Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 15-01-2008 18:53
On a bien compris que les informations brutes issues d'un capteur ne peuvent -par nature- représenter les effets de matière qu'on observe dans un film NB
Avant de répondre à la question je me permets de demander quelques précisions sur l'hypothèse de travail.
Je ne suis pas tout à fait d'accord sur le terme » par nature ». Ou du moins il me semble qu'il faut préciser la ... nature du débat.
Si on parle du bruit de granularité du film, certes, par nature cet effet qui est l'un des aspect du rendu des tirages argentiques classiques n'existe pas dans une détection par capteur d'images. Certains inconditionnels des films à grains fin anciens n'aiment pas le rendu des films à grains plats, dont le pouvoir résolvant est pourtant équivalent pour une sensibilité multipliée au moins par 4. C'est pratique ! comme disent les modernes face aux anciens qui râlent ;-)
Mais s'il s'agit du rendu des textures des pierres, des tissus, ou de toute autre matière du sujet photographié, qui possède un grain et qui est mal rendu par les procédés numériques actuels, je ne pense pas qu'il y ait de raison fondamentale à ce qu'une capture d'image numérique directe soit, à jamais, incapable de rendre ce que le film rend.
On est aujourd'hui dans une situation où la limite de résolution des films reste toute de même très supérieure à la limite donnée par le pas d'échantillonnage du capteur. Cette limite du film est également supérieure à ce qu'un excellent agrandisseur est capable de passer avec une optique de tirage la plus moderne. Je ne parle que des films N&B courants, les films ultra-résolvants comme la Gigabit(TM) étant encore plus loin de ce qu'un capteur peut enregistrer.
Un capteur silicium, avec une grille de pixels suffisamment fine, ou plutôt dont la surface serait suffisamment grande utilisé avec une optique couvrant le grand format (il y aura un problème avec les très petits capteurs, lorsque le pas de grille se rapprochera de la longueur d'onde de la lumière !!) , peut en principe atteindre une finesse de détails à la limite de ce que l'optique de prise de vue peut rendre.
Si par exemple on utilise une optique grand format de haute performance diaphragmée à f/16, la limite (dite : de diffraction) de ce que cette optique peut passer c'est une période (noir + blanc) de 11 microns environ (N.lambda avec lambda = 0,7 microns). Cette limite est absolue, non négociable, il est impossible par aucun logiciel de reconstituer des fins détails au-delà de cette limite.
En pratique aevc un optique du monde réel, c'est moins fin que cela, mais admettons, c'est la limite ultime de l'optique parfaite à f/16. Si la grille de pixels est au pas de 5,5 microns, soit la moitié, la totalité de ce que l'optique fait passer dans l'image peut être reconstituée par traitement numérique. C'est ce que dit le théorème d'échantillonnage et on le vérifie dans le domaine audio depuis des décennies, les photographes commencent seulement à se frotter à ces questions très délicates.
Au passage les capteurs moyen format actuels (ceux de 2007, mais nous sommes déjà en 2008) ont une grille au pas de 7 microns mais pour une surface de 37x49mm. Le capteur ultime dont je parle, si on le fabriquait au pas de 7 microns, devrait correspondre à une limite de diffraction à 14 microns, soit plutôt f/22.
La surface d'image correspondante vu les performance des optiques de chambre ce serait quelque chose compris entre le 4x5 pouces et le 13x18. Il y a encore de la marge.
Donc si le film avec son bruit de granularité est capable d'enregistrer un rendu de matière plaisant pour ce type d'image à la limite de ce que l'optique peut passer, il n'y a aucune raison pour que le capteur à grille assez fine enregistre moins bien et ne rende pas la texture. Certes l'image ne sera pas affectée du bruit de granularité du film, le bruit propre des capteurs existe mais il est beaucoup plus bas, si on a tout le soleil généreux pour poser longtemps ce bruit sera sans doute invisible derrière la texture de l'objet au lieu de s'y entremêler comme on a l'habitude avec le film.
Je crois donc d'autant plus que le capteur suffisamment fin arrivera à rendre toutes les textures présentes, que la texture finale est observée sur un tirage et pas directement à la loupe dans le plan focal de l'objectif !
Un tirage à l'agrandisseur va encore manger quelques détails de l'image sur film.
Un tirage numérique d'après fichier ne mange, en principe plus rien.. sauf finesse des buses jet d'encre et autres artefacts à prendre en compte évidemment dans la discussion !
Concernant la question initiale sur les logiciels, je vais peut-être répondre à côté de la question, mais il existe bien entendu des recherches sur l'amélioration du rendu des images numériques.
Au congrès à Montreux nous avons vu un exemple de traitement présenté par Mme Süsstrunk de l'EPFL à Lausanne.
L'idée est de tirer parti de la physisologie de l'oeil et de la manière dont les contrastes et les textures sont analysés par l'oeil pour transcrire le plus correctement possible une image analogique sur papier à partir d'un fichier numérique donné. Le nombre d'interprétations possibles est illimité, c'est ce que Mme Süsstrunk résumait par la formule volontairement provocante : l'image numérique n'existe pas !
C'est à dire : il n'existe que des images dans le monde réel, fabriquées par des machines qui créent une image analogique que l'oeil regarde.
Certains effets de pixellisation ou d'interpolation trop grossiers sont visibles et peu acceptables esthétiquement. D'autant moins acceptables lorsqu'on a l'habitude de tirages faits par d'autres procédés. Mais on peut arguer qu'i n'y a pas encore assez de pixels dans l'image de départ, d'où le fameux « effet de plastique » dont parle Henri Peyre lorsqu'il compare, également de façon provocante, l'image d'un compact numérique avec celle d'une diapo 6x9 scannée
Voir ici : http://www.galerie-photo.com/zeiss-super-ikonta-canon-350d.html
En résumé, je ne crois pas que l'effet de plastique soit autre chose qu'une limitation actuelle induite par les traitements renforçateurs divers et imparfaits qui s'appuient sur un nombre de pixels encore trop petit !
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