Auteur: François L
Date: 04-09-2005 11:48
Voici le document promis sur le paier salé.
Amicalement
François L
PAPIER SALÉ
François LETERRIER (septembre 2005)
RAPPEL HISTORIQUE
L'acquisition d'images sur papier et leur stabilisation a été obtenue pour la première fois par Talbot en Angleterre. La date exacte ne semble pas connue avec précision (à un an près) car Talbot ne fait allusion à sa première réussite que dans une correspondance associée à la prise de son brevet en 1839. Ce serait le plus probablement en 1834. Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il ait réussi à fixer ces premières images. Certains disent que cette découverte aurait eu lieu pendant sa lune de miel…
C'est l'aboutissement de plusieurs siècles d'observations et de tentatives restées infructueuses pour fixer des images obtenues par l'emploi de sels d'argent. On connaissait depuis longtemps le noircissement du nitrate et du chlorure d'argent à la lumière. Ce dernier était appelé "lune cornée". Il a été longtemps utilisé pour noircir les cheveux et les barbes grisonnantes.
On pense que le physicien français Jacques Charles réussit à obtenir vers 1780 des portraits "à la silhouette" sur du papier imprégné d'un sel d'argent. Ce procédé a été pratiqué et décrit par l'Anglais Thomas Wedgwood en 1802. Mais aucun de ces précurseurs n'a réussi à les fixer.
Un certain Wattles vivant dans l'Indiana aux Etats-Unis réussit à obtenir des images à la "camera oscura" en 1828 avec un papier au chlorure d'argent (peut-être avec aussi de l'iodure). Il réussit une fixation au moins partielle par l'emploi d'une solution concentrée de soude. Il s'agit peut-être tout simplement de chlorure de sodium, l'interprétation des termes de chimie utilisés à cette époque pouvant être sujette à caution. (Cf Snelling 1849).
Il est indispensable de rappeler la découverte faite par le chimiste anglais Sir John Herschel en 1819 de la solubilisation des sels d'argent par l'hyposulfite de soude. Mais il n'a publié cette découverte qu'en 1839.
Cette année 1839 est décidément l'année essentielle dans l'histoire de la photographie. Daguerre et Arago font don à l'humanité de la découverte du daguerréotype, dont l'usage se répandit très rapidement.
C'est la même année que Fox Talbot, en Angleterre, prit un brevet pour l'emploi du procédé "calotype" du grec (calos, beau et typein : reproduire) procédé négatif sur papier à l'iodure d'argent, dont les tirages se faisaient sur papier salé.
Ce procédé mit du temps à s'imposer. Il y a à cela deux raisons principales. La première, pratique, est que Talbot faisait payer cher le droit d'utiliser son procédé. La seconde, plus subjective, est qu'il paraissait compliqué de passer par l'étape d'un négatif. Il semblait plus naturel d'obtenir directement un positif. A la lecture des anciens traités, on constate que beaucoup d'inventeurs se sont ingéniés à obtenir directement des positifs avec le papier aux sels d'argent.
Dès 1839, Hippolyte Bayard publie un tel procédé. Le papier "salé", au chlorure d'argent est noirci au soleil puis imprégné d'iodure de potassium avant d'être à nouveau exposé.
C'est aussi en 1839, que Mungo Ponton découvre la sensibilité à la lumière d'un papier imprégné de bichromate de potassium, mais cela nous entraînerait vers une longue digression.
A partir de 1847, grâce à Blanquart-Evrard à Lille, le calotype et le papier salé deviennent d'utilisation courante. On lui doit en effet l'idée de cirer le papier de prise de vue, ce qui augmentait sa sensibilité à la lumière et, le rendant presque transparent, accroissait considérablement la qualité des tirages positifs. C'est à partir de cette date que l'art photographique prit son essor avec Blanquart-Evrard lui-même, Le Gray, Humbert de Molard, Hippolyte Bayard, Maxime du Camp, Le Secq, pour ne citer, avec un certain chauvinisme, que des Français…
Très rapidement d'autres perfectionnements apparurent, le papier albuminé tout d'abord (1847 Blanquart-Evrard), assurant la finesse des détails, puis le papier gélatiné. Le collodion (1849, Le Gray) puis bien plus tard la gélatine (Maddox 1872) permirent d'effectuer des instantanés et le papier salé fut supplanté par le papier au charbon (Fargier 1860) puis par les papiers gélatinés, d'un emploi plus facile et plus régulier. Le tirage des épreuves positives sur papier salé est donc tombé en désuétude depuis bien longtemps. Il est pourtant d'une grande simplicité. Mais de beaux résultats ne peuvent être obtenus qu'à la suite d'un virage avec un métal précieux en particulier l'or, ce qui rend ce procédé relativement coûteux. Certes, les procédés au platine ou au palladium sont au moins aussi onéreux, mais les résultats obtenus quant à la gamme des valeurs et à la profondeur des noirs sont supérieurs à ceux du papier salé.
Il serait peut-être intéressant de reprendre quelques expériences pour améliorer ce procédé à condition de ne pas en augmenter trop la complexité.
