Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 17-11-2004 13:01
La question de la profondeur de champ est souvent posée en prise de vue, surtout pour comparer le petit, le moyen et le grand format ; en projection je n'ai jamais lu ou entendu quoi que ce soit à ce sujet, ce qui ne veut pas dire bien au contraire que le problème n'existe pas. On est donc très content de voir une question sur ce forum soulever un problème nouveau. La faute en est à tous ces photographes qui ne veulent plus entendre parler de la projection optique directe !! C'est vrai qu'une vidéo-projection d'après une numérisation, même avec les excellentes valves optiques à micro-miroirs slicium, cela reste un peu faiblard comme définition d'image !! (mais la technique progresse chaque jour !!)
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D'abord je préférerais parler de profondeur de foyer, le problème posé consiste à chercher la tolérance de placement de la diapo au voisinage du foyer de l'objectif du projecteur. Au voisinage du foyer car on projette avec un grandissement très supérieur à l'unité, pour qu'une diapo 6x6 commence à être un peu percutante il faut du 1,5mx1,5 mètres minimum. Plus près, avec une image en-dessous du mètre carré, la luminosité en 6x6 devient, même avec un vieux SFOM, parfois excessive ce qui n'est pas le moindre des paradoxes. Donc si on a 1500 mm /56 mm cela nous donne un grandissement de l'ordre de 25, l'écart entre le film et le foyer de l'objectif de 150 du 6x6 lorsque la netteté est faite est le 1/25 de la focale soit 6 mm. En 24x36 avec un 90 cet écart se réduit à 3,6 mm pour ce même grandissement de 25 mais c'est une fausse piste. Pour que l'image 24x36 soit aussi grande que la 6x6 en diagonale il faut passer au grandissement 1,8x25 = 45 avec un écart film-foyer de 2mm. Le problème n'est pas là mais les données sont fixées, à très peu de choses près on est dans les deux cas en infini-foyer pour le problème de la dimension de tache de défocalisation telle que le modèle géométrique classique le prédit ; l'analyse est donc simplifiée.
En l'absence de toute expérience quantifiée sur ce sujet, on est donc libre en attendant que des témoignages contradictoires se fassent jour, d'essayer d'imaginer un modèle simple pour comparer la profondeur de foyer (PdF) pour la projection 24x36 et la projection 6x6.
Toute analyse de PdF achoppe au démarrage sur la définition de ce qu'est une netteté acceptable. Une fois qu'on s'est mis d'accord sur un critère raisonnable, il n'y a plus qu'à tourner une petite manivelle dont les conclusions peuvent parfois être contraires à l'intuition.
Vous êtes donc libre de regarder cette image projetée de 2,25 mètres carrés à 10 cm à la loupe ; comme le dit Henri Peyre la haute résolution c'est la liberté de choisir sa distance d'examen, d'entrer dans les détails de l'image et d'en ressortir librement. Vous pouvez observer cette image comme depuis le rang du fond d'une salle de cinéma, avec une distance plus grande que la diagonale de l'image.
Pour fixer les idées, on va supposer une prise de vue sur focale standard, focale égale à la diagonale du format et observée en projection à une distance égale à la diagonale de l'image projetée. Dans ces consitions, le rendu de perspective est le rendu "naturel" c'est à dire pour un paysage que l'angle sous lequel vous voyez les objets lointains sur l'image est le même que ce que vous voyiez à l'oeil nu. Loin de moi l'idée de préconiser la Distance Unique d'Observation Obligatoire sous peine d'opprobre photographique, bien au contraire, l'utilisation de longues focales ou de grands angulaires nous amène à ne jamais respecter en projection cette perspective "naturelle". On voit qu'il y a un paramètre 'distance' d'observation de l'image qui est très flou et laissé au libre arbitre de chacun.
Fixons nous donc pour simplifier une prise de vue comparée 6x6 - 24x36 avec la focale normale de chaque type de film, 43 mm pour le 24x36 et 80 mm pour le 6x6 ; observons l'image projetée à une distance égale à la diagonale de l'image projetée. On est dans ce qu'on pourrait appeler les conditions standard d'observation, celles qui permettent de dériver le cercle de confusion ramené au niveau du film comme étant égal à la diagonale du film (ou la focale standard, par hypothèse dans notre cas) divisée par 1720 pour un critère angulaire de pouvoir séparateur visuel de deux minutes d'arc ; une valeur très classique mais qu'on peut discuter.
