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 réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   28-09-2004 21:02



je voudrais réagir brièvement au texte de Jean-Lou Poutay, qui présent de nombreuses qualités, mais dont on sent l'origine phénoménologiste, et les confusions afférentes.

Si Merleau-Ponty n'a pas parlé de photographie, c'est que, comme la grande majorité des autres philosophes, il est complètement passé à côté... alors que la photographie est justement "l'objet" le plus philosophique qui soit . Il est philosophique en ce qu'il déroute les théories anthropocentrées, le verbiage philosophique. Il est philosophique pour la raison même qui fait penser à Merleau-Ponty qu'il ne permet pas un "regard" : c'est un dispositif physico-chimique, qui laisse les choses se dérouler en dehors de l'homme. Dans une photo (argentique), les choses se passent entre la lumière, qui est bien la choses la plus déroutante et la plus étrangère aux conceptions anthropocentrées qui puissse être (onde et corpuscule, particule sans masse, isotropie, constante d'univer h, et j'en passe), et la chimie, qui est à peine moins déroutante (on n'a découvert qu'en 1986 les mystères du développement photographique - l'effet quantique de masse). L'homme, n'intervient là dedans que comme un intermédiaire décentré. La rupture fondamentale est que l'homme n'est plus au centre des choses, mais qu'il se tient comme un aiguilleur du visible (je fais bref).

En fait, l'estjétique et la philo sont dans un tel état que je ne sais trop par où commencer. Pour ceux que ces sujets intéressent, le mieux est de lire La Philosophie de la photographie d'Henri Van Lier (cahiers de la photographie), et de poursuivre par son chef d'œuvre, qu'il vient à peine d'achever : l'anthropogénie, sur www.anthropogenie.be


Attention, faut quand même être motivé, c'est pas de la gnognote. C'est dure à avaler, mais je peux vous garantir qu'une fois qu'on a digéré le lot, le monde paraît vachement plus simple, y compris la phénoménologie de Merleau-Ponty.

Salutations philosophico-photographiques


Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: guillaume P 
Date:   28-09-2004 21:38

L'auteur s'appelle Jean-Lou Tournay, et non Poutay…
Vous parliiez de confusions… ??!!

Quand au texte que vous proposez, c'est pas de la gnognote, ça pour sûr !!! : )
Si vous pouviez m'en donner un résumé, je serai ravi, parce que c'est pas seulement dur à avaler, c'est bel et bien indigeste, motivé ou pas !


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   29-09-2004 14:31

"L'homme, n'intervient là dedans que comme un intermédiaire décentré. La rupture fondamentale est que l'homme n'est plus au centre des choses, mais qu'il se tient comme un aiguilleur du visible (je fais bref)."


mais pourquoi ne voyez-vous pas la photographie entre l’homme et le réel ? C'est-à-dire que la photographie n’est simplement qu’un outil qui permet un jeu de sur la représentation. L’homme étant celui qui joue de ces représentations. La photographie étant outils comme les autres sauf qu’il a quelques chose de plus transcendantal. Mais on peut tout à fait considérer La lumière comme étant simplement le vecteur entre le processus chimique et le sujet photographié.

Pensez vous que la photographie est si différente que la peinture ?

La aussi c’est bref.

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   02-10-2004 20:39

Le fait qu'avec la photo, l'homme soit décentré, est un constat bêtement technique.

Avant la photo, avec les arts traditionnels, la représentation suivait toujours le circuit suivant : il y a d'un côté le "sujet", ce sujet "passe" par le cerveau de l'artiste, qui le reproduit sur une toile, un bloc de marbre ou autre. Donc, l'homme est au centre du dispositif. Il est entre le sujet et sa représentation. La rupture ontologico-philosophico-métaphysico-etc. introduite par la photo est que l'homme n'est plus au centre, il est sur le côté, au sens propre avec les chambres photo de l'époque. C'est un changement conssidérable pour l'être humain, qui va d'ailleurs donner naissance, dixit Van Lier, au monde 3 (le monde actuel), avec quelques autres événements majeurs comme l'électricité, la thermodynamique, la physique quantique, etc.

Pour ce qui est de la peinture, c'est un compliqué (en fait c'est très simple pour ceux qui ont digéré la philo de Van Lier) : disons qu'après l'apparition de la photographie, la peinture s'est mise à prendre pour thématique (là il faut faire la différence entre le sujet fondamental d'un artiste, et ses thèmes) les dimensions fondamentales de la photographie, dans leur ordre d'évidence ! Autrement dit, d'une certaine façon, les peintres se sont mis à faire de la photo sans le savoir ! Il n'y aurait pas eu l'impessionnisme, ni le cubisme, et encore moins le surréalisme (les téléscopages aberrants de choses et d'être sont vraiment l'une des données de base de la photo) ni la plupart des grands mouvements artistiques sans la photographie.

