
Je cite la définition du « grand format » en page 23 (3-ième de couverture)
Grand format : c'est ce qu'on appelle « la chambre ». Les tirages issus de ces formats (4x5 inches et 8x10 inches) ont une finesse et un contraste inégalés, mais le matériel est peu propice au reportage.
(fin de citation)
Le point de vue de Pierre Diaz Pedregal est fort mesuré, il a eu en mains le petit opuscule, il peut donc juger sur pièces, mais son point de vue va très au-delà de mon propos, puisque je ne porte aucun jugement sur l'ensemble de ce supplément édité à l'occasion de « Paris Photo ».
Ce qui m'intéresse, dans un monde où la chambre grand format est devenue encore plus invisible du grand public que les appareils à film de petits et moyens formats, c'est l'écho lointain qui peut rester dans la presse non spécialisée concernant le matériel grand format et les photos « qui vont avec ». Concernant l'invisibilité des appareils à film dans notre vie moderne (pour parler comme dans le film de M. et Mme Depardon), en vacances l'été dernier dans différents coins de France, je ne crois pas avoir vu un seul appareil à film chez les vacanciers que je croisais.
Questions de terminologie passionnantes. On pourrait dire que si certains termes comme pixel sont inventés pour désigner la modernité, d'autres, au contraire, semblent apparaître dans la presse grand public in extremis ; pour ne pas dire in articulo mortis pour nommer des appareils & techniques photo qui sont balayées par le progrès.
Argentique ? Un néologisme formé lorqu'il a fallu se rendre à l'évidence que le photochimique allait disparaître ! Moyens et grands formats ? Mais en parlait on en 1950 ? Gélatino-bromure : à part les lecteurs du Glafkidès ou les scientifiques & ingénieur(e)s lisant le James (The Theory of the Photographic Process) dans les années 1960-1970, qui utilisait ce terme ?
L'excellent bouquin VTP cité plus haut serait-il sorti en 1980 ?
Pourquoi donc faut-il que Télérama explique ce qu'est la photo argentique ? Bien entendu parce que ce type de photographie est en train de s'effacer de la vue du grand public, mais qu'en même temps, et ce n'est peut-être pas fortuit, si j'ai bien compris le point de vue des collectionneurs de photos, la photographie élaborée selon les bons vieux procédés photochimiques a probablement aujourd'hui (novembre 2008) une cote supérieure à celle élaborée par des moyens plus modernes. Et encore, on objectera immédiatement que sans traitement numérique, point de tirages de Gursky.
Au passage, parlant de Gursky, au lieu de dire que le matériel grand format est peu propice au reportage, on pourrait dire, mais ce serait évidemment bien trop long pour le petit glossaire cité plus haut, que parmi les photographes contemporains les plus cotés au monde, il y a ceux formés à l'école de Düsseldorf, où, si j'ai bien compris, le maniement de la chambre et de ses mouvements était (et est peut-être encore, comme on le dit pour les écoles de photo au Japon) l'une des bases de l'enseignement.
Cette courte définition du supplément de Télérama nous renvoie à rien de moins que les sept années de discussions sur nos forums et d'articles plus élaborés sur galerie-photo.com. En ce sens cette petite citation sortie de son contexte donne, me semble-t-il, matière à discussion.
Alors discutons.
« une finesse et un contraste inégalés »
Est-ce une évidence ? Peut-être, le collectionneur qui va voir des images classiques issues de différents appareils à film va certainement remarquer la qualité des images faites à la chambre, du moins en comparant avec des tirages issus de plus petits formats faits à la même époque, avec des films & matériels de même état d'avancement technique.
Mais si on compare une image issue d'un 24x36-à-film de la fin du XX-ième siècle avec celles issues, par exemple, d'un 13x18 de Lartigue utilisé à main levée (tiens : un reportage de Lartigue ?) il n'est pas certain que le 13x18 de 1910 l'emporte.
Et si on compare avec ce qui peut sortir d'une chaîne silicium & numérique, c'est un débat très actuel : le film & chambre sont dépassés ! Peut-être pas par le 24x36 silicium, mais certainement par le moyen format silicium. Passons : nous n'avons pas fini d'en débattre ici, mais Télérama est au coeur du sujet.
« le matériel est peu propice au reportage. »
Cette demi-phrase pose en toute simplicité la question de savoir ce qu'est un reportage photographique.
La mission héliographique française était-elle un reportage ? Lorsque la Farm Security Administration (FSA) des Etats-Unis ou la DATAR en France envoient en mission des photographes sur le terrain, est-ce un reportage ?
La notion de reportage disparaît-elle dès qu'il y a travail de commande missionné par une administration ? Le reportage photographique implique-t-il que l'appareil ne doit pas être posé sur un pied ?
Voilà, amis lecteurs les quelques réflexions suscitées par la lecture de la page 23 du petit supplément « Paris Photo » du Télérama N°3069 !
Bien entendu on pourrait embrayer sur d'autres thèmes, sur la place des magazines culturels dans la promotion de la photo, sur le rôle de la télévision dans la promotion de la photo, sur la pertinence d'un magazine culturel comme Télérama (avec des réactions sectaires du genre : fines critiques ciné & conseils éclairés en livres et disques, d'accord, mais avec les programmes télé ! Non ! C'est de la vente liée ! ), etc... mais c'est un autre débat.
Pour débattre avec Pierre Diaz Pedregal sur le thème : la place de la photographie dans la presse grand public, j'aurais envie de dire qu'il faudrait commencer par définir la photographie dont on parle, de même que Télérama définit ce que veut dire « argentique » et ce qu'est un galatino-bromure ! Vaste programme, comme disait le Général qui avait souvent une ironie mordante !
Alors, hasardons-nous sur ce terrain délicat : il suffit de jeter un coup d'oeil distrait dans un kiosque à journaux pour voir que la photographie est omniprésente dans tous les titres ! Même le naguère très austère « Monde » (un groupe de presse qui comprend aujourd'hui « Télérama ») publie des photos d'actualité, de reportage à la une ! Et le supplément hebdomadaire, « le Monde 2 » semble avoir été créé pour faire oublier que pendant 1/2 siècle, « le Monde » ne publiait pas de photos. Donc on ne peut pas reprocher au groupe de presse « le Monde » de ne pas soutenir la photo, j'avais même été fort surpris dans « le Monde 2 » de voir tant d'articles consacrés à des photographes, justement, qui pratiquent le reportage en grand format à la chambre. sans préjudice de toute autre forme de photographie, puisqu'en troisième de couverture « le Monde 2 » publie chaque semaine une photo d'amateur.
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