Auteur: Marc Genevrier
Date: 18-05-2005 09:18
Elias,
On peut naturellement parler de régionalisme, mais je crois qu’il faut essayer de comprendre les amertumes des habitants des « régions ». Je suis un petit provincial, mais je n’aime pas tellement les petits musées de province, même si je comprend la poésie qu’y trouve Henri. Ces petits musées me remplissent plutôt d’une certaine amertume, l’impression d’être un laissé pour compte de la politique culturelle nationale, et nourrissent chez moi une certaine rancœur à l’égard du centralisme parisien.
J’ai grandi à Saint-Etienne, je vis aujourd’hui à Nîmes, dans les deux cas c’est le désert culturel. Dans les deux cas, la décentralisation a apporté un musée d’art moderne qui jouit d’une très bonne réputation, mais qui s’adresse plus aux visiteurs de la ville qu’à ses habitants, qui sert plus l’image de la ville vers l’extérieur que sa vie à l’intérieur. Sans doute parce que l’art contemporain n’est pas toujours facile d’accès (avis personnel), surtout si l’on n’a pas pris le soin de former ou d’intéresser un peu les gens. On a mis la charrue avant les bœufs, en somme, car en dehors de ces institutions, il n’y a rien qui puisse éduquer les gens à la peinture classique ou historique, les amener progressivement à s’intéresser aux œuvres modernes, les aider à « entrer dedans ». Il n’y a à Nîmes et Saint-Etienne aucun lieu où l’on puisse voir une peinture italienne, hollandaise ou autre. Bon, c’est un point de vue contestable, j’en ai conscience, mais j’ai l’impression que connaître un peu les anciens aide tout de même à apprécier les modernes. Bref… Par ailleurs, la politique de ces institutions contribue également à cette orientation plutôt vers l’extérieur que vers l’intérieur, et les locaux ont parfois l’impression d’un truc parachuté pour faire chic ou se donner bonne conscience. J’exagère à peine…
Entre-temps, j’ai vécu quelques années à Lyon (pas vraiment un trou, vous en conviendrez). J’y ai eu un plaisir fou à traîner dans les salles du Palais Saint-Pierre, mais à chaque fois, je ne pouvais pas m’empêcher non plus de ressentir une sorte d’amertume car, malgré mon plaisir, je voyais bien que les toiles qu’on me présentait étaient pour la plupart celles de « petits maîtres », des « œuvres mineures » (je sais bien qu’il y a des exceptions à cela, et dans d’autres musées de province, mais ce sont justement des exceptions). Je pensais aux immenses couloirs du Louvre avec tous ces chefs-d’œuvre alignés en un nombre tel que personne ne peut en profiter réellement en une visite (je crois aussi à la fatigue du regard), et j’imaginais encore les richesses qu’il devait y avoir dans les greniers du Louvre et qui ne seraient jamais montrés à personne. L’agglomération lyonnaise, c’est environ 1/10 de l’agglomération parisienne en termes de population. Mais en termes de nombre d’œuvres et de richesse de ces œuvres ? Et que dire de Saint-Etienne et Nîmes ?... Eh oui, nous sommes parfois amers et jaloux, parce qu’il nous faudra faire des centaines de kilomètres pour montrer des primitifs flamands à nos enfants. Et parce que, faute de disposer de ce genre d’œuvres (les meilleures ont toujours été confisquées pour partir au Louvre…), les musées des Beaux-Arts locaux n’ont alors pas d’autre alternative que présenter des œuvres et des artistes régionaux et souvent mineurs. Dès lors, le régionalisme est plutôt subi par le public, et je suis amer de penser qu’on ne me croît pas digne d’œuvres de meilleure qualité.
Faute de grives, on mange des merles… Nous nous replions en conséquence sur ce qui nous reste, comme le petit musée d’histoire naturelle de Nîmes et ses vitrines poussiéreuses…
Marc
|
|