Auteur: Nicolas Marailhac
Date: 20-03-2005 20:02
Bonjour,
Un petit avis tout personnel sur ce qui est présenté au Jeu de Paume: autant j'ai bien apprécié la précédente exposition (sur le travail de Rineke Dijkstra), autant je suis très très déçu de ce qui est présenté en ce moment.
En ce qui concerne le travail de Jean-Luc Moulène, que j'aime bien quand il ne se prend pas trop au sérieux, quelques impressions:
- ses portraits assez anciens, ou plutôt ses travaux sur la figure de l'humain (ceux sur des fonds neutres et unis, de l'époque de sa résidence à la Villa Médicis je crois) me plaisent toujours autant, mais ne sont pas nouveaux;
- pour sa série très attendue des prostituées et pour ses dessins, je dirais qu'on tombe dans les travers et ratés de l'art contemporain. D'abord, il n'y a pas de texte, pas d'introduction, pas de travail fait pour amener la réflexion (il va décidément falloir que je m'y fasse, ça doit sans doute être ringard de penser qu'un minimum de présentation est nécessaire…) si ce n'est dans le catalogue ou sur une feuille volante sans doute, ce que je n'aime pas. Ensuite, dans l'ordre:
- pour les dessins, je dirais que n'est pas Louise Bourgeois, ou élément de l'art brut, qui veut, et ce n'est pas les feuilles présentées au Jeu de Paume qui pourront me séduire et m'amener à penser le contraire, loin de là;
- pour la série des protituées, à propos de laquelle l'auteur prétend prendre un positionnement inédit présentant à la fois le sexe et le visage féminins mis à nu sous une lumière simple, je trouve que c'est d'une pauvreté (de propos) affligeante; j'ai cru comprendre qu'il se réfère à l'Origine du Monde, aux images pornographiques, à la photographie d'identité utilisée par Alphonse Berthillon et qu'il adopte un regard féministe. Je trouve le résultat d'une naïveté incroyable, absurde, ridicule. L'ensemble est plat… J'ai beaucoup de tristesse en pensant aux modèles.
Jean-Luc Moulène dit vouloir instaurer un rapport de proximité entre son travail et le spectateur, s'attaquer à l'autorité du tableau. Je ne sais pas où il a pêché ça, c'est loupé. Ses natures mortes, ses images simples et relativement banales marquent d'autant mieux leur déconnexion du réel que l'auteur fait un effort immense et artificiel pour les rendre simples. Il y a mille fois plus de simplicité dans un portrait de Vermeer que dans la salle entière des natures mortes (même si les bouteilles en noir et banc ont une manière de jouer avec la lumière qui est très belle), il y a moins d'autorité dans l'Enterrement à Ornans que dans les Méduses dont la démesure instaure un rapport de force qui reste pourtant si transparent pour le tableau de Courbet.
Ce qui me trouble ce sont les efforts faits pour essayer de justifier un regard ou un travail, alors que ça pourrait effectivement rester simple. Mais non, il faut qu'on monte les choses en chantilly, pourquoi? Pour paraître plus grand qu'on est? Pour se rattraper aux dernières branches d'un discours politique ou d'un positionnement esthétique qui nous échappe? Tout cela me semble vain, ce qui est triste, et en plus raté, ce qui est dommage. Car cela ne fait pas du bien à la photographie, par ricochet.
Enfin, ce n'est que mon point de vue, j'aimerais bien en connaître d'autres! Et je n'ai pas parlé des installations de Tony Oursler… :-)
Par contre, si vous avez le temps, il y a à la Galerie de France, au début de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie dans le Marais, un accrochage de travaux de Patrick Faigenbaum intitulé Portraits dans l'atelier. Les portraits en soi ne me touchent pas trop (j'ai l'impression que le photographe comme les modèles ne savent pas manipuler ou se positionner dans l'espace d'un atelier, si ce n'est peut-être un enfant -mais on m'a dit que j'ai loupé un beau portrait au fond de la galerie), mais il y a de très belles natures mortes, très belles pour leur lumière, pour leur cadrage et pour leur simplicité, justement.
N
|
|