forum galerie-photo
galerie-photo, le Site Français de la Photographie Haute Résolution

 La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: robert colognoli 
Date:   29-04-2005 11:12

Merci à tous ceux qui ont apporté un commentaire le mois dernier.
Ce mois-ci, encore Jean Baudrillard!... et deux auteurs non moins prestigieux!

Jean Baudrillard.
Le Pacte de lucidité ou l’intelligence du mal.
Editions Galilée – 2004.
ISBN 2-7186-0649-5
« Faire d’un objet une image, c’est lui ôter toutes ses dimensions une à une: le poids, le relief, le parfum, la profondeur, le temps, la continuité et bien sur, le sens. C’est au prix de cette désincarnation que l’image prend cette puissance de fascination, qu’elle devient médium de l’objectalité pure, qu’elle devient transparente à une forme de séduction plus subtile.
Pour concevoir une image à l’état pur, il faut en revenir à une évidence radicale : c’est qu’elle est un univers à deux dimensions qui a son entière perfection en lui-même et n’est inférieur en rien à celui du réel et de la représentation, univers à trois dimensions, dont il serait la phase inachevée.
C’est un univers parallèle, une autre scène sans profondeur et c’est cette dimension de moins qui fait son charme et son génie propres.
Tout ce qui ajoute à l’image une troisième dimension, que ce soit celle du relief, celle du temps et de l’histoire, du son et du mouvement, ou celle de l’idée et de la signification, tout ce qui s’ajoute à l’image pour la rapprocher du réel et de la représentation, est une violence qui la détruit comme univers parallèle.
Chaque dimension supplémentaire annule les précédentes.
Il faut donc soustraire, toujours soustraire pour retrouver l’image à l’état pur.»



Vilém Flusser.
Pour une philosophie de la photographie.
Traduit de l’Allemand par Jean Mouchard.
Circé – mars 2004.
ISBN : 2-84242-171-X
« Les images sont des surfaces signifiantes. La plupart du temps, elles indiquent quelque chose qui se situe dans l’espace temps « au dehors », et qu’en leur qualité d’abstractions (de réduction des quatre dimensions de l’espace-temps en deux dimensions de la surface) elles sont censées nous rendre représentable. »

Henri Peyre
Citation reprise dans un récent fil du Forum, un peu plus bas - « où va la photo? » -
« ach, le réel :
Moi j'ai l'impression qu'il est spatialement en 3 dimensions, avec des odeurs, du temps qui passe, qu'il y a des objets très lourds et d'autres très légers ou mous, qu'il y a un drôle de rapport de liberté avec lui, du fait que je peux m'y mouvoir.
Non vraiment, ce n'est pas vraiment évident de parler du réel avec quelque chose qui fait dans la 2D, sans odeur, avec un temps arrêté, avec des objets qui pèsent tous la même chose, et un espace cadré.
Franchement je ne sais pas comment font les photographes pour y arriver ;-)»


Est-ce que les dimensions qui ont été retirées lors de la création de l’image ne sont pas réintroduites par le spectateur, lors de la lecture, par l’intermédiaire du filtre qui correspond à la sensibilité de chacun?
Les participants à la discussion récente sur le fil « des atavismes… architecture, photographie et perspective », ont sûrement des choses à dire en ce qui concerne la représentation en deux dimensions des ouvrages architecturaux ?
RC.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: wakabayashi 
Date:   29-04-2005 11:37

Amen !


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Jean Saint Jalmes 
Date:   29-04-2005 15:47

Soustraire et épurer. C'est une démarche qui me semble évidente lorsque je tente d'analyser les photos qui me plaisent spontanément.

Les photos qui retiennent immédiatement mon attention sont le plus souvent sobres et dépouilées. Cette simplicité apparente isole le sujet et permet à l'idée de jaillir du cadre.

Peut être sommes nous incapables de vivre plusieurs émotions à la fois. La mise à plat d'un univers aux multiples dimensions et l'isolement d'un sujet d'ordinaire appréhendé dans sa globalité donnent à l'image toute sa force et sa puissance évocatrice.

Jean


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   29-04-2005 15:54

Ils ne parlent pas du contenu des photos (celle-ci est épurée ou pas), ils s'interrogent sur le statut de l'image en tant que telle en comparaison du réel...

Ils s'interrogent sur ce qu'elle perd et ce qu'elle gagne par rapport à lui.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Jean Saint Jalmes 
Date:   29-04-2005 16:05

C'est quoi une image .... sans contenu ?

Jean


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   29-04-2005 16:20

Il n'est pas question de dire que l'image n'a pas de contenu...!!!???

C'est plutôt s'interroger selon quelle forme ce contenu est possible.

Des contenus, il y en a une diversité et une possibilité incommensurable...


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   30-04-2005 18:44

Oulala, Robert, vraiment tu cites des génies ! ;-)

Sans rire, c'est très intéressant l'acceptation par les photographes, une fois pour toutes, qu'ils ne s'occupent pas de la réalité mais qu'ils oeuvrent dans un monde parallèle.
Autrement dit on ne progresse en photographie que lorsqu'on a accepté l'idée que la photographie est un champ d'équivalence, comme les autres arts. La liberté qu'on y prend, l'efficacité qu'on y gagne, passent forcément par la compréhension qu'on est dans ce champ d'équivalence. En tant que photographe, on doit concentrer ainsi le tir sur l'assouplissement des équivalences, sur le jeu des significations, des suggestions. Pas sur cette question de savoir si le réel a été "capté" ou pas. Il ne peut pas l'être.