Tout ça est dans philo de la photographie, et surtout dans l'anthropogénie, qqui est vraiment l'un des sommets de l'esprit humain;

Salutations


Denis



La lumière comme étant simplement le vecteur entre le processus chimique et le sujet photographié.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   02-10-2004 21:21

Je n'ai pas encore lu Van Lier mais peut être vous pourrez me préciser certaines nuances

Corot peint un paysage: en reprennant votre proposition "il y a d'un côté le "sujet", ce sujet "passe" par le cerveau de l'artiste, qui le reproduit sur une toile", je me permet d'ajouter entre lui et sa surface vie il y a de l'huile, des pigments, des pinceaux, une technique on va dire pour faire vite.

Gustave LeGray photographie un paysage: j'ajoute en reprennant "il y a d'un côté le "sujet", ce sujet "passe" par le cerveau de l'artiste, qui le reproduit sur une surface sensible; il y a entre lui et sa surface une boite, des lentilles et de la chimie.


pardon si c'est bêtement technique mais ....en quoi le peintre est-il moins à l'extérieur de son médium que le photographe?

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   03-10-2004 18:29



Dans le cas de Le Gray, le sujet ne "passe" pas physiquemenent, concrètement, par le cerveau de l'artiste : ça se passe en direct entre le paysage et une plaque sensible, via des photons.
Le photographe a fait le choix du cadre, il n'est pas passif, mais il n'est pas au centre pour autant. C'est vraiment très simple, il faudrait faire un dessin pour que je sois plus clair.

Pour le reste, vous avez raison d'évoquer la technique : il y a d'énormes différences entre les matériaux du peintre, qui ont une épaisseur organique, proche du corps humain, et ceux du photographe, les photons et la plaque sensible, qui eux, n'ont aucune résonance avec le corps. Comprenez bien que ce que je dis là n'a absolument rien de péjoratif pour la photo, mais alors pas du tout. Simplement, son introduction a changé beaucoup de choses pour les cervelles humaines, et en particulier pour celle des peintres !

Cordialement

Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   03-10-2004 19:06



Je vais préciser un peu ma réponse, car je crois comprendre que vous ne situez pas bien où se situe finalement la différence entre photo et peinture, qui sont toutes deux des disciplines artistiques.

En fait, l'arrivée de la photo a créé une rupture philosophique, perceptive, cognitive, je ne sais trop comment dire, pour les raisons que je vous ai évoqué - l'homme n'est plus au centre du processus.

Mais sur le plan esthétique, son travail se rapproche beaucoup de celui d'un peintre ou de n'importe quel artiste : il s'agit pour lui d'intensifier l'espace et/ou la perception (là encore je fais court). Sur ce plan, il n'y a pas beaucoup de différence avec un peintre, même si les moyens utilisés pour intensifier la perception sont très différents.

Est-ce plus clair ?

Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Henri Gaud 
Date:   03-10-2004 20:03

Bonjour,

>>la plaque sensible, qui eux, n'ont aucune résonance avec le corps.>>

Le procédé gélatinobromure est plus proche de nous que la peinture, ou au moins aussi proche, la gélatine, c'est elle qui est le piège à lumière et le booster de sensibilité pas le cristal de bromure d'Argent, et c'est de la gélatine de boeuf (pas de beauf bien sûr) qui est au coeur du système, c'est un truc bio.

La gélatine synthétique ne fonctionne pas, testé dans les années 30, cela permit, à l'époque, de connaitre vraiment les propriétés de la gélatine de boeuf.
Et l'histoire ne dit pas si les fondamentalistes du moyen orient ne fabriquent pas des émultion casher.

C'est juste pour dire qu'il est dommage d'échafauder des théories sur des contresens ;-)

HG


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   03-10-2004 20:10

Merci Denis de vos précisions, je comprends tout à fait qu'il n'y a rien de péjoratif dans ce que vous dites et surtout il faut parler librement même si dans certains fils il semble que ce soit plus difficile. Mais pour l'instant tout va bien...

Vous soulevez des éléments tout à fait intéressants mais j'en ai une perception différente.

Pour commencer ce qui concerne la différence que vous soulignez entre les matériaux du peintre et ceux du photographe: "qui ont une épaisseur organique, proche du corps humain, et ceux du photographe, les photons et la plaque sensible, qui eux, n'ont aucune résonance avec le corps." c'est une approche comparative des deux média assez fréquente. Je ne suis pas totalement d'accord avec cela.
Cette approche provient tout d'abord de ce qui s'est passé au moment de la divulgation de cette découverte. Au XIX, on a opposé la photographie comme quelque chose de mécaniste, froid qui n'avait rien d'humain, peu à voir aux beaux arts mais beaucoup plus aux sciences (cf la mise en scène de François Arago...). c'est une premier point qui fait que l'on ait pu la considérer comme quelque chose qui est davantage hors de l'homme.

