Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 24-08-2006 10:38
En paysage ou portrait posé et en noir et blanc, le 4x5 inches est il vraiment supérieur en définition avec du moyen format au top sur toute la chaine ?
Une question qui est sans doute la question qui taraude les lecteurs de galerie-photo depuis que le site et que le forum existent (forum depuis 2001, çà ne nous rajeunit pas).
Donc si c'était une question piège à laquelle on répond en trois mots, cela fait belle lurette que galerie-photo n'existerait plus ;-);-)
Si on part d'une chaîne moyen format au top, alors pour être sérieux dans la comparaison, il faut une chaîne 4x5 au top. Et puis pour discuter il faudrait déjà avoir sous les yeux, ou au moins en mémoire des tirages de haut-de-gamme. Disons qu'ayant en mémoire des tirages originaux de Saint Ansel vus à San Francisco en 1990, je me demande encore comment j'ai pu résister si longtemps à acheter une chambre pour le paysage noir et blanc !
Il y a déjà pas mal à discuter sur ce point, c'est à dire : qu'est ce- qu'une chaîne de haut-de-gamme ? L'abondance d'optiques de chambre anciennes est une tentation irrésistible pour l'amateur, mais c'est clair qu'entre un vieil angulon pas super pour le 13x18 et ce qu'on sortira avec ne serait-ce qu'un distagon Zeiss de 50 pour le 6x6 sans groupes flottants, je ne donne guère de chances au vieil angulon. Oui je sais que François Croizet a un angulon de 120 à vendre, il va râler que je lui fais de la contre-pub mais non, le vieil angulon a été vendu en un clin d'oeil, comme quoi ;-);-)
Mais si on prend ce qui se fait de mieux en grand angulaire de chambre moderne, avec un film moderne et une mise au point soignée, en paysage, tout plaide en faveur du grand format.
On a parlé des grands angulaires, mais en principe pas pour le portrait sauf exception (oui, je sais, on va me parler de Bill Brandt ;-)
Alors on va dire : portrait classique ; qui dit portrait classique dit en général longues focales, sur ce point le grand format n'apporte guère d'avantages en définition, puisque par.. définition en portrait ce n'est pas le micrométrique qui compte mais plutôt l'expression (ah ! le portrait-de-guerre-sans-cigare-et-en-grand-format de Sir Winston par Yousuf Karsh !!) l'éclairage et la gestion du flou. Autrefois le portrait était retouché donc grand format obligatoire, 18x24 chez Harcourt avant guerre, avec les peittes mains au pinceau pour retoucher la photo des vedettes. Exit la retouche manuelle, donc.... et exit le grand format chez Harcourt, nous dit l'un des photographes portraitstes qui y a travaillé.
Autre argument : au lieu de chercher le haut-de-gamme, on peut chercher le confort.
Restons en noir et blanc. Dès que j'ai commencé à tirer en amateur du 6x6 avec le Rolleiflex, j'ai cessé de tirer le 24x36.
Pourquoi ? tout simplement parce que le moyen format c'est sans souci. Un truc fait pour les laxistes ;-) En faisant à peu près on arrive en 6x6 sans forcer à du très bon, alors que d'après 24x36 il faut être très méticuleux.
À l'autre bout il y a le contact 20x25, là c'est encore plus simple, plus de souci de focalisation au tirage et d'entrée de jeu on a la netteté absolue. On peut donc objecter que tirer du 9x12 ou du 4x5 pouces à l'agrandisseur n'apporte guère d'intérêt par rapport, disons, au 6x9, on peut ressortir l'argument des films modernes à grain fin ; mais là encore la souplesse et la facilité d'emploi plaident en faveur des films comme la tri-X qui a plus de grain mais qui encaisse tant d'écarts de luminance, plutôt que les films lents à grain très fin qui sont moins tolérants à l'exposition et au développement.
Plus de format = moins de souci au tirage, c'est une autre façon de voir les choses, à mon avis elle doit compter autant pour l'amateur que la recherche du haut-de-gamme.