Par contre, en retour, le fait de développer les possibilités d'interprétation en nous au travers, par exemple, du champ de la photographie, vient enrichir le regard des possibles que nous promenons sur le monde. Et le monde s'en trouve plus profond et devient intéressant.
Autrement dit l'excellence du rapport photographique au monde n'est pas dans la prédation mais dans le déblocage des équivalences. Comme toute discipline la photographie constitue un monde parrallèle à possibilités réduites. Y devenir un bon gymnaste assouplit par imitation nos capacités d'enrichir le monde réel !


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Pierre MOVILA 
Date:   30-04-2005 19:08

Ce que je trouve interessant dans cette approche, c'est d'affirmer que la photo ne témoigne pas d'une réalité précise, ni même qu'elle nous transmet une expérience, et évidemment encore moins un sentiment vécu, mais qu'elle a cette capacité à évoquer une idée ou une sensation tout autre, une métaphore en quelque sorte. C'est une pure fiction, comme le cinéma et le théatre. Et donc une création qui stimule l'imagination, ce qui suppose un auteur. Et cela est vrai aussi bien pour le portrait, le paysage, et même le reportage. Tout est fictionnel, mais curieusement cette fiction constitue une réalité finalement bien plus juste, un témoignage bien plus fidèle qu'une simple reproduction réductrice du réel.

concrètement, par exmple, je trouve que les images des Becher sont fictionnelles (on n'est pas devant un reportage), mais pourtant ces images en disent bien plus sur notre époque industrielle que bien des images qui se veulent objectives.

Pierre


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   01-05-2005 16:00

Bien d'accord, et surtout à cause de l'enrichissement du regard qu'on porte sur le réel, aguerri par la photo. On se rend compte à ce moment que le réel a changé. Il est devenu plus riche parce qu'on y promène soit-même un regard plus riche. On se rend compte alors que la photo fait le réel au moins autant que le réel l'a faite !


 
 Khe San - Colline 881 - 1967
Auteur: J-L Salvignol 
Date:   01-05-2005 16:12

Bonjour !

Catherine Leroy :

http://www.pieceuniquegallery.com/leroy/CL6707_page.html

Est-ce bien une photographie ?

JLS


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: caro 
Date:   01-05-2005 17:03

une autre vision
On rentre dans un lieu réel, on le ressent et on le modifie ( par exemple en l'accessoirisant....)
On modifie alors le réel et on obtient une autre réalité aux couleurs de l'auteur.

Mais en quoi la photo fait-elle le réel?

bonne aprés-midi
Caro


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: guillaume p 
Date:   01-05-2005 19:14

Enfin on reconnait à la photographie la capacité à inventer le réel ! Ce n'est pas le réel qui fait la photographie, mais bien l'inverse. Par le fait de produire de nouvelles visibilités, de rendre visible, la photographie invente le réel (au sens de découverte de…). Si le discours de l'empreinte, de la trace, fait encore de nombreux émules, l'image analogico-numérique met fin au régime de vérité instauré par l'image comme empreinte du réel (cf le nouvel ouvrage de André Rouilllé - La photographie, entre document et art contemporain, folio Essais - excellent ouvrage que je recommande à ceux qui veulent en finir avec l'idée d'une photographie soumise au réel…).

Je reviens un peu plus tard sur la question initiale…


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Pierre MOVILA 
Date:   02-05-2005 09:22

Pour répondre à JLS :

Eh bien c'est évidemment une photo. Et c'est une fiction comme toutes les autres :
- je ne connais pas le lieu, ça aurait pu être photographié dans un lotissement en travaux de Courbevoie...
- aucune notion de temps (si la légende disait juin 1944 je l'aurai cru quand même)
- je ne connais pas la personne, ni son état (morte, blessée, endormie ?)

L'auteur a choisi une composition particulière, un point de vue plongeant qui dramatise, il a inclus et écarté certains éléments, et, surement, bénéficié du hasard par certains aspects.

Et pourtant cette image m'évoque les horreurs de la guerre, la souffrance etc... C'est une histoire racontée en image. Une fiction (une manipulation diront certains, une interprétation diront d'autres) qui résume tout un continum d'expériences vécues sur place et oriente mon attention vers des concepts qui me laissent imaginer ce qu'est la guerre. Et en ce sens, si la photo est réussie, elle atteint son but puisqu'elle évoque précisément ce qui s'est passé là-bas, d'une manière générale et forte. Elle me permet de forger mon opinion. Elle m'incline à la compassion, elle rend compte de choses qui dépassent le lieu et le temps.

Cette approche de la photo, et de tous les arts de la représentation, que l'on peut contester, a au moins cet avantage d'être plus lucide qu'une simple analyse esthétique.

Pierre


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola D 
Date:   02-05-2005 16:00

" On se rend compte à ce moment que le réel a changé. Il est devenu plus riche parce qu'on y promène soit-même un regard plus riche "

Henri,

Ce n'est pas le réel qui a changé, c'est sa représentation en nous, ou encore la réalité du lien qui nous unit à lui via la perception visuelle...

Le réel n'est pas conditionné par notre regard, il existe en dehors de lui.

OU je vous vous ai mal compris !?


