Auteur: Emanuel Bigler
Date: 26-05-2005 23:42
Toai
Ce qui ne va pas dans le modèle académique que vous avez trouvé c'est qu'il suppose un prisme infiniment mince mais d'indice très élevé de façon que la déviation du prisme égale au produit D = (n-1)A soit la même que celle d'un prisme du monde réel. Le prisme est modélisé par une surface plane très curieuse qui a comme propriété de pencher les rayons qui la traversent d'un angle constant tout en étant d'épaisseur infiniment fine.
L'éminent collègue qui a rédigé la solution de l'exercice sus-mentionné tombe dans le piège du tracé de rayons alors qu'il ne faut surtout pas raisonner en termes de rayons ; comme d'habitude il faut raisonner en termes d'enchaînement de la position des images paraxiales sans tracer aucun rayon.
Le prisme se compose d'un premier dioptre plan, incliné, et d'un deuxième dioptre plan dont la normale coïncide avec l'axe de notre système centré.
Mais comme les angles sont faibles, les constructions d'images géométriques paraxiales sont valables. Le premier dioptre incliné va transformer l'image B (issue de l'appareil et qui tombe où elle peut, disons pour simplifier qu'elle tombe sur l'axe optique à 5 mm près sur un verre de Rolleiflex) en une image paraxiale intermédaire B'.
Image B' dont on trouve la position par la relation du dioptre plan dans l'approximation de Gauss : H_1B' = n H_1B si H_1 est le point du dioptre obtenu en abaissant la perpendiculaire au dioptre incliné depuis le point B ; n est l'indice du prisme (on rentre depuis l'air, indice unité). Comme ce dioptre est incliné, l'image B' est décalée vers le haut ou vers le bas par rapport à l'axe optique d'une quantité qui s'avère être comme par hasard : A .(n-1) . H_1B = D . H_1B (petit schéma facile à tracer). Ensuite cette image intermédiaire B' est reprise par la face de sortie du prisme et elle donne finalement une image B" dont on ne sait par bien où elle tombe mais il n'y a pas de décalage latéral supplémentaire puisque le dioptre plan de sortie est perpendiculaire à l'axe du système. On pourrait calculer le décalage longitudinal mais on s'en moque, le but étant de démontrer qu'il faut placer la croisée des prismes sur le plan du dépoli comme dans tous les schémas des bons vieux livres de photo d'autrefois.
Si l'image B, sur l'axe optique, tombe sur la face d'entrée du prisme, l'image intermédiaire B' est confondue avec B. Donc l'image finale B" n'est pas décalée latéralement par rapport à ce qu'on aurait si on avait une lame à faces parallèles, dépolie à l'entrée. Que le verre soit dépoli ou pas, toutes les images de sortie des points de la face d'entrée du dépoli sont décalées le long de l'axe, de la fameuse quantité e(1-1/n) où e est l'épaisseur du dépoli mais on s'en moque en général, le dépoli est là simplement pour forcer la matérialistion de l'image sur un plan visible.
Donc il faut régler le bi-prisme de façon que la croisée des deux côtés soit au niveau du plan du dépoli, l'épaisseur ultérieure du dépoli ou des prismes n'importe plus du tout pour ce décalage latéral. On pourrait imaginer un télémètre à prismes croisés dont les faces seraient parallèles en entrée et les faces de sortie croisées, mais il y aurait un calcul d'épaisseur à faire en fonction de l'indice. Là c'est simple il suffit d'affleurer la croisée des prismes avec le plan du dépoli.
On démontre au passage que le télémètre à prismes croisés ne fonctionnerait en théorie que si la ligne (dont on combat la brisure d'image en agissant sur la rampe de mise au point) passe par le centre des deux demi-lunes, et qu'en ce point la croisée des prismes est au niveau du plan dépoli. En pratique... si la ligne brisée ne passe pas tout à fait par le centre... eh bien cela marche tout de même à cause de la tolérance visuelle. Les demi-lunes de mon verre rolleiflex font à peine plus plus de 5mm de diamètre, l'angle des prismes est de l'ordre de 7 à 8° (estimation basée sur les formules de déviation pour D=1/10-ième de radian et n=1,4) donc en gros 1/8-ième radian chacun, 0,25 radian pour l'angle relatif, disons à 2 mm du centre l'écart entre les surfaces des deux prismes est de 1/2 mm. Donc l'écart latéral du dédoublement d'image dû au dépointage longitudinal en est le dixième soit 50 microns.
En prenant un critère de netteté déjà très sévère pour le 24x36, soit un extravagant 20 microns de cercle de confusion, la profondeur de foyer à f/8 sera de l'ordre de +-160 microns. Donc les 50 microns d'erreur dûs au fait que la ligne brisée ne passe pas au centre des demi-lunes est, sinon négligeable, du moins de faible importance, mais on doit pouvoir observer ce phénomène puisque l'oeil est sensible à travers une loupe 2,5X à des lignes brisés sur 15 microns d'écart.
Taoi, vous pouvez donc dormir et partir ce dimanche faire des photos l'esprit libre, surtout ne restez pas à "bûcher" un exercice académique. Mais n'oubliez pas la leçon l'oncle Gauss : si les formules paraxiales s'appliquent, toujours tracer l'enchaînement des images paraxiales, ne jamais tracer les rayons ;-);-)
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