Dans ces conditions, sachant qu'on est à très peu de choses près en conjugaison infini-foyer même en 6x6, la profondeur de foyer est égale selon la formule classique à +- Nc où N est l'ouverture numérique de l'objectif, disons 2,8, et "c" le critère de netteté en f/1720. Pour le 24x36, c=25 microns (c'est plutôt sévère par rapport à la valeur consacrée de 33 microns) pour le 6x6 c=46 microns. Il y a donc un rapport 1,8 entre les deux profondeurs de foyer en faveur du 6x6.
Rappelons encore que prendre N=2,8 est tout à fait hasardeux dans un éclairage très dirigé de type classique (montage de Köhler) où le petit modèle simple du disque de confusion bien circulaire est une approche trop simpliste : le "disque" de confusion serait plutôt une image du filament de la lampe mélangé d'un halo diffus circulaire ! on ira définir un critère de de netteté avec une tache comme celle-là !!
On arrive donc après un empilement assez laborieux d'hypothèses académiques au résultat intéressant qui est :
la tolérance de placement en 24x36 sera égale à +-70 microns, en 6x6 elle sera de +- 128 microns ; quel que soit le critère "c" choisi, toutes choses égales par ailleurs on gagne ce facteur 1,8 sur la précision de placement de la diapo en 6x6
Donc, effectivement, on peut penser que si le cache carton est inacceptable en 24x36 (certes, il y a l'astuce des optiques CF à courbure de champ volontaire, elles ne compensent que le bombement moyen du film, pas les torsions éventulles des caches !) on peut être un peu plus tolérant en 6x6... mais comme le dit René Bouillot dans son livre 'Pratique des Moyens Formats : " En moyen format professionnel on vise l'excellence, il n'y a pas de raison de relâcher le critère de netteté par rapport au 24x36.
On pourrait ajouter que si la prise de vues est servie par des optiques moyen format professionnelles qui tiennent sur tout le champ 56x56 la même performance (et peut-être même mieux, Zeiss l'affirme) que les optiques 24x36 sur champ 24x36, en projection on essairera de placer la diapo au mieux. C'est assez facile de placer un cadre bien rigide d'une diapo avec verre à mieux qu'un dixième de millimètre par simple appui sur une glissière bien rectifiée. C'est plus difficile avec un cache carton, reste à voir si le gondolage du film laissé libre dépasse ou pas ce dixième (+-128 microns dans notre modèle pour le 6x6).
Un dernier mot concernant la projection d'images animées. La problématique est très différente. En effet il y a un petit miracle physiologique qui fait apparaître la succession des images animées du cinéma traditionnel comme bien plus nette que chaque image prise individuellement. En particulier le grain qui diffère d'une vue à l'autre disparaît par un heureux effet de moyenne, les petits écarts de mise au point d'une vue à l'autre ne sont pas trop gênants. Par parenthèse il serait intéressant de quantifier l'impression de netteté en vidéo projection avec les meilleurs sytèmes à trame quadrillée fixe comme les micro-miroirs ; cette trame est la même pour toutes les images qui se succèdent, on ne peut donc plus compter sur l'effet de moeyenne du grain de la pellicule classique. Bon c'est un autre débat mais vu la folle pression délictueuse concernant le vol de vidéo projecteurs dans les institutions qui sont en train de s'équiper progressivement, (cela va jusqu'au démontage par les voleurs d'appareils vissés au plafond) on se dit qu'on bon gros Göttschmann enchaîné au mur par un gros câble de marine mettrait les institutions à l'abri de ce risque-vol-vidéo. Dommage il faudrait payer pour ce cher rollfim et ces chers cadres anti-newton ; mais avouez que dans une conférence de bon niveau, plutôt que la clé USB incontournable, une élégante mallette de cuir contenant les paniers diapo 8,5x8,5 d'une main, le Göttschmann sur poussette dans l'autre main avec son câble et son cadenas, cela aurait autrement plus d'allure ;-);-);-)
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