Deuxièmement on a tendance à faire ce raccourci parce que la photo a un aspect transcendantal qui fait que l'on positionne l'homme à coté (de la plaque)

Troisièmement il est parfois dit que la photographie n'a aucune résonance avec le corps. Mais qu'est qui est le fondement de cette affirmation? L'histoire de la photographie montre le contraire. Tout est question de matière, de corps et d'épaisseur. Lisez le manuel de Le Gray (pour rester concentré sur ce personnage) et vous verrez l'importance qui est apportée à la matière de papier, à leur épaisseur, à la viscosité du collodion. Dans les faits les choses sont même plutôt opposées à cette approche de médium sans corps.

enfin c'est aussi parce que la matière image d'un daguerréotype n'est pas visible alors que celle d'une fresque ou d'une huile est largement visible. mais dans la pratique du photographe et du peintre il y a matière. Plongez vous dans les manuels du XIX.

Ces raisons ont fait que l'on a par simplification, peut être par souci pédagogique, mais aussi parce que la métaphore sur ce point pour expliquer des différences entre la photo et la peinture est plaisante.
La photographie froide, fine couche sur du verre, opposée à la matière picturale (expression sortie tout droit de l'histoire de l'art) à l'épaisseur du la pâte.... voilà une belle image.

"Dans le cas de Le Gray, le sujet ne "passe" pas physiquement, concrètement, par le cerveau de l'artiste : ça se passe en direct entre le paysage et une plaque sensible, via des photons.
Le photographe a fait le choix du cadre, il n'est pas passif, mais il n'est pas au centre pour autant. C'est vraiment très simple, il faudrait faire un dessin pour que je sois plus clair."
Pardonnez moi vous répétez votre premier message mais vous n'apportez pas d'argument. Peut être un dessin serait déjà un début de démonstration.

Enfin vous dites que la photo a crée une "rupture philosophique, perceptive, cognitive," là je ne comprends pas....

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   03-10-2004 21:11



Ce que je veux dire - même si certains supports sont plus organiques ou irréguliers que d'autres - c'est que l'image elle-même est extrêmement mince (certains essaient de compenser cela avec des papiers précieux, du velin d'arche ou des choses comme cela - , alors que notre corps est épais, il a un volume, une matière. La peinture est faite de pigments, de liants, qui sont des matériaux "terrestres" proches de notre expérience quotidienne, de notre matérialité. Ce seul fait créé un écart perceptif. Cela n'a rien d'une appréciation qualitative - cela n'enlève rien à la photographie. Alors que le matériau de base de la photo, c'est la lumière, qui appartient à l'univers assez déroutant - pour moi en tout cas - de la phyisique quantique, qui elle, est assez éloignée de notre expérience quotidienne de mammifère supérieur.


Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   03-10-2004 21:25

"Dans le cas de Le Gray, le sujet ne "passe" pas physiquement, concrètement, par le cerveau de l'artiste : ça se passe en direct entre le paysage et une plaque sensible, via des photons. Le photographe a fait le choix du cadre, il n'est pas passif, mais il n'est pas au centre pour autant. C'est vraiment très simple, il faudrait faire un dessin pour que je sois plus clair."
Pardonnez moi vous répétez votre premier message mais vous n'apportez pas d'argument. Peut être un dessin serait déjà un début de démonstration".



Le photographe n'est pas physiquement entre le paysage et la plaque sensible.
Avec une chambre, il est à côté, avec un 24x36, il est derrière.

Le peintre, le scupteur, sont les seuls intermédiaires entre le sujet et sa représentation.

Ce qui fait un différence considérable (mais pas qualitative, je le répète).

La photographie est l'un des agents qui a ouvert le monde moderne, en faisant justement percevoir à l'être humain qu'il n'était pas au centre du monde, mais (j'essaie de trouver une formule) un vivant dans l'univers.

Van Lier dit que la photo nous a fait passer du cosmos-mundus (cosmos a la même racine que cosmétique) à l'univers, ce grand machin difficile à cerner (uni-vers = tourné vers l'un).

Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   03-10-2004 22:12

"certains essaient de compenser cela avec des papiers précieux, du velin d'arche ou des choses comme cela " sincèrement penchez vous sur les sources primaires du XIX avant d'affirmer solidement que c'est une affaire de préciosité. C'est une affaire qualitative mais par rapport au rendu de l'image, comme certains peintres qui choisissent une technique pour obtenir telle rendu. et si le collodion est plus ou moins épais c'est pour assurer simplement la réussite du procédé.

"La peinture est faite de pigments, de liants, qui sont des matériaux "terrestres" proches de notre expérience quotidienne, de notre matérialité." voyez le problème.... là encore l'image est plaisante. Mais il existe de la photographie avec des pigments et des liants comme en peinture. Irais-je pour cela soutenir que la photographie est quelque chose donc de plus terrestre que la musique qui est davantage organique, fait d'essence vivante comme des bois précieux et de peaux tendues! non jamais! et vous non plus. alors pourquoi le faites vous pour la photo?
Mais Denis je comprend bien que vous n'êtes pas en train de créer une échelle de valeur entre la photo et la peinture. Ne vous répétez pas c'est inutile j'ai bien compris que vous ne cherchiez pas à descendre la photo par rapport à la peinture. J'ai bien compris, mais vous aller peut être un peu vite en besoigne. qu'en pensez vous? êtes vous si certain que c'est "un constat bêtement technique."?

