Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 27-02-2009 11:24
Euh.. je ne souhaitais pas dériver trop loin vers l'évaluation de la qualité des images au sens de l'analyse de Fourier mais je suis pris à mon propre piège, donc je réponds volontiers à D. Duparc.
L'analyse de Fourier linéaire est très imparfaite pour rendre compte de la qualité physiologique des images, Bernard Leblanc le dit souvent dans ses articles, mais elle a l'avantage de donner des valeurs avec lesquelles tout le monde est d'accord et de permettre des petits calculs simples pour fixer des ordres de grandeur réalistes.
Le lien entre la largeur de tache et la période limite détectable est toujours donné par une relation du genre :
période en cycles par mm = constante x 1000/(largeur de tache en microns)
Reste à expliciter ce qu'est une largeur de tache et ce qu'est la constante pour ne pas se tromper d'un facteur 2.
Si on considère le modèle le plus simple de la défocalisation géométrique, l'image d'un point fortement défocalisé est une petite tache circulaire dont le diamètre est égal au fameux diamètre de cercle de confusion "c" qui intervient dans le calcul de l'hyperfocale et des distance limites de profondeur de champ p_1 et p_2 côté objet dont tout découle, in fine
H = f^2/(Nc)
1/p_{1 ou 2} = 1/p {+ ou -} (1/H)(1-f/p)
dans ce cas très particulier de défocalisation géométrique il n'y a pas d'ambiguïté sur la définition de la largeur de tache puisque c'est un cercle parfait sans lumière autour, du moins si on considère qu'à fort défaut de mise au point l'effet des aberrations résiduelles et de la diffraction est négligeable devant l'effet de défocalisation.
C'est le cas avec le cercle conventionnel de 50 microns comparé à ce qu'une bonne optique 6x6 peut passer effectivement.
Au passage, ce 50 microns sort de la période angulaire limite visible pour un oeil de photographe standard, capable de résoudre 2 minutes d'arc, soit 1/1720 ce qui nous donne un cercle de confusion de l'ordre de f/1720 sur le film. 80/1720 donne autour de 45 microns.
Si on met en entrée une grille périodique, que l'espace entre traits soit ou pas égal à la largeur du trait, peu importe (c'est la période qui compte) on peut montrer dans ces conditions que les barreaux dans l'image de cette grille disparaissent totalement pour une période, mesurée dans l'image, égale à 0,8 fois le diamètre de la tache.
Donc la période limite visible dans l'image lorsque le cercle de confusion géométrique est "c" vaut : 0,8 c.
(à voix basse) Le facteur 0,8 sort du premier zéro de la FTM du système défocalisé dont la réponse est une tache ronde (plus de détails sur demande pour ceux qui ne peuvent pas vivre sans connaître la vie intime des fonctions de Bessel, en particulier le fameux 2 J_1(2 pi u) / (2 pi u) qui colle à la peu de tous les photographes haute résolution ;-)
Donc la fréquence de coupure correspondante en cycles par mm est 1000/(0,8 c) = 1200 /c
Donc j'ai triché de 20%... je l'avoue ;-)
Donc 1200/50 nous donnent 24 cy/mm théoriques comme limite de visibilité et non pas 20, mais le problème reste entier !
Ce qui veut dire que dans une optique où on arrive à lire 70 cycles par mm tous effets confondus, est c'est ce que donne le tessar du rolleiflex sur film à grain fin, tous effets confondus (ce qui est déjà remarqueble) le cercle de confusion géométrique qui donnerait, hors diffraction et hors aberrations la même valeur limite vaut 1200/70 = 17 microns.
Autrement dit, un photographe particulièrement pointilleux qui veut atteindre sur film à grain fin toute la performance de son tessar 3,5 de 75 modèle 1957 est condamné à recalculer ses tables de profondeur de champ avec une cercle de confusion de 17 microns. Et même peut-être encore moins si on tient compte qu'il reste toujours un peu de diffraction et d'aberrations, et que la tache réelle est en fait plus large que ces 17 microns "géométriques".
Autant dire qu'il y a de quoi désespérer bien au-delà du Billancourt des Rolleiphiles ! ;-)
Heureusement que non seulement des générations de rolleiphiles depuis 1929 arrivent à faire des images nettes, mais en plus on se félicite qu'ils n'aient pas lu les calculs ci-dessus ! ;-)
Donc finalement la bonne vieille valeur de 50 microns, les tables index de profondeur de champ classiques, selon l'expression que j'aime bien, sont des guides pour l'action, pas des dogmes intangibles !
De même que le diction spartiate répondait à celui qui se plaignait de la trop faible longueur de son épée : « fais un pas de plus », de même au rolleiphile qui se plaint du laxisme des échelles de profondeur de champ concoctées avant guerre par les ingénieurs de Braunschweig, on répondra :
« ferme d'un cran de plus ! »
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(toujours à voix basse)
Un modèle plus complet de la défocalisation en tenant compte de la diffraction est présenté par Jeff Conrad dans un article en deux parties. c'est assez dense ;-) mais un modèle plus raffiné de remet pas en cause les p'tits calculs sur un dos d'enveloppe que j'ai présentés plus haut.
çà permet ensuite de photographier tranquille en oubliant tout cela ;-)
http://www.largeformatphotography.info/articles/IntroToDoF.pdf
http://www.largeformatphotography.info/articles/DoFinDepth.pdf
Sur ce, amis lecteurs, je vous quitte pour quelques temps, les neiges du Jura m'attendent ! (1,40 mètre en ce moment dans les Hautes Combes, çà va donner)
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