Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 12-12-2004 22:30
Quelques "souvenirs" comme base de réflexion sur les méthodes dites 'de Fourier' en restauration d'images... il y a 20 ans (20 ans en matériel et logiciel pour traitement des images, c'est une ère géologique, donc considérer ce qui suit comme de l'histoire de la technique ;-)).
La première idée est d'identifier si le défaut est le même pour tous les points de l'objet émettant de la lumière ou s'il varie selon le point considéré dans le champ. Je m'explique : dans le cas du télescope Hubble tous les objets sans contestation possible sont à l'infini et toutes les étoiles quelle que soit leur place dans le champ renvoient peu ou prou la même tache de diffraction-aberration au niveau du film, chaque tache a la couleur et la luminosité de l'étoile visée mais est centrée sur l'image géométrique de cette étoile.
Dans ce cas sans que le travail soit forcément facile, on a au moins un premier point d'attaque efficace pour la restauration d'images en utilisant les méthodes de traitement par spectre de Fourier. L'idée est que dans les conditions où la tache-image d'un point est la même partout dans le champ à une translation près et à un facteur de luminosité près, on peut modéliser simplement l'effet de la dégradation de l'image par un filtrage sur le spectre de l'image, ce filtrage comme en HI-Fi étant de multiplier le spectre (des fréquences spatiales en contratse fonction des pl/mm) de l'image par une fonction qui atténue les fréquences spatiales de l'image. Mathématiquement on parle de convolution pour modéliser l'effet de brouillage et de dé-convolution pour la restauration. On peut calculer cette fonction de filtrage connaissant le défaut, il suffit, en rêvant un peu, de diviser le spectre de l'image brouillée par la fonction de filtrage (égale au spectre de Fourier de la tache-image d'un point), on récupère le spectre d'origine de l'image, puis du spectre on retrouve l'image non brouillée par transformé de Fourier inverse.
Tout se ramènerait donc à calculer des transformées de Fourier bi-dimensionnelles sur un grand nombre de points. Dès l'époque des cartes perforées en Fortran on faisait cela à tour de bras, maintenant c'est un clic de souris dans un menu déroulant ....
Ces traitements mathématiques sont accessibles facilement à n'importe quel ordinateur grand public. Il y a par exemple un greffon logiciel 'Fourier' pour le GIMP ... mais il est un peu difficile à manipuler. Avec un logiciel mathématique comme MATLAB le traitement des images sus-mentionné est un exercice académique très facile avec les machines actuelles.
Quelles sont les difficultés réelles après cette description optimiste : elles sont de plusieurs ordres.
La première est que la fonction de filtrage, en particulier pour le défaut de mise au point, a le mauvais goût d'avoir des zéros, donc impossible de diviser le spectre de l'image par zéro pour retrouver ce qu'il y avait avant pour certaines fréquences spatiales ; il n'y a, hélas, que chez Raymond Devos que "trois fois rien, c'est déjà quelque chose" ;-);-)
Les physiciens se sont moqués de cette affaire méthématique en arguant qu'il y avait toujours un peu de bruit dans l'image et qu'en étant raisonnable sur la qualité d'image restaurée, une petite division par presque zéro mais pas tout à fait était possible sur un nombre discret et limité de fréquences spatiales 'perdues' ;-) d'où de nombreux travaux pour optimiser le traitement de façon approchée. Je pense qu'on a fait beaucoup mieux depuis 20 ans donc je n'insiste pas sur cette méthode classique.
La deuxième difficulté plus sérieuse survient dans toutes les situations photographiques ordinaires où se superposent plusieurs projections des différents plans de la scène volumique enregistrée. En effet seul un plan est rendu net, les plans adjacents se projetant défocalisés avec un tache de flou qui dépend de la distance entre le plan de mise au point et le plan hors mise au point. Dans le modèle géométrique la tache-image est la projection de la pupille de sortie sur le film, projection cônique centrée sur l'image géométrique nette du plan conjugé du plan objet, qui ne coïncide pas avec le film placé conjugué du seul plan effectivement net. Que l'appareil soit basculé ou pas d'ailleurs cela ne change rien sur le fond, cela ne fait que compliquer l'allure des taches de défocalisation qui deviennent des ellipses variables dans le format !!
Chaque tache de défocalisation (en négligeant les bascules) a donc potentiellement un diamètre variable selon l'emplacement du point objet dans la scène et à moins de connaître par une base de données informatique la position de tous les points de départ en 3-D, il est difficile de démêler la contribution des différents plans dans cette effoyable superposition de taches fantasques.
Nénanmoins le problème est connu depuis... au moins 20 ans ; en terminologie anglo-saxonne le premier cas s'appelle de façon futuriste : 'space-invariant point-spread function' ou en français : réponse impulsionnelle invariante dans le champ. Le deuxième cas, plus difficile, est celui où la réponse impulsionnelle (l'image d'un point source) est variable en dimension et en forme d'un point à l'autre du champ.
Autrement dit, si vous photographiez un objet plat ou à l'infini, légèrement défocalisé, avec une très bonne optique, vous êtes dans la configuration 'Hubble-myope' et à condition d'avoir étalonné le défaut et d'en avoir calculé la transformée de Fourier, moyennant de diviser allègrement par zéro s'il le faut ;-);-) M. Fourier et ses émules vous proposeront une solution approchée raisonnable.
Dans les années 1950, on savait déjà faire des tranformées de Fourier de façon anlogique-optique, la restauration d'une image défocalisée par ces techniques optiques est présentée dans le Grand Traité Classique 'Diffraction, structure des images' (chez Masson) de nos bon maîtres Françon & Maréchal qu'il nous plaît de saluer au passage.
Dans le deuxième cas... tache-image variable dans le champ.. la question est à poser à un spécialiste car il y a sûrement eu des progrès considérables dans les approches du problème.
Par exemple, juste pour donner une idée de progrès récents, après des décennies d'hégémonie, les méthodes de Fourier d'abord optiques-analogiques puis numériques sont maintenant complétées par d'autres méthodes comme les décompositions en spectres d'ondelettes, méthodes censées faire merveille en compression d'image (JPEG classique = Fourier numérique limité par certains artefacts, JPEG 2000 = ondelettes, a priori meilleur).
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