Si vous vous basez sur la position spatiale de l'artiste au moment de son travail; je me suis trompé car il ne fallait prendre la proposition suivante qu'au premier degrès: "L'homme, n'intervient là dedans que comme un intermédiaire décentré. " Dans ce cas là je vous suis davantage.

" La photographie est l'un des agents qui a ouvert le monde moderne", d'accord avec vous là dessus. mais pour la suite( "en faisant justement percevoir à l'être humain qu'il n'était pas au centre du monde, mais (j'essaie de trouver une formule) un vivant dans l'univers.") si vous pouvez me précisez à quel moment vous avez senti que l'homme par la photographie n'est plus au centre du monde? Pour ma part je verrai plus une réponse du côté de la philo et bien avant la photographie.

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   03-10-2004 22:13

pardon je ne maitrise pas encore les subtilités de la mise en forme du texte. je voulais simplement souligné le BETEMENT...
romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   04-10-2004 07:40

Je comprends bien le "décentré", au premier degré, du photographe de Denis.
Par ailleurs j'ai fait pas mal de peinture et je ressens encore, de temps en temps, le désespoir que la construction de l'image ne passe pas, comme en peinture, exactement à l'intérieur de mes mains ; qu'elle soit une sorte de magie de l'apparition, même si comme le dit Romain dans cette magie il y ait beaucoup à faire, et qu'il y a aussi de l'organique là-dedans et du manuel. Mais enfin, l'apparition de l'image se fait d'un seul coup, si bien que les recherches sur la qualité du médium sont peu engagées quant au dessin de ce qui apparaît.
Je comprends bien ce que dit Jean-Lou si je le rattache (comme le fait son texte) à l'élaboration de la forme, à une sorte de maturation de la forme qui engage le corps entier.
Jean-Lou insiste beaucoup sur l'art en tant que recherche de la forme et sur le rapport du corps au processus.
Pour ma part, m'intéressant plus au mécanisme de la contemplation, je suis plus intéressé par la charnière entre expression humaine et autonomie de cette expression dans l’œuvre. C'est à dire que la cuisine m'attire peu, et que j'ai l'impression que les souffrances de la cuisinière ne font pas forcément les bons ragoûts (Je concède que le petit père Nietzsche est probablement pour quelque chose dans cette façon de voir, et que la macération des chairs et la souffrance ont depuis ces mauvaises lectures peu d'attrait pour votre serviteur - pardon Jean-Lou, je suis un peu excessif ;-)

Enfin pour Jean-Lou toujours : il y a peut-être 2 façons de parler de l'être au monde : dans son accouchement (quand il se constitue) ou dans sa sublimation (quand il se dilue). La photographie n'est peut être pas taillée pour l'accouchement mais plus pour la sublimation.
Excuse-moi pour ces idées en vrac.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   04-10-2004 08:36

Je trouve très beau ce que dit Henri sur la peinture et la photo.


Il est bien clair qu'une fois que l'on a dit que la photographie avait provoqué un décentrement de l'homme - même si c'est une chose essentielle - on n'a pas dit grand chose sur l'esthétique photographique elle-même.

Personnellement, avec Van Lier, je considère que l'esthétique en tant que théorie n'est pas très compliquée; en revanche, analyser le sujet fondamental d'un artiste - peintre, photographe ou autre - est un des trucs les plus ardus de la planète.



Salutations

Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Paul 
Date:   04-10-2004 09:03

Je crois que Denis ne comprends strictement rien à la philosophie et particulièrement à la phénoménologie...alors arrêtons de dire n'importe quoi...si on ne comprends pas Merleau ce n'est pas si grave bien que cela soit très beau tout de même et je suis heureux de voir un texte sur Merleau...il y a des choses interessantes chez Lévinas dans "Tolatlité et infini" sur la perception et c'est là aussi d'une grande force...bref la philosophie demande un peu de sérieux et quand on y entend rien il est meilleur de faire des photos plutôt que de lire des torches culs et de faire le malin...

et au passage "je considère que l'esthétique en tant que théorie...", l'esthétique ce n'est pas une théorie ...vous commencez mal...

"le sujet fondamental d'un artiste - peintre, photographe ou autre - est un des trucs les plus ardus de la planète..." quand à cette prose je laisse à chacun le choix de juger de sa profondeur...

revoyez votre copie Mr Denis

Salutations


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   04-10-2004 09:21


Vous êtes prof ?


Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Christian Martin 
Date:   04-10-2004 09:29

Je lis et essaie de suivre votre fil avec beaucoup d'intérêt. Malheureusement je n'ai pas ni le vocabulaire, ni la formation pour participer à cette méditation. Pour autant j'essaie de comprendre ce qu'est la différence entre photographie et peinture, ou entre le photographe et le peintre selon vous.

Serait il faux de dire que la différence dans la perception de l’outil à l'usage de l'art est que la photographie doit faire avec les contraintes du visible, alors que la peinture gère les formes sans contrainte? Tout au moins s'il y a contraintes, ce sont celles éducationnelles de l'artiste ? Je ne parle aucunement de technique, mais uniquement du contenu de l'image.

N'est ce pas la ce que vous signifiez lorsque vous écrivez que l'homme est au centre du dispositif en peinture, alors qu’il est décentré en photographie ?

CM


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   04-10-2004 09:55

Paul, à quoi sert d'être si désagréable?

Henri Peyre, je suis d'accord avec vous. Je voulais juste relativiser les phrases toutes faites et les raccourcis fait me semble -t-il par Denis. qualifier la peinture de terrestre parce qu'elle est faite de pigment et de liant me semble un peu léger. tout autant que de dire que la photographie est quelques chose qui est à coté de l'homme au delà du premier degrès...
"La photographie n'est peut être pas taillée pour l'accouchement mais plus pour la sublimation.". justement je crois que le premier aspect a été trop négligé par certains écrits. je n'argumente pas plus pour le moment mais si j'en ai le temps....

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Paul 
Date:   04-10-2004 10:30

en effet vous avez raison , j'ai été un peu désagréable soit ...
veuillez m'en excuser.
Ce qui me gonfle c'est cela: " Si Merleau-Ponty n'a pas parlé de photographie, c'est que, comme la grande majorité des autres philosophes, il est complètement passé à côté."
Mais enfin cette affirmation est totalement stupide !! la phénoménologie débute avec Husserl (avant lui déjà Brentano) (soit il y a déjà des choses chez Kant et Hegel...), elle se prolonge dans le génie d'un homme Heidegger dont le texte "Etre et temps" a sans aucun doute changé totalement la philosophie ! Cette philosophie de l'existence est très grande, elle a le mérite de développer une ontologie fondamentale et de nous familiariser avec nous-même (Da-sein)...bref Merleau Ponty est lui aussi un grand et beau penseur et mérite d'être traité comme tel...il a vraiment écrit des pages magnifiques sur le corps, les signes, la perception...
Bref ces textes demandent "travail et respect" et je ne comprends qu'on puisse écrire une phrase telle que ci-dessus...cette phrase témoigne d'une ignorance manifeste...alors je trouve cela assez lamentable...La philosophie demande du travail et ne tolère pas la médiocrité faute de quoi, elle tombe dans le "le verbiage philosophique" (quelle honte d'écrire cela...)...
Bref à nouveau, ici il y a manifestement une ignorance formidable qui s'ignore...
Faisons des photographies....et arrêtons les conneries ...de grâce...


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   04-10-2004 11:10

Paul
Hélas je ne connais pas grand chose à la philo et guère plus à Merleau-Ponty que j'ai croisé sur quelques textes d'histoire des sciences....

quels textes en rapport plus ou moins proche de la photographie me conseilleriez vous de lire?

Romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Paul 
Date:   04-10-2004 12:32

et pis pourquoi ne pas se dire que je peux vous passer des choses concernant la philosophie et peut être pourriez-vous m'apprendre à utiliser une chambre ?
Sinon pour les textes je ne sais pas, je pense à Lévinas mais c'est assez difficle d'accès mais pourquoi pas...


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   04-10-2004 13:13



C'est vrai, j'ai fait un peu de provoc au début sur la phonoménologie, mais c'était pour établir le contact... Ceux qui souhaitent se faire une idée sur la question, iront voir le chapitre 24 B 3 de l'anthropogénie (www.anthropogenie.be texte complet) , tout y bien mieux dit que ce que je ne pourrais le faire.

Je pourrais mettre l'extrait dans mon message, mais je ne pense pas que ce soit la vocation du site.



Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   04-10-2004 13:24

Christian,


je ne pense pas qu'il soit bon de toujours comparer ou opposer la photo et la peinture. D'une certaine façon, tous les artistes cherchent à faire la même chose : de l'art (j'en connais deux définitions acceptables).

Pour le reste, ils utilisent des médiums différents, qui ont tous leurs contraintes propres.


Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: jean-louis SALVIGNOL 
Date:   04-10-2004 13:43

Cher Paul,

Le progrès est donc sans fin.

J'ai eu le plaisir de participer aux cours de G-GG il y a bien longtemps, avec un vieux camarade, Jean-François Mattei (pas le ministre, le philosophe). Il ne m'était vraiment pas apparu à cette lointaine époque pré-68, que le principe d'autorité fut très philosophique.

Mais avec le temps on idéalise tout.

