Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 01-10-2004 10:10
Cette discussion me fait penser que je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de supérieur comme posemètre à une pré-visualisation de la scène enregistrée par un capteur d'images silicium.
Si on essaie de convertir le degré d'angle du spotmètre en pixels-spotmètre équivalents, pour un appareil 24x36 qui serait équipé d'un 21 mm (90 degrés sur une diagonale de l'ordre de 45 mm) cela nous donne 1/2 mm par degré pour un décompte final de l'ordre de 48x72 = 3456 pixels-spotmètre.
Autrement dit l'appareil numérique en tant qu'assistant est un serviteur zélé qui apporte au Maître sur un plateau de silicium une feuille de données de plusieurs millions de valeurs de luminances couvrant toute la scène, que le photographe peut ensuite combiner à sa guise. C'est donc au bas mot mille fois plus riche que le balayage intégral au spotmètre. Et plutôt deux à trois millions de fois plus riche qu'un piquage de deux ou trois luminances au spotmètre. Certes, deux ou trois luminances, mais choisies avec le discernement du connaisseur qui préférera trois bonnes bouteilles de Chablis Grand Cru à trois hectolitres de vin de table : j'en conviens.
Mais au crédit des méthodes de force brute de l'informatique, il faut porter le fait que le photographe du XXI-ième siècle peut combiner ses pixels par paquets de 1 degré avec un petit curseur qui défilerait sur son écran de pré-visualisation. Il peut regrouper ses pixels par grosses zones et chercher dans une base de données standard comme dans une mesure matricielle d'appareil à film. Il peut mimer une mesure centrale pondérée. Il peut même transformer son appareil numérique en posemètre de lumière incidente en le coiffant d'une belle calotte hémisphérique blanche étandant son angle de vue au demi-espace.
Qu'on ne vienne pas m'objecter que tout ceci demande du temps de calcul, c'est typiquement le genre d'arguments dont le traitement numérique se moque déjà avec insolence et dont il se moquera de plus en plus avec les années qui passent.
Concernant le calage d'une dynamique par histogramme, je me rappelle avoir utilisé avec succès une analyse de l'histogramme cumulé pour caler correctement des images issues d'un traitement numérique 100% en aveugle. L'histogramme cumulé, c'est le nombre cumulé de pixels dont le niveau est inférieur ou égal à une valeur donnée (c'est à dire l'intégrale de l'histogramme simple). Je calculais donc l'histogramme cumulé de mon image et je décidais arbtrairement de forcer à zéro tout ce qui représentait 1% des pixels les plus sombres et de forcer au maxi 1% des pixels les plus brillants. ce "seuillage" 1%-99% était bien entendu arbitraire et totalement paramétrable
ISEUILB = 1
ISEUILH = 99
comme je l'écrivais dans mon programme FORTRAN. Ensuite je re-numérisais mes valeurs sur 8 bits pour l'affichage final entre le MIN et le MAX déterminés par cette méthode d'analyse de l'histogramme. Sur mes images, cet histo-cumulé avait l'allure d'une belle courbe en S qui n'était pas sans rappeler la courbe de noircissement d'un film. Pure analogie évidemment mais courbe plus sympathique que mes histogrammes simples qui étaient horriblement griffus.
Cela marchait parfaitement en donnant des images toujours bien calées. Si cela se trouve la méthode est appliquée dans les posemètres des appareils numériques. Et si elle n'est pas brevetée, eh bien trop tard, je viens de la décrire dans un document public, tout le monde peut s'en servir librement ;-);-) On calculerait l'histogramme cumulé de la pré-visu, on verrait où cela tombe et on corrigerait le temps de pose en fonction, tout cela automatiquement. L'histogramme cumulé est beaucoup plus lisse que l'histogramme simple, il se prête mieux à des prises de décision robotisées par analyse de seuillage ou de forme de courbe.
Pour dériver un peu il me semble que l'un des thèmes qui sous-tend nos discussions sur galerie-photo est l'opposition entre la maîtrise créative et l'automatisation productive. C'est une constante en photographie depuis le viseur à miroir reflex la chambre daguerréotype, censé, j'imagine, améliorer la productivité du photographe de 1840. Par exmeple, le tirage numérique étalonné a pour but de rendre automatique le calage colorimétrique d'un tirage, pour qu'il n'y ait plus qu'à appuyer sur le bouton 'run' pour que le programme-robot sorte le truc parfaitemant reproductible. Un rêve pour la production. Un cauchemar pour celui qui voudrait tout maîtriser à la main. En face du robot il y a l'exigence de l'artiste ou de l'artisan qui se sent dépossédé de son habileté manuelle, tel le canut devant le métier à tisser. L'analyse automatique de l'histogramme de l'image numérique censée donné LA réponse ultime est une tentation naturelle. Je note qu'à l'évidence Henri Gaud, en grand zélateur des qualités prouvées de la capture numérique directe, ne veut pas se laisser déposséder de sa prise de décision humaine pour l'exposition.
Et on le comprend, car finalement l'automatisation parfaite de l'exposition c'est aussi la démarche de ceux qui ne jurent que par la calotte de lumière incidente : surtout ne pas regarder l'image, surtout ne pas en déguster finement les luminances, seulement appuyer sur un bouton censé donner le résultat parfait automatiquement.
Vision insoutenable, on en conviendra.
L'autre conclusion personnelle est qu'étant moi-même resté à l'enregistrement audio sur bande de 6,35 sans jamais avoir acheté de platine-cassette décente, je sauterai sans doute un jour directement du UHER-report à bandes au successeur numérique de l'enregistreur DVD portatif.
De la même façon, l'idée de court-circuiter le spotmètre cher à Henri G. pour sauter directement de la sélénium du Rolleiflex à un petit esclave numérique est irrésistible. Ce petit appareil au service de la chambre grand format, ressemblerait à un appareil de prise de vue numérique. Il me servirait de cadreur zoom ultra-léger. Il me mesurerait les luminances comme je voudrais par des méthodes raffinées d'analyse d'image que je pourrais charger moi-même dans l'appareil après m'être approvisionné aux meilleures sources dans un vaste catalogue libre et gratuit que les universitaires du monde entier mettraient à ma disposition (le système d'exploitation gérant l'appareil serait sous linux, bien entendu). On rangerait alors le spotmètre, même celui de chez M...a, au musée à côté de la Weston, celle-ci d'ailleurs lui réserverait un accueil chalereureux.
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