Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 16-09-2005 10:02
La question de savoir pourquoi il y a deux séries d'optiques à 5-6 lentilles sur les flex-bi, les planar/xenotar 3,5 de 75 et les 2,8 de 80 est pour moi mystérieuse.
Qu'il y ait deux fournisseurs indépendants pour les optiques me semble clair.
Avant la deuxième guerre mondiale, Jos. Schneider-Kreuznach est une petit entreprise par rapport au géant Carl Zeiss, sa réputation doit se bâtir et c'est dur de rivaliser avec le premier de la classe. La partition de Zeiss après la guerre doit sans doute faire craindre à Rollei, resté en zône alliée de l'ouest, que la fourniture des optiques Zeiss soit interrompue, Schneider resté aussi à l'ouest commence donc à fournir des xenars en 1945. Par la suite la fourniture Zeiss a continué sans problème, mais du coup Schneider avait mis un pied dans la porte de la Salzdahlumer Straße, et le défi de sortir un 2,8-80 nouveau en même temps que Zeiss devait être un excellent aiguillon à Bad-Kreuznach. On a peine à imaginer aujourd'hui cette situation de fourniture d'optiques non interchangables, de série, issues de deux maisons d'optique concurrentes qui sont indépendantes de celle qui fabrique le boîtier ; de plus, tout cela soit énoncé sans cachotterie... et pourtant les actuels partenariats fructueux entre Carl Zeiss et Sony, puis entre Carl Zeiss et Nokia, montrent qu'au-delà de l'image très forte de Carl Zeiss pour valoriser le produit, l'idée que chacun a son métier au premier niveau mondial, entre l'électronicien et l'opticien, n'a rien perdu de son actualité... du moins chez les responsables marketing ;-);-)
Historiquement le premier 2,8 de 80 des flex-bi est le tessar du 2,8A à 4 lentilles qui équipait certains Ikonta dès l'avant guerre, puis il y a eu une série avec biometar Zeiss pour le 2,8B au début des années 50. Tout de suite après, Schneider propose vers 1952 le xenotar 2,8 de 80 à 5 lentilles pour le Rolleiflex 2,8C, suivi enfin par le Zeiss Planar 2,8 de 80 à 5 lentilles. En parallèle est toujours proposé le tessar 3,5 de 75 jusqu'au dernier avatar de l'Automat de 1937, le 3,5B (appelé MX-EVS en Amérique du Nord) arrêté en 1955-1956 pour céder la place au modèle 3,5E avec planar ou xenotar 3,5 de 75 à 5 lentilles puis 6 lentilles. Pour mémoire, de 1945 à son arrêt de fabrication en 1971 le Rolleicord « du peuple » a toujours été équipé d'un xenar, il y a peut-être quelques rares modèles avec un tessar mais c'est affaire d'exégètes ;-);-)
Qu'un modèle tessar soit maintenu pour les 'flex à manivelle afin d'être un peu moins cher semblait logique, mais c'est en fait l'arrêt de l'Ikoflex de chez Zeiss Ikon qui pousse le Père Heidecke à lancer le modèle T en 1957 pour combler un trou dans la gamme entre le 'cord et le 'flex. Le T est simplifié mécaniquement par rapport au flex classique à molettes, mais le tessar du T est recalculé pour l'occasion vers 1956, c'est sans doute le meilleur tessar 3,5 de 75 jamais fabriqué.
Donc on ne comprend pas pourquoi il y a eu des modèles planar xenotar ouvrant à 3,5...
Restent des conjectures que je vous livre pour ce qu'elles sont, c'est à dire parfaitement critiquables. Peut-être Rollei a-t-il absolument voulu conserver des modèles 3,5-75 meilleurs que le tessar parce l'affaire des quelques tessars défecteux du 2,8A avait laissé des traces « anti-2,8-80 » chez les clients habitués à leur excellent tessar 3,5-75 d'avant guerre ?