JLS


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Christian Martin 
Date:   04-10-2004 14:37

Denis,
Je ne cherche pas à comparer, ni à opposer photographie et peinture. Je disais seulement que je cherchais à comprendre l'expression du "au centre du dispositif en peinture, alors que l'homme (l'artiste) est décentré en photographie".

Par contre je me permettrais d'exprimer mon désaccord sur ce que vous dites à propos de ce que cherche à faire un artiste. Dans ma perception de la chose, un artiste cherche à s'exprimer avec son art. Il ne cherche pas à faire de l'art, à moins que dans votre définition de l'art, art veuille dire moyen d'expression. Il est vrais néanmoins, qu'une partie des peintres et des photographes cherchent à, ou pensent "faire" de l'art. Mais savoir peindre et savoir techniquement faire une bonne photographie ne veut pas nécessairement dire être artiste. En faisant cela, on prend le sujet par le mauvais coté.

Mais je fais peut être dévier le sujet du présent fil, ce que je ne voudrais pas. Sorry.
CM


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Jean-Lou Tournay 
Date:   04-10-2004 19:08

Henri, j'aime bien l'idée qu'il puisse y avoir deux manières de parler de l'être au monde (accouchement/constitution et sublimation/dilution). L'alternative me semble bien formulée et vraiment intéressante, opératoire.

Romain, sans vouloir être raccoleur, le texte dont parlait ce fil à l'origine était censé ouvrir quelques portes à la lecture et la compréhension de Merleau-Ponty. Des références y sont données.
Quant à Lévinas, bien qu'il fasse lui ausi partie de la famille des "phénoménologues", il se situe dans une perspective toute différente de celle de Merleau-Ponty. Je ne suis pas sûr qu'il soit d'un précieux secours pour interroger la photographie (ce qui n'enlève rien à son talent).


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   04-10-2004 20:08

Merci Jean Lou de cette précision; j'ai commencé la lecture de votre texte mais n'étant pas encore arrivé au bout; je me suis jusqu'alors réservé de tout commentaire.
peut être pouvez vous nous aider et nous conseillez pour des lectures philosophiques; j'ai ouvert un autre fil.

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   06-10-2004 20:24

Denis ne nous a pas encore fait de résumé de la pensée de Van Lier mais cette interview nous donne un aperçu.

romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   06-10-2004 21:12

Merci pour le lien.

Si on résiste à l'énervement face à ce style un peu incantatoire (qui m'a rappelé mes cours d'étudiant avec Chaunu), on trouve pas mal de choses réellement intéressantes.

Toutefois l'approche m'en semble déjà dépassée pour une photographie aujourd'hui largement devenue numérique et, du coup, en sens inverse de ce qu'annonce l'auteur, recommençant à échapper à la "granularité" (pour reprendre ses termes).

On a le même inéluctable vieillissement chez Barthes, dont la Chambre Claire est vraiment le plancher de l'interview de Van Lier (voir critique faite, en page 13 sur http://www.galerie-photo.com/la_chambre_claire.html - téléchargement un peu long, pardon...). On veut ici aussi tellement montrer dans la photographie l'irruption du réel qu'on est prêt à tout pour en apporter la preuve...

Y compris à ne pas accepter, au nom de la trahison dudit réel (présupposé nature de la photographie) la moindre modification sur l'image.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   07-10-2004 09:23

Merci Henri, j'ai parcouru en diagonale.
je ne peux réagir pour le moment tellement le texte de Barthes est loin pour moi. Il faut que j'y revienne d'abord, ensuite je pourrais lire sérieusement votre analyse.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   07-10-2004 14:40



je ne pense pas que l'irruption du numérique rende obsolète la pensée de Van Lier.
Cela ne change pas grand chose au fait que la photo ait pu provoquer une rupture philosophique à sa naissance.

Vous l'aurez compris, je suis un monomanique de Van Lier, un inconditionnel. J'ai mis beaucoup de temps avant de comprendre sa "philosophie de la photographie", notamment parce qu'elle demande une connaissance au moins minimale de la physique quantique. Mais aujourd'hui, je considère que c'est un grand livre de philo, c'est à dire un livre qui nous apprend quelque chose sur le monde, ce que la philosophie a un peu oublié me semble-t-il (la philosophie aujourd'hui parle beaucoup de la philosophie). La science nous a beaucoup plus apporté au cours de ces cinquante dernières années par ses questionnements et ses avancées.

Pour revenir à van Lier, je ne crois pas par exemple qu'il soit possible sans lui de comprendre les différences perceptives qui existent entre :

une photo noir et blanc et une photo couleur
entre une photo et un film
pourquoi la bande dessinée est née au début du XXème siècle alors qu'elle était techniquement possible il y a plusieurs millénaires
pourquoi il existe aujourd'hui une sorte de divorce entre images tracées et images granulaires
etc.