Bibliographie :
E. de VALICOURT : Nouveau manuel complet de photographie sur métal, sur papier et sur verre. Paris 1862. Fac-similé publié chez Léonce Laget en 1977.
Y. CHRIST et M. BOVIS : 150 ans de photographie française avec l'histoire des anciens procédés. Publications Photo-revue 1978.
H. H. SNELLING : History and Practice of the Art of Photography publié par G.P. Putnam à New York en 1849. (fac similé disponible sur internet)
EN PRATIQUE :
Il existe de très nombreuses recettes. J'ai suivi de près celle de Wynn White (on trouve son document en interrogeant Google soit à son nom soit à salt paper, je n'ai pas noté l'adresse du site).
1ère étape : imprégnation du papier au pinceau avec une solution de sel de table (iodé) à 2 grammes pour 100 ml d'eau distillée. Séchage immédiat au sèche cheveux à chaud.
2ème étape : Imprégnation au pinceau (un autre ou le précédent soigneusement rincé à l'eau distillée) de cette feuille salée avec une solution de nitrate d'argent (12 g) et d'acide citrique (6 g) dans 100 ml d'eau distillée. L'imprégnation doit être rapide et régulière, ce n'est pas difficile. Séchage immédiat comme ci-dessus.
Cela se fait à la lumière d'une lampe à incandescence de 40 w à 1 mètre environ. Le chlorure d'argent formé n'est sensible qu'aux ultraviolets.
3e étape : Exposition du négatif par contact. La source de lumière est soit une lampe à UV de type lampe à bronzer ou tout autre lampe professionnelle plus puissante, soit une boîte à lumière à tubes fluorescents UV (du type de celles utilisées pour fabriquer des circuits imprimés), soit le soleil. Elle est environ le double de celle pratiquée avec les procédés aux sels de fer. Si on utilise un chassis-presse à volet mobile, on peut suivre la venue de l'image. Il faut qu'elle paraisse plus sombre que ce que l'on souhaite, car elle va s'éclaircir pendant le traitement. Elle est à cette étape d'un brun rouge superbe. Mais il faut la fixer, sinon elle noircirait complètement à la lumière du jour.
4ème étape : traitement :
4-1 : lavage : à l'eau courante pendant au moins cinq minute en agitant. L'eau est initialement laiteuse, car le reste de nitrate d'argent soluble qui part du papier réagit avec les traces d'ions chlore de l'eau du robinet. Il est sans doute préférable d'utiliser, au moins pour le premier rinçage, de l'eau déminéralisée.
4-2 : fixage : il faut enlever le chlorure d'argent qui n'a pas réagi avec la lumière dans un bain à 10 % d'hyposulfite de sodium (100 grammes par litre, auquel on ajoute 2 grammes de bicarbonate de sodium) . Ce fixage dure environ cinq minutes en agitant de temps en temps).
4-3 : passage dans un bain de clarification, par exemple acide citrique à 2% (une ou deux minutes
4-4 : lavage abondant à l'eau : c'est l'étape la plus importante pour assurer une bonne stabilité. Ce lavage doit durer environ une heure, le mieux est de renouveler l'eau de la cuvette 6 fois (10 mn chaque fois).
A ce stade l'image est pâlotte et assez décevante.
4-5 : virage : le meilleur est le virage à l'or. Celui vendu par Téténal convient très bien. La durée dépend de l'âge du bain. C'est de l'ordre de une à trois minutes. L'épreuve se renforce et acquiert sa beauté finale. Il est suivi d'un court rinçage et l'épreuve est mise à sécher (comme un mouchoir).
Il existe d'autres virages (platine, palladium), je ne les ai pas pratiqués, ils donnent en principe des tons chauds.
Le négatif doit avoir une large gamme des densités (de 0 à 1,4 au moins, comme pour le platine).
Si le contraste est trop faible, on l'augmente en ajoutant du dichromate de potassium à la solution de sel, par exemple 0,2 ml d'une solution de dichromate à 2 % dans 3,8 ml de solution salée. On peut augmenter cette dose (par exemple 0,4 ml pour 3,6 ml de solution finale), la durée d'exposition s'allonge.
Certains diront que je n'ai pas parlé de la préparation du papier.
Avec le Bergger Cot, elle est inutile, cela simplifie considérablement le travail car le gélatinage est une opération très fastidieuse.
J'ai utilisé aussi du papier Fabriano 300 g d'une très belle texture. Mais avec ce papier, les solutions pénètrent profondément, ce qui provoque des irrégularités.
J'ai ajouté 10 % de blanc d'œuf frais à la solution de chlorure de sodium. La feuille a été séchée à plat au four électrique (celui qui permet de cuire les rôtis) à 100 °C pendant 10 minutes. Le nitrate d'argent a été badigeonné ensuite puis séchage au sèche cheveux et la suite comme ci-dessus. L'imprégnation est très régulière.
C'est un très bon procédé qui ne nécessite aucun produit difficile à se procurer et qui donne de beaux effets, différents de ceux des procédés fer-argent ou fer-platine ou palladium. La gamme des demi teintes est très riche.
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