Auteur: robert colognoli
Date: 29-01-2005 09:38
Merci à tous ceux qui ont participé le mois dernier.
Ce mois-ci, quelques réflexions su l’utilisation du noir et blanc et/ou de la couleur. Ca tombe à pic avec les expositions de Stephen Shore et Luigi Ghirri, deux coloristes, actuellement à Paris, et avec les photographes présentés ce mois-ci sur Galerie photo : Angus Boulton et John Sternfeld.
- Gabriel Bauret :
Approches de la photographie.
Nathan Université – 2002.
ISBN 2-09-190564 X
« Dans un premier temps, la couleur reste, si l’on peut dire très dépendante d’une vision en noir et blanc, historiquement fondamentale. Puis, peu à peu – compte tenu du temps nécessaire à l’acquisition de l’expérience, mais aussi des difficultés techniques rencontrées – certains photographes vont se libérer des contraintes de cette vision en noir et blanc qui privilégie le rapport ombre/lumière, pour s’intéresser, tout comme le peintre l’a fait avant eux, à la couleur en soi. Etre coloriste, c’est bien sûr donner à la couleur le premier rôle, voire l’exclusivité, mais c’est surtout penser en couleurs, réagir à des éléments de la réalité uniquement et purement colorés. C’est concevoir une image qui ne peut exister et qui n’a d’intérêt qu’en couleurs. La couleur dans ce cas n’est pas un élément complémentaire ou supplémentaire ; elle est la matière première de l’image, elle lui donne sa dimension. »
- Michel Guerrin.
Présentation des expositions de Stephen Shore et Luigi Ghirri.
« Le Monde », vendredi 21 janvier 2005, page 24.
Voir aussi le fil de Chung-Leng, à propos de l’exposition de Stephen Shore à l’Hôtel de Sully à Paris.
« Dans les années 1970, des pionniers – dont un Américain et un Italien – délaissent le noir et blanc, faisant entrer la photographie en couleurs dans le monde de l’art.
Il se produit à l’aube des années 1970 un petit miracle dans la photographie. Une poignée d’artistes s’emparent de la couleur. (Auparavant), la couleur était méprisée, trop proche de l’amateur et du bas commerce. « Trop vulgaire », disait-on. Elle est bonne pour les cartes postales, les albums de famille, la photo de mode, la publicité, la presse, pas pour l’art.
Shore et Ghirri ont d’ailleurs répété que l’adoption de la couleur est une évidence : le monde ressemble plus à une photo en couleur qu’à une photo en noir et blanc. L’Américain ajoute souvent que l’image en couleur permet une transparence visuelle. C'est-à-dire ? « C’est comme si vous voyiez le monde sans être arrêté par le support du papier ». C’est une attitude d’observation froide. « J’ai la conviction, comme d’autres, qu’être au plus près de la réalité est la meilleure façon de faire de l’art. C’est l’assemblage de ces informations visuelles, dans lesquelles la couleur joue son rôle, qui crée une poésie. »
- John Batho.
Photocolore
Colona – AMC Mulhouse – 1985
ISBN 2 904 232 0044
Entretien réalisé par Annie Chambonnet.
«A.C. : Vous avez choisi la photographie comme moyen d’expression, pourquoi la couleur plutôt que le noir et blanc ?
J.B. : J’ai appris à photographier en utilisant le noir et blanc, son usage s’est poursuivi durant une dizaine d’années. Parallèlement je me suis intéressé à la captation de la couleur, cette recherche a fini par exclure l’autre pratique.
Le noir et blanc concentre mais aussi réduit l’image aux rapports de valeurs ; je préfère la couleur parce qu’avec elle, l’image obtenue me semble plus vivante et plus complète. Bien sûr, par son attrait et son poudroiement, la couleur complique les apparences mais elle est une joie, une attirance, une dimension pleine de sens dont je n’ai pas envie de me priver.
A.C. : Quelle différence faites-vous entre photographier en couleur et photographier la couleur ?
Comment vous situez-vous par rapport à cette différence ?
J.B. : Ce que je vois n’est pas simplement coloré ; la couleur participe à l’être des choses, l’herbe est verte, nos cheveux sont blonds châtains ou noirs, etc. Je conçois mes photographies à partir de ce constat, en considérant la couleur comme constitutive, sans la dissocier des autres éléments de l’image. Le propos que Cézanne tenait pour la peinture est également vrai pour la photographie : « lorsque la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude. » Je ne photographie pas en couleur en oubliant la couleur, je photographie en tenant compte de sa présence dans l’épaisseur matérielle des choses. »
- Benoit Hardy-Vallée.
La poésie du regard.
Essai d'esthétique photographique.
Département de philosophie, UQÀM.