Pour autant, bien sûr, la photo numérique modifie des choses, c'est certain, comme l'arrivée de la photo couleur en son temps (la photo couleur s'accompagne d'un réchauffement perceptif qui atténue la sêcheresse cosmologique du noir et blanc - réponse à la question 1).


D'ailleurs, je serais personnellement très intéressé de savoir comment se déroule l'interaction entre les capteurs ccd et la lumière : la réaction des capteurs obéit-elle aussi à des seuils quantiques (discontinus) ? Comment ça se passe entre le capteur et les photons ?



Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Daniel Tacaille 
Date:   07-10-2004 18:49

Dans les cahiers philosophiques (Delagrave, CNDP), n° 88 de septembre 2001, dossier Arts et Raison, Gérard Bras a publié "La perspective entre géométrie et finesse". Il y présente les travaux d'Abraham Bosse sur la perspective comme méthode de représentation et les confronte avec des formules de Blaise Pascal sur l'image et la réalité, l'absence et l'infini.

Quelques extraits des deux dernières pages :

"La diversité est si ample, que tous les tons de voix, tous les marchers, toussers, mouchers, éternuers... On distingue des fruits, des raisins, et, entre eux tous, les muscats, et puis Condrieu, et puis Desargues et puis cette ente. Est-ce tout ? en a-telle jamais produit deux grappes pareilles? et une grappe a-telle deux grains pareils? etc.
je ne saurais juger d'une m^me chgose exactement de même. je ne puis juger de mon ouvrage en le faisant ; il faut que je fasse comme les peintres, et que je m'en éloigne ; mais pas trop. De combien donc? Devinez." fragment 114 des Pensées.

Extrait du commentaire :

Sait il ce que Bosse semble ignorer? Que la représentation n'est jamais vraiment substituable à la réalité ? Qu' "un portrait porte absence et présence, plaisir et déplaisir. La réalité exclut absence et déplaisir" le portrait enferme en creux l'absence de son modèle : la substitution de l'un à l'autre est donc illusoire. C'est la norme technique de Bosse qui est ici mise en crise. L'esprit géométrique qui anime le graveur converti l'empêche de distinguer ce qui relève de l'éloquence et ce qui relève de la vérité. or "l'éloquence est une peinture de la pensée; et ainsi ceux qui après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau au lieu d'un portrait". Aussi l'éloquence doit elle donner à penser l'absence de ce qu'elle évoque, et non faire illusion quant à la présence de ce qui se cache en présentant à l'admiration une idole dont on n'admire pas l'original.

Entre guillemets : citation des Pensées.


Il me semble que ce texte de Gérard Bras peut contribuer à la réflexion sur le statut spirituel de la photographie. Je lui demande si on peut y accéder directement.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Denis 
Date:   07-10-2004 20:01



La question de la présence et de l'absence est au cœur de la philo de Van Lier, et j'en arrête avec lui pour au moins 48h pour ne pas lasser...

Denis


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   07-10-2004 21:56

Texte qui donne à réfléchir, merci Daniel !
Juste en passant une réflexion sur la photographie :

Il y a probablement des pistes là-dedans pour expliquer l'intérêt de la photographie "banale", qui "donne à penser l'absence de ce qu'elle évoque" :
En représentant cette chose qui normalement n'a pas d'intérêt (terrain vague, rue ordinaire...) je pratique, en accord avec la citation, une éloquence de bon aloi...

Mais il est vrai que sur l'exemple des photographies de la banalité on peut aussi vite "faire illusion quant à la présence de ce qui se cache en présentant à l'admiration une idole dont on n'admire pas l'original".
Par exemple on met en situation d'idole dans une galerie ou un musée une photographie "banale" dont on n'admire pas l'original. Nous sommes dans une éloquence de mauvais aloi.

Mais la citation est brève et je fais peut-être un contresens...
Mettons qu'à première vue le même objet, creusé, peut nous embarquer dans des interprétations embarrassantes.

(ce qui n'est pas déplaisant)


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Jean-Louis Llech 
Date:   08-10-2004 11:13

"L’image photographique, figée, échappant au temps, portant la marque d’un mécanisme et non d’un regard vivant, nous met en présence d’une vision qui survolerait le monde plutôt qu’elle ne l’habiterait, qui glisserait sur la réalité sans jamais parvenir à prendre prise."

Je suis atterré quand je lis ce genre de propos...
Alfred Stieglitz, Paul Strand, André Kertesz, Bill Brandt, Lewis Hine, Willy Ronis, tous ces photographes qui nous ont renvoyé par la pellicule tout ce qui dérange et choque, croyez vous qu'ils ne faisaient que survoler le monde, avec leurs photos empreintes d'humanité ?

Pour moi, la description de l'art photographique - ou plutôt sa négation en tant qu'art -telle qu'elle est présentée chez Merleau-Ponty - est d'une grande indigence, ou tout du moins une grande lâcheté.
Peut-on nier l'existence du regard dans l'oeuvre photographique, peut-on nier le fait que le photographe s'approprie une certaine réalité et la restitue par le choix de ses sujets d'abord, mais aussi par ses cadrages, par son interprétation de la lumière, des ombres. Peut-on ignorer que le temps de pose, la profondeur de champ, le choix même de l'émulsion employée sont des auxiliaires du photographe, et non pas les véritables auteurs du cliché ?