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: guillaume p 
Date:   02-05-2005 18:38

Nicola,
est-ce que le fait de donner à voir des choses sous un nouveau jour n'est pas une manière d'ajouter de la valeur à ces choses, donc en quelque sorte de changer le réel ? Bien sûr, les choses existent en elles-mêmes, mais elles existent surtout je crois dans les rapports que nous entretenons avec elles, dont, entre autres, la perception que nous en avons…
C'que j'en dis…


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   02-05-2005 21:25

Il y a un réel en dehors de nous, évidemment.

Mais celui auquel nous avons accès ne sera jamais que le réel "au travers" des moyens que nous avons de le voir (nos yeux, nos oreilles, nos sens en général, puis notre culture, notre compréhension du monde).
Les animaux ne "voient" pas comme nous.
A 5 ans je ne voyais pas les marches d'escaliers comme aujourd'hui. A 95 ans je les verrai différemment. On est dans le truisme. C'est absurde de penser que le cerveau arriverait à "régulariser" le réel de sorte qu'il en devienne continu et homogène et que cette image soit La Réalité (le problème de Platon déjà).

Tiens cela me fait penser à un article que j'avais lu autrefois dans un magazine. On y expliquait que le personnel en charge des personnes âgées d'une maison de retraite était dans ce pays nordique formé à s'occuper des pensionnaires en endossant la première journée une tunique plombée et raidie. Il s'agissait de faire comprendre à tous la conception que les pensionnaires avaient de l'espace familier de la pension. Chacun éprouvait ainsi la réalité vue par les personnes âgées, comment les mouvements étaient difficiles et, dans cette nouvelle réalité, les efforts gigantesques à accomplir, la façon dont des gestes simples pouvaient devenir compliqués... On apprenait ainsi au personnel un temps nouveau, des déplacement plus lents, pour des soins adaptés au réel des pensionnaires.
Beau et émouvant.

Et nous sommes tous là à promener lourdement nos vêtements de plomb ;-)


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Pierre MOVILA 
Date:   02-05-2005 23:05

En fait, c'est pire que tout cela ! La vision n'est que la représntation d'un phénomène physique amplifié et transformé en perception par tout un tas d'étapes biochimiques... La réalité ne se limite pas à un paquet de photons dans un spectre étroit d'énergie...


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   03-05-2005 15:42

Henri et Guillaume,

Effectivement, je vois de quoi vous parlez, mais si je vous posais la question c'est qu'il me semble qu'entre les concepts de "réel", "réalité" et "phénomène" les limitent sont floues, voire identiques dans vos propos, bien qu'une distinction claire et distincte me semble nécessaire pour évoquer une telle problématique !

;-))


___________________________________________________________________
>>> est-ce que le fait de donner à voir des choses sous un nouveau jour n'est pas une manière d'ajouter de la valeur à ces choses, donc en quelque sorte de changer le réel ? <<<

C'est littéraire mais ça ne veut pas dire grand chose....(sauf votre respect Guillaume, habituellement, je suis assez enthousiaste et fervent supporter de vos analyses ;-) )

___________________________________________________________________

>>> Mais celui auquel nous avons accès ne sera jamais que le réel "au travers" des moyens que nous avons de le voir (nos yeux, nos oreilles, nos sens en général (..) <<<

Henri,

vous parlez donc des phénomènes, c'est-à-dire les choses, non pas telles qu'elles sont en elles-mêmes, mais telles qu'elles apparaissent à notre sensibilité (le regard, le toucher, l'odorat, etc...).

A partir de là, il y a deux options: soit l'on cherche à déterminer la condition objective de leur possibilité (ce que fait la science, tel qu'évoqué par Pierre) soit l'on cherche grosso modo à décrire, puis exprimer par un quelconque medium (la photo, par ex) la façon subjective dont ces phénomènes nous affectent.

Ds le premier cas, on est dans un mode objectif de représentation, dans le second, dans un mode subjectif de représentation du phénomène.

Or, si je reprends vos propos, Henri, vous semblez évoquer la réalité des phénomènes qui nous affectent, sur le mode de la représentaion subjective, en général, psychologique, en particulier.

Si pour la science, il est juste de définir des lois immuables qui président à l'organisation des phénomènes ds l'univers, le caractère avec lequel ces phénomènes nous affectent est, lui, bien singulier, obscure et trés relatif, bref, maléable selon nos âges, nos cultures, le temps qu'il fait, le chat d'Yvonne ma voisine, etc, etc.....

Vous disiez >>> On se rend compte à ce moment que le réel a changé <<< . C'est là que je ne suis pas d'accord avec vous. Ce n'est pas le réel qui a changé, mais la représentation subjective que vous vous en faîtes. En effet, l'escalier est resté escalier, il ne s'est pas transformé en coin de verdûre sous l'action de la main de l'homme ni de celle de votre regard. Par contre, l'escalier de votre enfance n'est pas le même que celui de votre âge adulte, bien que, réellement (objectivement), ce soit le même!
C'est donc votre perception (facteur psychologico-culturello....)du réel qui a changé!

Guillaume, finalement, je crois que je suis d'accord avec vous mais je préfèrerais dire, en reprenant votre phrase, que chacun d'entre nous est un prisme à travers lequel vient se refléter le monde de manière singulière et mouvante et que toute la valeur du regard artistique est d'exprimer, non pas la vérité du monde, mais l'incroyable diversité des sensibilités possibles par lesquelles le réel nous affecte.

Je n'ai pas la prétention de vous vous apprendre quoi que ce soit que vous ne sachiez déjà, juste l'envie de le préciser ds la formulation.

