Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 04-01-2005 13:49
Je vais vous expliquer très précisément pourquoi je suis resté fidèle à la marque Rolleiflex.
J'utilise avec bonheur depuis quelques années un Rollei bi-objectifs.
Quand j'ai voulu "élargir" ma gamme de focales (le 80 tout seul, c'est un peu réduit), j'avais pour projet d'acheter le nouveau Rollei Wide, (Distagon 55) avec l'idée de me procurer ultérieurement le Rollei Télé avec le 150mm, et d'avoir ainsi le trio grand angle-normal-télé. J'ai bien fait d'attendre, puisque le futur Rollei Télé ne sera probablement jamais fabriqué.
Par ailleurs, comme beaucoup de photographes, je phantasme depuis longtemps sur les objectifs Zeiss, et j'aime beaucoup la qualité du Planar de mon Rolleiflex.
J'ai utilisé par le passé des 4½ x6 (Mamiya 645 1000S) et j'avais déja "donné" pour le format 6x7, ayant longtemps travaillé avec un RB67, mais je n'ai plus les capacités physiques.
J'avais naturellement essayé d'autres appareils, Pentax et Mamiya 7. Mais j'aime beaucoup le format 6x6 et j'ai décidé d'y rester.
Comme j'avais déjà travaillé occasionnellement avec un 500 C/M, et que les Rollei tout électroniques ne m'enthousiasmaient pas trop, je suis naturellement allé faire un tour du côté de chez Hasselblad. Mon idée n'était pas un boîtier de la série 201-203-205, mais le 503 CW.
Les prix m'ont fait frémir, même en occasion. Et puis, j'ai constaté que le mot qui était le plus souvent employé accolé au mot "Hasselblad" était soit "jammed" pour les anglophones, soit "bloqué" pour les petits français.
C'est assez étonnant de parcourir les forums parlant de la marque suédoise, et de lire à longueur de sujet "Blad bloqué", "magasin bloqué", "appareil bloqué", "Help 500 jammed"... dans toutes les langues. J'exagère à peine.
C'est vrai que c'est facile de bloquer un Blad... presque plus facile que de l'utiliser normalement. Et le pire, c'est que même si on ne fait rien qui soit susceptible de le bloquer, eh bien il arrive qu'il se bloque parfois quand même...
Pourquoi j'ai "rempilé" chez Rolleiflex.
Comme mon matériel principal était et reste la chambre 4x5", je ne voulais pas mettre une fortune dans un système 6x6, et je ne voulais acheter que de l'occasion, ou du reconditionné. J'avais donc pris des contacts commerciaux avec Hasselblad.
J'ai été surpris des écarts énormes de prix entre les matériels vendus par le réseau "officiel" Hasselblad et ce que les américains appellent le "marché gris".
En outre, Hasselblad menaçait tous ceux qui achetaient des Blad sur ce "grey market" de refuser purement et simplement d'entretenir et de réparer le matériel acheté sur ce réseau parallèle, même en payant.
Cette politique est quand même assez surprenante, parce que ce ne sont pas des contrefaçons, mais des matériels bel et bien achetés dans les usines Hasselblad.
Le but étant bien évidemment de garantir le chiffre d'affaires du réseau officiel.
Mais alors, pourquoi laisser sortir ces matériels de l'usine, si c'est ensuite pour refuser de les réparer ?
Ces appareils, Hasselblad les vend bien à ces revendeurs du marché parallèle, non ?
Je n'ai pas la réponse, et si quelqu'un a une explication, je suis preneur.
Quoi qu'il en soit, ou j'achetais du Hasselblad sur le marché parallèle, à un prix que je qualifierais d'honnête, mais sans aucune garantie d'entretien, ou je payais le prix fort... très fort...
Et le pire est que rien ne me garantissait, en achetant du matériel Hasselblad d'occasion, que celui-ci ne provienne pas de ce marché parallèle, et je risquais de me voir refuser son entretien sans avoir fait quoi que ce soit de répréhensible.
Bref, cela m'avait beaucoup refroidi. Et les prix des matériels, même d'occasion, même reconditionnés, vendus par le réseau officiel sont toujours trop élevés.
Les prix des Blad sur le marché de l'occasion hors réseau Hasselblad sont aussi exorbitants : je trouve que les prix sont totalement surfaits, pour des appareils ou des objectifs de vingt ou trente ans d'âge. On dirait que le snobisme Leica s'est répandu aussi sur cette marque de moyens formats.
Alors je suis allé faire un tour du côté de chez Rollei. Et là je n'ai pas été déçu.
Je voulais éviter les 600x, trop d'électronique, pas les moyens de faire suivre le groupe électrogène en balade. (Je blague..enfin..)
Les 600x sont bourrés d'électronique, de moteurs entraînant des moteurs commandant des moteurs... Et quand il faut changer les moteurs, encore faut-il en trouver.
