Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 20-06-2007 10:55
Les explications qu'on donne aux copains sur le forum sont rarement bonnes au premier jet. Donc j'espère ne pas avoir embrouillé les lecteurs de cette discussion avec mes histoires et mon tracé de rayons.
Il m'est venu à l'idée une autre façon de présenter l'affaire.
Du point de départ simple et pratique du cadreur, on dérive vers la question du rendu de perspective en photo.
(Au passage, à propos de cadreur, j'ai racheté à Jimmy Péguet un cadreur à fil de chez Linhof, c'est une belle pièce dans la grande tradition allemande, mais un cadreur-maison ferait tout aussi bien l'affaire ;-)
Sans partir dans des grandes envolées lyriques, la façon de représenter un volume en projection sur un plan est une question centrale du dessin, de la peinture et de la photo.
Cet aspect géométrique n'est bien entendu qu'un aspect de la photo à la chambre. Le privilégier serait privilégier l'esprit de géométrie au détriment de l'esprit de finesse, une erreur cardinale dans toute activité créative ;-)
Il y aurait, je me hasarde, trois niveaux d'explications pour la projection photographique.
Le premier niveau c'est celui de la camera obscura, du sténopé et de la redécouverte de la perspective cônique à la Renaissance, du moins en Europe. Il y un très bon article sur wikipédia à ce sujet
http://fr.wikipedia.org/wiki/Perspective
mais le mieux, le jour où vous irez au Louvre voir La Joconde, c'est de lui tourner le dos l'espace d'un instant et de s'émerveiller devant Les Noces de Cana de Véronèse : mais comment qu'il a pu placer ses éléments en perspective dans ce gigantesque tableau ?
Le deuxième niveau d'explication c'est celui de la lentille mince convergente diaphragmée en son centre ; sans cette lentille, avec les surfaces ensibles du XIX-ième siècle, pas de photographie car pas assez de lumière et pas beaucoup de netteté, mais en échange, on doit accepter les lois de conjugaison objet/image et la profondeur de champ. Entre parenthèses : le sténopé, oui, mais vous z'irez photographier au sténopé avec le film Rollei dia-direct de sensiblité 1 ISO .. et même 1/3 d'iso si on rajoute le fitre jaune de rigueur pour le paysage avec ce film ortho !! ;-)
Ce niveau 2 d'explication des projections photographiques, celui de la lentille mince, n'efface pas le niveau 1, qui reste toujours valable, en particuler le fait que la perspective ne dépend que du point de vue et pas de la focale, une antienne répétée par le Choeur de Photo-Solesmes sur notre forum ;-), mais il ajoute l'explication des défocalisations et de la profondeur de champ.
Enfin il y a un niveau 3, celui des optiques épaisses éventuellement dissymétriques, résumé « à la hache » par le diagramme que je me suis hasardé à placer en pointeur ci-dessus.
Ce niveau 3 d'explication est requis pour les phénomènes suivants : distribution de lumière dans les coins de l'image, effets de parallaxe en raccordement panoramique, c'est à dire détermination fine de la représentation des alignements de l'espace objet sur l'image projetée en plan.
Mais ce niveau 3 d'explication pour les projections n'efface pas le 2 et encore moins le 1. Il ajoute une petite modification subtile dans le cas des optiques dissymétriques, et n'ajoute rien du tout pour les optiques symétriques, si ce n'est qu'il faut séparer les points HH' de quelques millimètres ou centimètres par rapport au diagramme du sténopé ou de la lentille mince.
Autrement dit, le cadreur à fil s'appuie directement sur les niveaux 1 et 2 d'explication de la projection photographique.
De fait je pense que le niveau 1, celui, par exemple, de la perspective de la Cité Idéale de Piero de la Francesca,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Piero_della_Francesca_-_Ideal_City.jpg
est le plus intéressant sur les plans historiques, artistiques et techniques.
Il explique presque tout, même en macro avec des objets qui s'étagent de quelques décimètres à l'infini.
Donc vive le cadreur à fil, à carton découpé, à viseur Albada-de-Galilée, à tête-haute-holographique façon « avions de chasse » (disponible désormais sur certains véhicules terrestre civils de grand prix), etc...
Çà n'empêche pas que le réglage final se peufine sur le dépoli ou sur l'écran informatique de contrôle.
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