;-))


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: robert colognoli 
Date:   03-05-2005 19:10

Nicola, vous dites: "chacun d'entre nous est un prisme à travers lequel vient se refléter le monde de manière singulière et mouvante et que toute la valeur du regard artistique est d'exprimer, non pas la vérité du monde, mais l'incroyable diversité des sensibilités possibles par lesquelles le réel nous affecte".
L'Artiste nous donne à voir "son monde", mais le spectateur ensuite y ajoute aussi son prisme. Pour l'Artiste, comment savoir si nous allons dans la direction qu'il imaginait, est-ce-que nous voyons ce qu'il a vu?
RC.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   03-05-2005 21:15

Bon d'accord, mais votre réel immuable vous arrivez à le voir, vous ? Est-ce vraiment à votre échelle ? Et même en science, à un moment lorsque l'on se rapproche du phénomène, il y a un principe d'incertitude. En essayant d'explorer le phénomène on envoie le photon qui le ruine... il y a la théorie et il y a le réel POUR MOI, évidemment. L'autre vous me dites qu'il existe, donnez m'en la preuve !

Je cite : "bien que, réellement (objectivement), [l'escalier] soit le même!" : non justement, il n'est pas le même, lui aussi a pris son coup de vieux et changé d'époque... pourquoi tenez-vous tant à votre repère absolu ? Est-ce tant important ? Pourquoi est-ce tant important POUR VOUS ? Le subjectif n'est pas forcément du côté où on le pense...

Zut, je ne trouve plus mon exemplaire de Jacques le Fataliste : il y a si j'ai bonne mémoire une phrase en début. Quelque chose comme " ils se juraient serment éternel sur un rocher qui déjà tombait en poussière... ô enfants toujours enfants ". Une belle phrase en tous cas, si quelqu'un a un exemplaire qu'il me la renvoie sur mon mail !

Maintenant que probablement notre interprétation des choses puisse évoluer plus vite que les choses elles-mêmes, oui, peut être, peut-être...


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola D 
Date:   03-05-2005 23:52

Henri,

Pourquoi est-ce tant important POUR VOUS ? > la peur et l incomprehension devant l absurdite de la mort, l angoisse de la dereliction....besoin d eternite, c est ce que vous vouliez entendre!!! mais vous m avez mal compris ;-)

J ai peut-etre confondu sur le coup le reel et et la categorie du langage qui sert a le definir ou le decrire (mais je n ai pas dit que le reel etait immuable, s il vous plait Henri).
L escalier n est jamais identique a lui meme, comme toute chose ds l univers.

......hmmmmmm.

Rien n est, ne se perd, tout devient, evolue, se transforme...

Comme disait Parmenide, on ne se baigne jamais deux fois ds le meme fleuve. Mais pourquoi nommons-nous tjrs de facon identique ce qui n est jamais identique a soi-meme?

Vous avez sans doute raison alors de parler de truisme entre le reel (diversite) et la pensee (unite, mettre les choses en ordre, ds des petites boites).

Pour agir sur le monde?


Robert, oui c est une rencontre. Libre au spectateur d y voir et d y puiser ce qu il peut et se qu il veut.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Xavier R 
Date:   04-05-2005 14:01

C'est bientôt Roland Garros.....
Désolé Robert pas pu m'en empêcher et puis ça fait monter les stats.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: François L 
Date:   04-05-2005 19:01

" Faire d’un objet une image, c’est lui ôter toutes ses dimensions une à une: le poids, le relief, le parfum, la profondeur, le temps, la continuité et bien sur, le sens. C’est au prix de cette désincarnation que l’image prend cette puissance de fascination, qu’elle devient médium de l’objectalité pure, qu’elle devient transparente à une forme de séduction plus subtile.
Pour concevoir une image à l’état pur, il faut en revenir à une évidence radicale : c’est qu’elle est un univers à deux dimensions qui a son entière perfection en lui-même et n’est inférieur en rien à celui du réel et de la représentation, univers à trois dimensions, dont il serait la phase inachevée.
C’est un univers parallèle, une autre scène sans profondeur et c’est cette dimension de moins qui fait son charme et son génie propres.
Tout ce qui ajoute à l’image une troisième dimension, que ce soit celle du relief, celle du temps et de l’histoire, du son et du mouvement, ou celle de l’idée et de la signification, tout ce qui s’ajoute à l’image pour la rapprocher du réel et de la représentation, est une violence qui la détruit comme univers parallèle.
Chaque dimension supplémentaire annule les précédentes.
Il faut donc soustraire, toujours soustraire pour retrouver l’image à l’état pur."