Ils ont beau être très fiables (davantage que les Hasselblad), trop d'électronique dans les boîtiers et les objectifs me chagrinait, parce que je connais bien la pérennité des composants. Les moteurs linéaires pour les objectifs des premières générations et les circuits des boîtiers vont devenir de plus en plus rares à trouver, et probablement les réparations de plus en plus chères.
En plus, la conception des objectifs des 6003-6006-6008 avec ces fameux moteurs linéaires les rendait très chers.
Et puis, en allant faire un tour sur le site du Rollei-Club américain, pour regarder les bi-objectifs, je suis tombé tout à fait par hasard sur un site entier consacré aux différents modèles de SL66, Classic, E, X et SE baptisé Rolleiflex SL66.
Après une longue réflexion, j'ai fini par acheter un SL66SE entièrement révisé : 17 ans et pas une ride, il est comme neuf. J'ai eu l'impression, en le recevant, qu'il sortait du magasin.
Un fonctionnement impeccable, rien à dire. Dans la gamme Hasselblad ce boîtier se situerait entre le 203 et le 205.
Je ne voulais pas forcément devoir utiliser un prisme posemètre, qui est obligatoire sur les Blad 501 et 503, mais qui alourdit et déséquilibre l'appareil. Autant le prisme s'impose avec les appareils à format rectangulaire, autant avec le format carré, c'est souvent inutile.
Par contre, habitué au bi-objectifs, j'aime beaucoup la visée au capuchon. Le SL66SE m'offre la possibilité de bénéficier d'une mesure manuelle - amplement suffisante - tout en utilisant le viseur capuchon. Mais j'ai la double mesure : intégrale et spot sur 3°.
Pas de moteur, relativement peu d'automatismes. Quelques innovations géniales, comme la bascule de l'objectif sur ± 8, des accessoires intelligents et bien conçus.
Bref, un appareil pour travailler comme j'aime, lentement et en réfléchissant bien avant de faire chaque photo, sans devoir subir la technique. Je retrouve la manière de travailler à la chambre que j'apprécie tant.
Quand on manipule ce boîtier, on a tout de suite l'impression d'utiliser une belle pièce de mécanique et d'horlogerie. Aucun besoin d'acheter une poignée, tellement il tient bien en main.
Je n'ai jamais trouvé un appareil dont toutes les commandes tombent aussi agréablement sous les doigts (identiques aux commandes des bi-objectifs), tout est très souple, doux à utiliser. Si je devais employer un seul adjectif, je dirais "onctueux".
On a le sentiment d'utiliser un appareil qui a été pensé et conçu par des photographes pour des photographes, pas par des ingénieurs pour des photographes. J'ai pu me procurer des objectifs Zeiss traités HFT de la dernière génération couplés au posemètre. C'est un régal à utiliser.
Je sais que je vais probablement me faire qualifier de stupide par les Bladistes (et peut-être aussi par certains utilisateurs de Rollei 6008), dont je ne conteste pas le choix ni la qualité des matériels. Mais je le leur laisse. Trop de facteurs négatifs accumulés sur les Hasselblad : fiabilité, prix, ergonomie...
Je sais aussi que beaucoup sont très heureux de leur 500 ou de leur 501, qu'ils n'ont jamais eu de problème. Mais je n'ai pas voulu courir de risque.
On pourra me sortir une liste d'arguments pour me dire que d'avoir acheté un boîtier qui n'est plus fabriqué depuis 1992, et qui est sorti en très petite quantité des usines d'Oberkochen (3500 exemplaires, ça ne court pas les rues) est une superbe connerie.
Mais je ne regrette pas un seul instant ce choix. J'ai au contraire l'impression d'avoir eu un coup de chance et d'avoir trouvé l'oiseau rare. On en parle très peu, puisqu'il n'est plus fabriqué. (Mais les Hasselblad 200 non plus, ni les anciens SLX et 6006 de Rollei, ne sont plus fabriqués).
Quand on voit la durée de vie des boîtiers numériques, je m'interroge sur ce que sera la durée de vie d'un digital, même professionnel, dans les années à venir...
Les optiques Zeiss du SL66SE n'ont que la commande des diaphragmes, ce qui les rend plus robustes, plus légers et d'un prix plus abordable que les objectifs des 600x, bien plus sophistiqués, mais peut-être plus fragiles, ou ceux des Hasselblad avec leur obturateur central (également fragiles, si on voit la liste des blocages qui surviennent).
Je n'ai pas encore eu l'ombre d'une difficulté ni d'un blocage en l'utilisant. Je ne suis pas obligé de subir les manipulations que je déplorais sur le RB67 et qui est le lot quotidien des utilisateurs des 500 : Armer l'obturateur, armer le boîtier ou tout se bloque... Pas très chaud pour recommencer.
Donc je confirme : Rolleiflex sans hésitation et sans regret.
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