Une autre hypothèse vient du fait que les 3,5 de 75 utilisent un synchro-compur 00 qui à l'époque est très répandu sur les appareils d'amateur 24x36, alors que les 2,8 de 80 demandent le synchro-compur 0 qui n'équipe, c'est une supposition de ma part, au début des années 50 que les optiques de chambre, et qui est sans doute produit en plus petites quantités. Ce même obturateur synchro-compur N°0 de chez Deckel à Münich sera à la base des optiques Hasselblad C à partir de 1956 (début de fabication des optiques planar hasselblad) et 1957 (introduction du 500 C). Donc peut-être le syncho-compur 00 est-il nettement moins cher que le 0... je ne vois pas d'autre raison pour l'instant mais on peut en imaginer d'autres.
Une chose est sûre, et il faut le répéter à l'envi, à l'exception d'une toute petite série de 2,8 A tessar 2,8 80 défectueuse qui dû être rappelée, toutes les optiques des flex-bi étaient testées une par une à la réception chez Rollei, il n'y a pas de mauvaise optique. Gérard Métrot nous dit que si le verre n'est pas moisi ou abîmé, avant de blâmer l'objectif de quoi que ce soit il faut que la platine avant et les coulisses soit repassées « au marbre » et que tout soit d'équerre. Et sur un flex-bi 2,8 on peut toujours remonter un planar 2,8 de 80 moderne si le boîtier est en bon état.
Donc j'avoue ne plus m'intéresser tellement à comparer les différentes optiques du flex-bi entre elles, on sait que les tessars/xenars sont à peine moins bons que les planar/xenotar, à part cela si c'est pour scanner à 10 microns de pixel... vous ne verrez jamais la différence.
En ce qui concerne les différences de rendu, les choses sont subtiles, l'oeil des photographes exercés est aussi affûté que l'oreille des musiciens professionnels, donc je suis bien persuadé qu'il y a des différences qui échappent à un oeil ordinaire ou à toute métrologie pointilleuse.
Pour ce qui est des performances en tests sur mires, l'article de référence de Chris Perez me semble intéressant car C.P. n'avait jamais eu aucun intérêt pour les flex-bi ; s'il a souhaité comparer des optiques flex-bi des années 50 avec des optiques blad et mamiya 7 c'était par curiosité, et il fut plutôt étonné en bien du résultat dont sont capables les optiques du flex-bi des années 50, sur un appareil bien ré-aligné.
http://www.hevanet.com/cperez/test/fourcameras.html
http://digistar.com/rollei/2004-01/3027.html planar 2,8 et xenotar 3,5 à 96 pl/mm !!!!
Concernant le verre de visée, je pense que le changement est très notable par rapport aux modèles d'avant 1957 qui étaient très sombres ; le changement un peu moins spectaculaire pour les modèles des années 60, mais il y a un gain visible tout de même. Je n'ai pas changé celui de mon modèle T qui est équipé du même verre que les 3,5F et 2,8F, j'ai en revanche fait changer celui d'un Rolleicord Vb (il était très griffé, suite à des nettoyages malheureux par les propriétaires précédents) qui est exactement le même que celui du T ; du coup j'ai un point de comparaison facile.
Par rapport au verre de visée du T/3,5F/2,8F, le verre que Gérard Métrot installe, identique dans son principe à celui des derniers 600x, on gagne en luminosité sans perdre en précision de mise au point, mais ceux qui n'aiment pas les cernes des lentilles de Fresnel vont trouver que sur le verre récent ils sont trop gros par rapport à ceux du verre des années 60, où ils sont très fins et un peu dépolis !! Blague à part, on atteint avec ce verre Rollei 600x le maximum qu'on puisse faire dans le compromis entre la luminosité et la facilité à apprécier le point. J'ai toujours aimé les demi-lunes du télémètre à prismes croisés (mais dès le biberon, sur le contaflex paternel, c'était comme cela, donc on difficile de remettre cela en cause !!) je reste en pays de connaissance, cela marche très bien.
Pour ce qui est de la question : faut-il changer ou pas, si c'est un 'flex d'avant 1957, on peut le faire sans se poser de question en parallèle avec une grande révision, si c'est un flex ou un cord d'après 1957, si le verre n'est pas trop rayé, rien ne presse de faire ce changement si ce n'est la pression des copains avec des blads modernes ou des 600x ;-);-)
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