Dans sa déconstruction, l'auteur a oublié d'enlever la couleur et les demi-teintes.
Une image faite d'un simple trait atteint peut-être cet état pur qu'il faudrait cependant définir. Un exemple remarquable : le dessin de l'homme dressant un cheval par Picasso : avec deux traits continus, l'un pour l'homme et son fouet et l'autre pour le cheval cabré, tout y est alors que l'œil ne perçoit que du papier blanc et un trait noir au fusain. L'image en soi n'est rien, c'est sa reconstitution au niveau de la rétine puis du cerveau qui compte. Quelqu'un qui n'aurait jamais vu de cheval comprendrait difficilement l'image citée.
La rétine et le cerveau font parfois des erreurs surprenantes : personne n'a jamais vu dans le monde réel les objets impossibles comme la construction à trois poutres ou le cube d'Escher (et bien d'autres). Seules leurs images existent et ces objets nous paraissent bien vrais. La surprise est telle la première fois que l'on regarde ces formes apparemment tridimensionnelles, qu'instinctivement on passe un doigt dessus pour tenter d'apporter une information complémentaire. C'est une image à l'état pur.
Parfois la pureté est dans le titre : "carré blanc sur fond blanc" est célèbre dans ce sens.
C'est grâce à leurs pouvoirs d'évocation si variés que les images sont vivantes et cela probablement depuis très longtemps. Pensons aux figures tracées par nos lointains ancêtres dans de multiples grottes de la planète.
Il est bien possible que le simple dessin d'une madeleine évoque son odeur et sa saveur et tous les souvenirs proustiens qui n'appartiennent qu'à chacun d'entre nous.
Le dépouillement n'est pas indispensable pour atteindre l'image à l'état pur. Que deviendraient les tableaux de Jérôme Bosch réduits par Jean Baudrillard ? Bosch additionne tant et plus et il décrit pourtant un univers parallèle.
Il y aura toujours un observateur pour considérer qu'il a devant lui une image à l'état pur.
François LETERRIER


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   05-05-2005 21:07

Tiens Nicola, je vais parler d'un drôle de truc. Une histoire qui s’est produite il y a 5 ou 6 ans. Une des choses les plus réelles qui me soient jamais arrivées. Mais comme c'est moi qui raconte il faut d’abord que je vous parle de l’instrument d’observation.
Mon milieu social c’est la petite bourgeoisie provinciale (Limoges). Mon père était fils unique d’un ouvrier des Tabacs et d’une institutrice. Ma mère avait juste un frère. Son père était un petit comptable qui avait débuté avec le BEPC. Le frère à force de travail acharné devint un haut magistrat à Paris. L’institutrice fit travailler mon père comme un fou et il finit par faire normale sup où il devint prof de latin.
Tout cela sentait la sueur, l’effort, la lente progression sociale et le petit peuple valeureux de gauche. Mais cela le sentait un peu fort et c’est probablement la raison pour laquelle j’évitais soigneusement d’apprendre mes déclinaisons de sorte d’en être débarrassé en troisième. Mais, comme mon frère, je devins travailleur.
Dans la famille on savait que le travail payait. C’était un fil ferme et évident. Il y avait la certitude que l’argent mal acquis ne profite jamais. Il y avait la certitude que la mauvaise morale mène au gouffre, que l’argent facile rend malheureux. Il y avait tout ces sentiments qui font qu’on accepte de se serrer la ceinture toute sa vie pour des lendemains toujours repoussés à plus tard. Voilà l’ambiance. Il y avait de la morale, mais pas de curé.

Sur ce point là j’étais allé jusqu’à la communion poussé par l’intérêt technique que représentait la possession d’une montre, qui était pour moi à l’époque aussi essentielle et magique que la calibration d’écran aujourd’hui. Une sorte de certitude de maîtrise, un rempart contre le gouffre existentiel, l’absolue certitude que la science maîtrisait.
Mon frère avait eu une montre à sa première communion et finalement j’en eus une aussi.
Les calculs avaient été bons.
Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu mon père à l’église. Le goût pour le latin ne l’avait pas porté jusque là et d’ailleurs à l’époque on commençait à sortir le latin et à faire entrer les guitares. Je me rappelle qu’il était très fier de sa chaîne hi-fi sur laquelle il écoutait des choses très classiques : la guitare des curés ne pouvait pas l’attirer ; ça sentait trop le peuple et pour le connaître de l’intérieur il n’avait pas envie d’y revenir. Ma mère se pliait aux (rares) rituels familiaux : quelques baptêmes auxquels il fallait bien assister, mais elle y figurait pensivement, avec dans la tête la préparation méticuleuse du repas qui allait suivre.

Voilà. Sur l’histoire qui vient, surtout Nicola ne pensez donc pas que je puisse être quelque fondu de religion. Vous feriez erreur. Les simagrées des prêtres m’ont toujours horripilé. J’ai toujours eu horreur de ce qui pouvait ressembler à du pouvoir. Et parce que j’ai été élevé dans ce milieu que je viens de décrire, le pouvoir me semble toujours incarner la volonté qu’ont les possédants d’empêcher ceux qui ne possèdent pas de monter. Donc je le hais.
Mais je le hais au non de la connaissance, et j’ai un immense respect pour cette dernière.

Maintenant il faut que j’en vienne à cette histoire dont je sais qu’elle n’est pas croyable. Je sais que 90% des gens qui la liront se réjouiront de tenir enfin en elle la preuve que je suis finalement un abruti profond malgré les grands airs que je me donne. Je n’écris donc pas pour eux et je les excuse à l’avance de ne pas me croire parce qu’encore une fois je sais que cette histoire n’est pas recevable, et, évidemment, ils ne me connaissent pas suffisamment pour donner le moindre crédit à ce que je vais maintenant dire. J’écris donc tout cela « dans le vent », pour ceux qui me connaissent et m’estime, pour que cela se mette à exister de façon aussi un peu publique, et parce que je ne pense pas que cela soit hors sujet sur ce forum, où la question absolument centrale de notre rapport à la réalité est sans cesse posée ces temps-ci. En tous cas je voudrais dire à Nicola que le moment que je vais décrire, en dépit des apparences, est celui ou de toute ma vie j’ai eu le plus le sentiment de toucher à la réalité.