En tirage manuel noir et blanc, la contemplation du négatif avant tirage fait partie du jeu. C'est ce qui rend rasoir le tirage des timbres-poste 24x36, on ne voit pas ce qu'on va tirer ;-). Plus le négatif est grand plus c'est beau avant même d'avoir été tiré.
Là on n'est plus dans le technique, on se rapproche de ce que Georges Brassens chantait : sans le latin, la messe nous emm... propos d'un incroyant, mais qu'on peut transposer à ceux qui ne croient pas à la haute résolution mais qui ne peuvent pas vivre sans une activité artistique manuelle : développer, sécher, ranger, manipuler en gants de coton blanc les négatifs qu'on va tirer, voir l'image, intervenir manuellement, c'est une espèce de cérémonie, certes l'agnostique va se gausser, ricaner devant sa chaîne 100% numérique : on le laisse se débattre dans son monde virtuel.
On peut donc légitimement vouloir supprimer toutes ces manipulations par la dématérialisation de l'image sur silicium... mais plus le négatif est grand, plus cela a de l'allure, plus on a l'impresion de bosser pour quelque chose. Ah ! l'horrible souvenir des petits tirages 9x12cm sur plastifié, expédié scomme une corvée d'après 36 poses 24x36 !!
L'autre point qui plaide en faveur du 4x5po plutôt que le moyen format c'est la maîtrise des mouvements par la visée sur le dépoli. Il est assez difficile de maîtriser un réglage fin de bascules sur un dépoli 6x9, le 4x5po apporte déjà plus de confort, encore plus de format apportant évidemment encore plus de plaisir et de confort dans ce réglage manuel et visuel. Pour moi ce sont les mots-clés de l'argumentaire en dehors de la résolution.
Mais ne nous leurrons pas : on peut parfaitement dire : à quoi bon les mouvements, à part le Scheimpflug qui joue sur la netteté, le redressement de perspective peut s'effectuer sans souci par post-production informatique. Voir à ce sujet l'excellent article de Maxime Champion sur le raccordement et la correction géométrique des images dans le numéro de juillet-août du magazine « Le photographe » (N°1642, pages 74 à 78). au passage, vu la facilité avec laquelle on peut maîtriser les rendus de perspective par traitement numérique, ceux qui persistent avec des tours penchées n'ont vraiment plus aucune excuse ;-)
Un autre argument pour ceux qui ne veulent plus de la photochime et de la chambre noire, soutenu par Henri Peyre et galerie-photo et qui à mon avis n'a rien perdu de sa force, car l'amélioration de la performance des scanners à plat est assez lente, alors que la chute du prix des scanners moyen format professionnels se fait toujrous attendre, par numérisation d'un 4pox5po avec un scanner à plat, vous obtenez au moins aussi bien sinon mieux que d'après un 6x6 scanné avec du haut de gamme.
Cet argument est décisif pour les amateurs qui veulent faire eux-mêmes leurs tirages noir et blanc par numérisation et jet d'encre. Les encres et procédés de tirage ont fait des progrès remarquables, sans être bon marché on peut vraiment se poser la question d'abandonner la chambre noire, mais pour le beau tirage, le budget par scan à partir de 6x6 reste dissuasif si on cherche le haut-de-gamme, surtout lorsquon est déjà équipé d'un bon agrandisseur et d'un bon 6 lentilles de 80 pour le tirage !! Alors que le scan d'un 4x5 pouces sur scanner à plat de prix abordable permet de faire sans doute mieux sans trop de problèmes.
Voilà en quelques mots des arguments un peu différents de ceux de la résolution pure.
Pour parler de résolution pure le mieux est encore d'être devant un grand tirage fait d'après un grand format. Ou être devant une image faite par contact en 13x18 ou en 20x25.
Imaginez sur un tirage que chaque portion 10x15 cm de l'image de 1 mètre par 1,5 mètre soit aussi nette qu'un 10x15 fait d'après un très bon appareil de petit format, vous aurez une idée virtuelle de ce qu'on peut faire avec le grand format.
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