« La photo noir et blanc est une syntaxe de l’image isolée d’une sémantique de couleurs. La couleur nous ancre dans un contexte bien précis et attire l’attention sur des caractéristiques périphériques. Par exemple, les couleurs particulières des pays tropicaux nous sont familières : le bleu du ciel, le vert, le sable beige ou blanc. On ne fait qu’apercevoir l’image un instant et nous sommes immédiatement situés. Alors qu’avec le noir et blanc, la localisation ne va pas autant de soi. Le regard se fie aux formes et aux éléments de la composition plutôt qu’aux zones de couleurs. »
- Gianni Berengo Gardin.
In : Lire la photographie - Ferrante Ferranti.
Editions Bréal – 2003.
ISBN : 2749500028
« Il me semble que dans la photographie, la couleur est un élément distrayant. On a tendance à la regarder en oubliant ce qu’il y a dans l’image, en ne cherchant pas à en percer le contenu. Au contraire, celui qui regarde une photographie en noir et blanc l’approfondit davantage. La couleur reste pour moi plus superficielle. »
- Roland Barthes.
La chambre claire – Notes sur la photographie.
Cahiers du cinéma – Gallimard - Seuil – 1980.
ISBN 2-07-020541-X
« J’ai toujours l’impression que, …, dans toute photographie, la couleur est un enduit apposé ultérieurement sur la vérité originelle du noir et blanc. La couleur est pour moi un postiche, un fard (tel celui dont on peint les cadavres). »
- Jacques Vilet
Conversation avec Yvonne Resseler.
Edition Tandem – 2002.
ISBN 2-87349-060-8
C’est un joli tout petit livre de 11x18 cm, 60 pages.
Ce sont de ces livres qu’on ne voit pas parce qu’ils sont petits, minces, ils n’accrochent pas le regard. Il faut aller les chercher entre les autres.
Un entretien avec Jacques Vilet ; du texte donc mais il y a 13 reproductions de photos en petit format, 4x5 cm, paysages surtout, et natures mortes qu’il appelle « paysages domestiques ». L’auteur explique que pour les expositions, il tient à des tirages de petites dimensions (10x12 cm à 40x50 cm environ à partir de 6x6 cm et 4x5 inches), pour l’intimité, et pour que le regard ne se perde pas ; quand on ne distingue pas l’imagination supplée.
Jacque Vilet parle de son cheminement, son approche, sa philosophie de la photographie, c’est lu rapidement mais c’est très dense. Ca donne envie de connaître ce photographe et ses photographies.
« La photographie en couleur capte d’abord les couleurs; selon les cas, la couleur peut être gênante car elle aplatit l’image, lui impose une lecture limitée à sa surface et induit une fonction de constat. Le noir-et-blanc est d’abord un silence, il aide à ne plus voir la chose représentée, et à entrevoir ce qu’elle peut évoquer. Le parti-pris de la photographie en noir-et-blanc est un acte plastique et graphique. »
- Vilém Flusser
Pour une philosophie de la photographie.
Traduit de l’Allemand par Jean Mouchard.
Circé – mars 2004.
ISBN : 2-84242-171-X
« Les photos en noir et blanc sont la magie de la pensée théorique, dans le mesure où elles transforment le discours théorique linéaire en surfaces. Là réside leur beauté propre, qui n’est autre que la beauté de l’univers conceptuel. Ainsi, nombre de photographes préfèrent les photos en noir et blanc aux photos en couleur du fait qu’elles manifestent plus clairement la signification propre de la photographie – c’est-à-dire le monde des concepts…
Les photos en noir et blanc sont plus concrètes et, en ce sens, plus vraies : elles manifestent plus clairement leur origine théorique. Inversement, plus les couleurs photographiques deviennent « authentiques », plus elles sont mensongères et plus elles dissimulent leur origine théorique. »
- Clyde Butcher.
Propos recueillis par Michel Braud le 16 octobre 2003.
Article paru sur Galerie Photo.
« M.B. : Clyde, pourquoi exclusivement le N & B ? En visitant votre galerie à Venice, j’ai découvert un tirage de la photo des Dunes en couleur, est ce à partir de cette image que votre choix s’est opéré ?
C.B. : J’ai commencé la photographie de paysage dans les années soixante en ne faisant que des images en N & B. J’essayais de gagner ma vie en tant que photographe paysagiste mais à cette époque la photographie n’était pas considérée comme un art à part entière. J’avais une famille à nourrir et je décidai alors de photographier en couleur, ma photographie devint alors « décorative » et se vendait, elle répondait aux goûts de l’époque… des jaunes, des verts des or…. Cela fonctionnait parfaitement et j’ai photographié en couleur pendant vingt ans mais j’ai toujours voulu revenir au N & B.
Dans le N & B, il n’y a pas de couleur majeure directive qui transcende les sens ; son unité offre une image plus apaisante et fait ressortir les détails les plus fins. »
- Auparavant, pour accorder tout le monde, Edward Weston écrivait en 1953 :
« Il est stupide de dire que la couleur tuera le noir et blanc. Ce sont deux moyens différents dont les buts sont différents. Ils ne peuvent en rien se concurrencer. »
… Et vous comment voyez-vous ça ?
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