De la suractivité de mon grand-père maternel, de ces longues après-midis immobiles où il laissait consumer ses senoritas verts (des cigares qu’il achetait le dimanche matin en même temps qu’il faisait le tiercé) au-dessus des livres comptables, il était resté une maison de campagne à ma grand-mère, laquelle à son tour au décès l’avait laissée en partage à ma mère et à son frère. C’était en fait trois maisonnettes à peu près carrées collées l’une à l’autre, flanquées d’une cour sur le devant et d’une immense prairie par derrière. Une ferme la jouxtait ainsi que ces immenses granges dont on a l’impression qu’elles ne sont que des toitures, comme il y en a tant en Limousin.

Cette maison est à 5 km au sud de Rochechouart, en pleine campagne, mais malheureusement placée sur l’itinéraire vert de Paris. Devant la cour il y a donc la route, et cette route monte tous les deux ans lorsqu’on la refait, et elle ensevelira bientôt la cour qu’elle domine déjà de près d’un mètre. Lorsque les camions passent, on peut fixer les gros yeux des essieux et les vibrations font glisser les tuiles des granges. Mes parents s’acharnent à les y faire remonter et on vient toujours en vacances, dans la promesse vague que la quiétude ancienne qui y régna il y a des années pourra de nouveau un instant s’y montrer.

C’est là que cela a eu lieu.

C’était il y a 4 ans maintenant, un 8 août, la nuit.

Mon oncle au partage a eu les deux maisons de gauche sur la cour. Mes parents celle de droite. Au moment où cela est arrivé les 3 maisons étaient pleines, une bonne partie de la famille était réunie. Les maisons communiquent entre elles par une porte au premier étage. Toutes les maisons sont pareilles : en bas un couloir traversant, un escalier pour l’étage le jouxtant, 2 pièces à droite. Chez mes parents donc il y a le couloir, l’escalier, la cuisine – salle de séjour à droite, puis leur chambre. Si on monte l’escalier, on trouve à droite en haut de l’escalier la chambre où j’avais mis à dormir mes enfants, puis, en face de l’escalier la salle de bain – WC, puis un couloir avec la porte d’accès aux autres maisons, puis la porte sur la chambre où j’étais avec ma femme. Juste avant cette porte, et pile au-dessus de l’escalier du rez-de-chaussée, la montée vers le grenier.
Tout cela est en bois et grince. Mais je connais ces grincements par cœur, y étant accoutumé depuis l’enfance. Certaines années on a eu des chats-huant au grenier, je connais leur pas claudiquant, je connaît leur chuintement. Je sais tout cela et je vous prie donc de bien vouloir me croire, je vous prie de comprendre qu’il y a des confusions qui ne sont pas possibles.
Mon père se couche tard. Avant d’aller se coucher et sans précaution particulière il va souvent prendre un comprimé ou je ne sais quoi qu’il agite consciencieusement dans un verre, en faisant tinter la cuiller. La chambre où je dors est juste au-dessus. Les planchers sont de simples planches de chênes mal jointes et je connais ces bruits là aussi. Souvent le soir mon père peut monter l’escalier et aller à la salle de bain. Encore une fois je connais ces bruits.
Quand les camions se taisent on entend les milliards d’insectes qui frémissent dans la campagne tout autour, et je peux vous assurer que les nuits sont vraiment sonores, que l’ouïe est sans arrêt sollicitée dans ces maisons perdues en campagne. On y est, du point de vue du son, dans un état permanent d’attention.
Il me reste à vous dire une chose importante : la porte de ma chambre ferme avec un loquet, une simple tringle qu’on soulève, comme c’est courant dans ces campagnes. Cette tringle est rouillée et ne peut se lever qu’avec effort. La ferraille se rebelle et grince, lâche d’un coup et but sur le penne avec un claquement. Impossible d’entrer sans bruit donc.

Cette nuit là il était environ 4 heures du matin. Je ne dormais pas. J’étais étendu dans le lit, ma femme à ma droite ; le lit est au milieu de la chambre, la fenêtre du côté de ma femme, comme la porte d’entrée, de son côté et vers nos pieds.
Maintenant il faut être sobre et précis.

