Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 29-09-2004 10:57
Les « prosélytes » de galerie-photo réussissent tellement bien à persuader les lecteurs de s'équiper d'appareils moyen et grand format à film qu'il leur faut maintenant rassurer les nouveaux convertis sur la pérennité de la fourniture des consommables. C'est un de nos thèmes de discussion favoris.
On évoque parfois pour les rassurer la non-extinction du disque vinyle, l'existence d'un stock de film super-8 ou 9,5mm, ou bien encore la renaissance de la Harley Davidson et son moteur qui ne tourne pas rond (bruit breveté pour éviter d'être copié par la concurrence).
Tout ceci n'est guère rassurant à mes yeux car il est infinement désagréable d'être classé dans la catégorie des « vieux-qui-freinent-le progrès » en s'accrochant désespérément aux causes perdues dans une fuite en avant d'arguments de plus en plus minces. Galerie-Photo c'est tout sauf cela, j'oserais dire que galerie-photo a également l'ambition d'être l'un des sites de référence en matière d'image numérique de haute résolution.
Nénanmoins, une récente expérience personnelle en matière de « causes perdues » devrait inciter, par analogie, à l'optimisme concernant la founiture de films & chimies associées.
Nous rendant en famille ce samedi 25 septembre 2004 à la fête du train à vapeur à Vallorbe (Suisse), je me suis fait la remarque qu'il y avait certainement de plus en plus de trains à vapeur qui circulaient en Europe de l'Ouest. Je passe sur le côté brillant et peaufiné des machines entretenues par des associations de passionnés ( « on mangerait par terre » comme on dit ironiquement en Franche Comté), pour en arriver à une question cruciale : et le charbon ?
Certes, on peut imaginer une loco à vapeur avec un brûleur mazout ; mais sans escarbilles et sans taches noires sur les habits à la descente du train, où serait le plaisir ?
Discutant en fin de journée avec l'un des bénévoles organisateurs, membre de l'association Vapeur du Val de Travers (VVT) je m'étonnais de ce que le camion de charbon au travail pour l'intendance de la journée soit venu d'aussi loin que Heilbronn en Allemagne. Le camion était en train de refaire le plein d'une superbe loco bleue carénée, frappée de l'aigle polonaise, récemment acquise par le VVT et qui devait retourner à son dépôt de Saint Sulpice (NE).
« Vous comprenez, me dit l'homme du VVT, nous sommes très exigeants sur la qualité du charbon. C'est une question de granulométrie. Nous avons trouvé un fournisseur de confiance à Heilbronn qui nous approvisionne d'un excellent charbon de Silésie. De cette façon nos machines ont un fonctionnement parfait (en Suisse, on dit : tip-top), nous n'accepterions pas de charbon ordinaire ».
Il était un peu tard pour titiller notre homme sur les dangers du travail à la mine, pour lui demander s'il avait vu un documantaire « Silésie/charbon » sur Arte, ou encore s'il avait un avis sur le problème qui va se poser à terme à la Pologne qui dépend très fortement de son charbon pour son approvisionnement énergétique.
Finalement, en comparant les situations des passionnés de trains à vapeur avec celle des amateurs de plan-films, je me suis fait la réflexion que, plutôt qu'un Conservatoire National du Gélatino-Bromure Français qui serait financé par une taxe para-fiscale sur la vente d'appareils silicium (une astuce désormais rigoureusement interdite par « Bruxelles »), je me rangerais finalement volontiers à l'avis des plus optimistes photographes moyen et grand format nord-américains : laissez faire le marché, le mieux que vous puissiez faire pour défendre le film est d'en acheter, il y aura toujours des entreprises pour fournir les consommables & services associés à la photo sur film s'il y a des consommateurs pour en acheter.
Comme cette entreprise de Heilbronn, founissant à la demande d'excellents « Kohlen und Heizöl » jusque dans le Jura. Au passage j'ai pu me rendre compte que, de même que les films ont fait des progrès entre 1960 et 2004, de même, le métier de livreur de charbon a évolué dans le même temps. Dans mon enfance j'ai encore vu une voiture tirée par un cheval apporter les sacs de charbon devant la maison suivi du pénible coltinage jusqu'à la cave. Là, je ne dis pas que le livreur aurait pu travailler en gants blancs, mais la benne télécommandée dont il se servait et l'excellence du charbon peu poussiéreux qui'il livrait lui aurait certainement permis de venir au vin d'honneur sans changer d'habits ;-);-)
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