Auteur: guillaume p
Date: 21-01-2005 18:32
Je ne vois pas dans la photographie du banal cette forme d'autobiographie, encore moins de repli sur soi dont vous parlez…
Je fais un petit détour préalable pour dire qu'il y a, à mon sens, deux formes d'individualisme : celui du repli sur soi effectif, entretenu par l'idéologie libérale (libéralisme économique) qui fait de chacun, comme le souligne Loïc Wacquant, une 'petite entreprise' en compétition et qui doit se vendre…
Et puis il y à l'individualisme que je qualifierai comme (nécessaire) reconnaissance de l'individu(-alité).
C'est peut être d'ailleurs la faiblesse du second qui nourrit aujourd'hui le premier, mais là, je risque de m'éloigner du comptoir.
Dans cette perspective, la photographie du banal est à mon sens plus la manifestation d'une liberté d'individu dans le choix et la définition de ce qui est beau, attirant, important, digne d'intérêt, parlant, enrichissant, je-ne-sais-quoi-encore, qu'un simple acte autobiographique. Le mode autobiographique est tellement… à la mode (sic) qu'on voudrait le voir partout - il est d'ailleurs peut être partout si on considère que photographier, quoi que l'on photographie, n'est que l'éternelle répétition d'un autoportrait (mais là, je m'égare…et, encore une fois, je me rattrape au zinc).
Si la volonté n'est pas nécessairement de bousculer des choses trop établies ou autres hiérarchies, tout du moins est-elle d'affirmer une vision personnelle (ce qui revient souvent au même, mais bon).
Le parallèle avec le photo-journalisme est intéressant, mais la crise de ce genre est-elle à mettre en rapport avec le développement de cet intérêt pour la banalité, comme si la crise de l'un renforçait l'autre ?
Je vois l'échec du photo-journalisme comme celui d'une profession qui, à l'engagement intellectuel et physique a substitué l'évolution dans un domaine très balisé où l'information est préparé à l'avance pour le journaliste qui n'a plus qu'à la mettre en boîte pour la relayer. Les attachés de presse ne sont pas une invention d'hier, et même les armées en sont aujourd'hui dotées. Communiquer est le maître mot, mais communiquer est-il informer ? Voilà de quoi occuper un apéro prolongé au café des bon amis ! Je renvois à ce texte de Yves Michaud à propos de photo-journalisme.
Je ne peux m'empêcher de penser au toiles de Hopper, ou à la poésie de Francis Ponge…
Il me semble que quand on veut manipuler des symboles pour fabriquer du sens ou quelque chose qui interroge le sens des choses, il n'est pas besoin de s'appuyer sur des objets ou événements d'une valeur ou d'une rareté exceptionnelle. Hopper (me) parle de la civilisation avec une simple maison capable de symboliser toutes les maisons… cette maison, parce qu'elle est banale, est remplaçable par d'autres maisons que je connais. Elle n'est pas là pour elle même mais comme symbole, et la force de ce symbole est d'autant plus grande que la maison est banale.
C'est en ce sens que la banalité m'intéresse, comme matériau peu chargé en termes de références, comme quelque chose qui ne rebute pas par la nécessité d'un préalable culturel élevé pour y accéder (est-ce clair ?… garçon, une tournée !).
Je vais terminer (ouf !) en revenant au photo-journalisme, au risque de faire un hors-sujet tiré par les cheveux (de surcroît)…
Je crois que le photo-journalisme a été achevé le 11 septembre 2001, quand l'événement tant fantasmé et banalisé par le cinéma a pris corps dans une série de faits tellement visibles qu'ils ont pu être relayés autant par des quidams que par des professionnels de l'information. Ces derniers, neutralisés et devenus impuissants à dire plus que ce que l'image, pensée à l'avance, leur imposait…
(le serveur, énervé : "Mais qu'est-ce qu'y dit !? Monsieur, je ne vous sers plus à boire !")
Mon état avancé m'oblige à quitter le zinc du café du commerce et des sports entre bons zamis…
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