J’ai entendu un pas monter l’escalier depuis le rez-de-chaussée. J’ai pensé que c’était mon père qui allait à la salle de bain.
Le pas pourtant ne s’est pas arrêté à la salle de bain. Il a tourné et a pris le couloir du premier étage. Il est passé devant la porte qui va aux autres maisons. Il est venu à celle de notre chambre juste devant l’escalier qui monte au grenier et j’ai eu le temps de penser que mon père exagérait d’aller mettre à sécher du linge en pleine nuit. Mais le pas n’a pas tourné vers le grenier, il est entré droit dans la chambre sans marquer aucun arrêt ni ouvrir la porte.
Il n’y a pas eu le grincement et le clac du loquet. C’est seulement à ce moment, lorsque les pas ont franchi la porte sans bruit de loquet, que j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Moi-même j’étais tourné vers le mur, je ne voyais pas ce qui se passait à la porte, j’offrais le dos à ce qui est entré.
Le pas est venu jusqu’au bord du lit – étant moi-même de dos, avec les oreilles dans le mauvais sens, je dirais qu’il est venu au niveau de nos mollets, à 1m du bord du lit - et il s’est arrêté là.
Je retenais mon souffle. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, 3 secondes peut être au total. J’ai d’abord voulu regarder, mais aussitôt m’est venue la pensée que cette chose au bord du lit, qui nous regardait, je ne devais pas la voir. Ce n’était pas une chose que « je pouvais » au sens de que « j’étais autorisé » à voir. Je me suis dis que si je la regardais c’était fini. J’aurais accès à une chose qui ferait que je ne serai plus jamais le même, et que ce n’était pas le moment, que je ne le voulais pas. Vous pouvez dire que j’ai eu peur. Oui parfaitement j’ai eu peur… juste après j’ai pensé : « heureusement que c’est du côté de ma femme »… seul un pétochard de première peut avoir une pensée pareille… pourtant au bout de quelques instants comme il ne se passait rien de plus et que je n’étais plus qu’une corde tendue, plus qu’un fil, j’ai commencé à sentir un rayonnement très intense qui me traversait le dos. Ca émanait de la chose qui était là. Ce n’était pas de lumière mais un flux obscur et quasi palpable qui me traversait complètement le corps. En même temps, comme il ne se passait pas plus que cela j’ai commencé à reprendre un peu confiance. Je me suis dit « cette chose vient pour toi. C’est une femme. Elle ne te veut pas de mal ». Mais comme je commençais à peine à me rassurer il se passa quelque chose d’autre.
Ma femme d’un coup se dressa comme une folle sur son séant et je l’entendis tourner violemment la tête dans le tout petit jour. Je me dis qu’il allait se passer quelque chose de monstrueux, qu’elle allait être collée au plafond ou pousser un cri terrible en découvrant la chose. Mais non, rien. Avec difficulté et inquiétude elle se remettait dans le lit, se tournant et se retournant tandis que je sentais le rayonnement de la « présence » décroître sur place.
Voilà c’est presque tout.

Au matin je n’ai rien dit à ma femme. Je tiens souvent des petits carnets. Je consignais donc sur une feuille les quelques éléments que je vous ai rapportés, sans les considérations topographiques que je vous ai ajoutées ici. Cela faisait 12 lignes, pas une de plus. J’ai encore la feuille quelque part.

Le soir, au moment de se remettre au lit, je vis une chose curieuse. Ma femme en tirant les draps sur elle semblait scruter avec attention les angles de la pièce. Pour n’influencer en rien ce qu’elle allait me dire, je fis : « j’espère qu’on dormira mieux que la nuit dernière, hein ? ». Alors elle répondit, lâchant le morceau : « toi aussi, tu as entendu ce pas, tu as vu, ça a traversé la porte et c’est venu se mettre au bord du lit ! » Puis elle me dit encore : « j’ai regardé. Il n’y avait rien ! ».

Voilà c’est fini. Nous avons dormi des dizaines de nuits depuis dans cette petite pièce, j’irai d’ailleurs de nouveau y dormir ces vacances, pendant une quinzaine de jours, en août. Nous n’avons pas eu d’autre visite depuis.
Nous avons fait comme tout le monde après, nous avons cherché à comprendre, à mettre en rapport cela avec des vivants, des mourants et des morts. Mais peine perdue. C’était une chose bizarre, mais à aucun moment de ma vie je n’ai eu le sentiment qu’il puisse exister quelque chose de plus réel, de plus présent, de plus intense, de plus monstrueusement au monde.
C’était la Présence pure.
C’est un truc qui a changé ma vie. Je pense depuis voir le réel vraiment autrement. Pour moi cette histoire est profondément associée aux photos que j’essaie de faire. J’essaie de parler d’une présence que je sens dans certains endroits qui semblent vides (le reflet éloigné de celle que j’ai perçue ? Je ne sais pas mais c’est lié !). J’estime qu’une bonne photo que je fais est celle où j’ai réussi à tenir un peu cela. Il y a des lieux où je sens que quelque chose est là de présent. C’est ceux-là que je photographie. Les autres je suis embarrassé pour en faire quelque chose…

Evidemment vous pouvez rire de moi. Je suis à présent une sorte de croyant à quelque chose, je ne vous ai amené aucune preuve que ma propre parole de fou et celle de ma femme, parfaitement incroyante et de formation initiale scientifique, tout comme moi, qui elle aussi pourrait vous raconter cette histoire que nous n’avons toujours pas su « placer » dans notre vie...

Je comprends donc Nicola que vous parliez du réel, que cette question vous préoccupe aussi, comme elle m’obsède.
Maintenant quand je pense au réel, je ne pense pas à ce que la photo peut capturer, je ne pense pas au réel scientifique qui existe par les instruments qu’on peut inventer ; non, je pense à cette présence, au bord du lit.
Il n’y a pas eu dans ma vie sensation de présence plus intense, de moment où la notion de « réel » ait pris plus grand sens… et cela juste au moment ou le « réel » avait justement perdu les pédales !


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: nicolas.R 
Date:   05-05-2005 22:44

Bonsoir à Tous,

J'adhère a cette remise en cause du "réel". Elle ne dépend, ainsi que le suggère Nicola, que de nos sens et de nos habitudes, liés à la façon dont l'histoire et notre temps personnel nous a façonné. Je vois bien ces jeux en moi-même. J'ai traversé un certin nombre d'expériences, en particulier lors de séries d'inition chez les bouddhistes tibétains où l'on pratiquait des exercices sur les agrégats. Les techniques de visualisation, permettant de construire et de déconstruire des objets symboliques (les formes primaires) finissent par agir sur la perception que l'égo a de lui-même et cela interragit bien-sûr, sur la perception du monde. L'on peut si perdre et c'est d'ailleurs ce qui m'est arrivé.
J'assimile les deux dimensions de l'image à la volonté des sculpteurs égyptiens qui considéraient que cette mise en applat se rapportait à une dimension transcendée du réel. La mise à plat du réel nous permet de traverser le voile qui nous sépare du monde des Idées. C'est la sensation que j'ai eu la première fois que j'ai vu la Primavera de Botticelli. J'ai été bouleversé par l'économie de moyen en terme de matière. Il n' y a presque pas de matière, l'oeuvre se comporte comme un sas, un passage ouvert sur la dimension inconnue, pressentie, attendue, espérée. L'oeuvre, quelle soit picturale, littéraire, réduit la distance, illusoire ? , entre le sujet et l'objet mais en réduisant cette distance, se crée alors un espace où l'ego se perd lui-même au profit d'une possible expérience inattendue, inconnue, où le siège de la conscience s'est détaché de ce qui semblait "réel"...

Bien cordialement et bonne soirée à Tous,

Nicolas


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: nicolas.R 
Date:   05-05-2005 22:46

Pardon pour les coquilles, je relis trop tard :-)
Nicolas


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: robert colognoli 
Date:   16-05-2005 10:48

Pour Henri Peyre,
"Celui qui ne s'est jamais réveillé en pleine nuit (pas forcémént agité) et n'a pas considéré quelque objet dans le silence nocturne comme l'un de ces quasars observés à des distances icommensurables, celui qui ne l'a pas perçu comme si lointain en raison même de la proximité qui l'infuse, celui-là n'est pas encore tout à fait à même de faire l'expérience de la beauté photographique."
Ces mots sont de Arnaud Claass.
L'image décentrée - Un journal.
Yellow now - Côté photo - 2003.
ISBN 2-87340-172-9
RC.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   17-05-2005 17:07

"Des êtres humains s'efforcent ensemble et en grand nombre de s'assurer bonheur et protection contre la souffrance au moyen d'une déformation chimérique de la réalité. Naturellement, celui qui partage encore un délire ne le reconnaît jamais pour tel. "

Sigmund Freud.

Bon sinon, Henri, je ne vous crois pas fou. Mais que voulez-vous que je réponde à cela.
Rien. Je crois en la description de ce que vous avez ressenti. Je serais plus intéressé d'entendre votre propre interprétation.

D'ailleurs, si ça vous a inspiré votre travail, eh bien tant mieux. Car je trouve que de tout ce que j'ai pu voir sur ce site, votre travail est le plus intéressant. Il m'a interpelé, sincérement. Dommage que vous m'en ayiez donné les clés.

Cordialement.


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   18-05-2005 20:17

Bonjour,

Je n'ai pas d'interprétation. J'ai dit ce qui s'était passé sans interprétation.
L'idée de délire que vous évoquez renvoie à une idée de réalité qui me semble tout autant chimérique et qui peut également procéder du même délire impossible à confesser.

Je ne sais pas si ce sont des clefs non plus. Je ne pense pas.
Les clefs vous les avez ici :
http://www.galerie-photo.com/robert-musil-esthetique.html
J'ai fait un énorme travail sur ce texte et il correspond à ce que je cherche en art.

Je crois que s'il y a des analyses à faire de cette bonne histoire elles ne sont pas tant au niveau, de l'unique famille, avec ce brave petit père Freud, mais du positionnement de l'individu par rapport à ce qui est au-dessus de lui, avec des ensembles plus vastes : foules, nations, et tous corps constitués (y compris famille, d'accord) dans lesquels il est impliqué, et par rapport à ce qui est en-dessous avec sa propre composition organique.
S'il y avait une interprétation et des voies de recherche sur ce qui m'est arrivé, si je pensais pouvoir arriver à quelque chose c'est là que je chercherais, dans une meilleure définition de ce que l'Etre prend pour lui même, dans la précaire définition du niveau de conscience.

Ce que vous appelez "réalité" n'est donc pas donné, mais n'est qu'objet de cette conscience précaire.

N'ayant pas ces moyens et la science étant cette chose balbutiante (mais déjà si belle !) je me contente d'analyser la jouissance de la prise de conscience, qui, elle, est esthétique.

L'esthétique comme pis aller en attendant que la science avance, si vous voulez, cela ne me gêne pas. ;-)

Bien à vous.
Henri Peyre


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   19-05-2005 15:45

Cher Henri,

je préfère ce verbiage ou ce breuvage-là:

http://www.realite-cachee.net/

Ca devrait vous intéresser, même si l'on sort de l'esthétique

Bien à vos synapses.

Nicola

(tout cela pour vous dire que nous finirons bien par nous rejoindre, peu importent les chemins ;-)) ....)


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: henri peyre 
Date:   19-05-2005 21:29

Hélas Nicola, je n'y comprends rien... ;-)


 
 Re: La Phrase du mois - mai 2005.
Auteur: Nicola 
Date:   20-05-2005 20:00

Je ne suis pas moi non plus un spécialiste de physique quantique, mais si vous faites un petit effort vous trouverez un lien entre votre expérience telle que vous la décrivez et les conclusions des différentes interprétations possibles des avancées dans ce domaine. Evidemment, ce ne sont que des hypothèses et l'idée de trouver derrière cette approche spiritualiste un signe de dieu n'est pas du tout le propos. Ne pas franchir les limites du hors sujet!

En tout cas je trouve le lien plus que frappant, ça vaut le coup que vous y penchiez plus avant.....

Bien à vous.




 
Retour à l'index général
le forum de galerie photo : http://www.galerie-photo.info/forum
galerie-photo, le Site Français de la Photographie Haute Résolution