La peinture, la sculpture aussi figent le temps, si on le prend ainsi.
Le rejet de M.P. prend à mon sens comme prétexte la composante "mécanico-physico-chimique" de la photographie, comme si les ressorts et les lamelles de l'obturateur ou le révélateur employé étaient les seuls interprètes de l'acte photographique.

Si la photographie n'est pas un art, est-ce parce qu'elle emploie des appareils plus ou moins sophistiqués, qui semblent usurper l'identité, la conscience et le regard du photographe, d'où le dédain, voire le mépris dont elle fait l'objet ?

A ce titre, le ciseau du sculpteur, le pinceau du peintre ou le stylographe de l'écrivain se susbstituent-ils à lui dans l'acte de création, on sont ils seulement des aides ?
Les artistes précités sont-ils moins prisonniers de leurs instruments que nous ne le sommes de nos obturateurs ou de nos émulsions ?
Le forceps chromé est il l'auteur véritable de l'accouchement ?

"La photographie se joue de la perspective, des couleurs, des formes et contours des objets, en ce sens elle consiste en une exploration du monde vécu"
Cette définition de l'acte photographique ne vous choquera probablement pas.
Je n'ai fait que remplacer dans la phrase le mot "peinture" du texte original par le mot "photographie".

Comment peut-on parler de la perception et de la vision du monde sans y inclure la photographie ? Dans la perception de ce qui nous entoure, quelque part, la peinture, la sculpture, la littérature sont rassurantes, parce qu'on peut toujours attribuer au peintre, au sculpteur, à l'écrivain ce que sa sculpture, son tableau ou son texte, en un mot sa description, pourraient avoir de dérangeant ou de choquant.

Politiquement parlant, les descriptions de la misère du monde ouvrier par Zola pouvaient être qualifiées de fausses, d'exagérées, et le fait que les descriptions passent par un écrivain arrangeait certainement beaucoup ceux qui préféraient la masquer ou la nier.

La photographie dite "sociale" est crue par essence, elle porte en soi une forme de vérité, elle choque parce qu'on ne pense pas a priori qu'elle soit maquillée.
Il est plus facile de nier la véracité d'un texte ou d'un tableau que d'une photographie, parce que cette dernière nous renvoie directement au regard et non pas à l'interprétation. Nous n'aurions pas peint ou écrit cela de cette façon, et cela nous dédouane, par contre nous aurions pu voir cela.

Quand nous sommes confrontés à des images qui dérangent notre confort, pour nier leur réalité, nous avons toujours cet ultime recours de dire que nous n'aurions pas employé les mêmes mots ou les mêmes traits de pinceau que leur auteur.

Par contre, la photographie nous enlève cet alibi, parce qu'elle nous renvoie, non pas à l'interprétation au travers des filtres présumés de leur auteur, mais directement à la vision elle même.
C'est en cela que la photographie est politiquement dérangeante.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   09-10-2004 07:45

Bonjour Jean-Louis,
Tu plaides donc :
- première partie : que la photographie a prise sur le monde par le style
- deuxième partie : que la photographie a prise sur le monde par sa véracité ?


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   09-10-2004 07:59

PS. Ce n'est pas un piège : c'est une question qui revient souvent dans les arts, cette confusion fonctionnelle entre style et véracité.
Il y aurait des voies à explorer dans ces coins là !


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   09-10-2004 15:59

Jean-Lou,
Je vous remercie tout d’abord pour votre texte parce que j’ai pris du plaisir à le lire et c’est toujours amusant de décrire quelque chose par son absence.
Pardon pour mon ignorance à Merleau-Ponty et à la philosophie en général mais je me permet de laisser ici des questions qui me sont apparues au cours de la lecture.

J’ai trouvé très étonnant que Merleau-Ponty puisse penser que « L’image photographique, figée, échappant au temps, portant la marque d’un mécanisme et non d’un regard vivant, nous met en présence d’une vision qui survolerait le monde plutôt qu’elle ne l’habiterait, qui glisserait sur la réalité sans jamais parvenir à prendre prise. »
L’image photographique déjà naît d’une relation avec le temps (d’exposition) ; elle est un instant figé (laissons le décisif de coté), un temps arrêté, Marey et Muybridge incorpore doublement le temps dans leur image si fortement que cela inspire Duchamp et le frère Bragaglia, enfin la photographie au même titre que la peinture est datée (c’est un regard d’un temps). Il doit y avoir d’autres relations comme le vieillissement de la matière photographique mais c’est moins important, (quoique que l’esthétique du miroir d’argent…mais je m’égare).

Donc première question comment Merleau-Ponty est arrivé à une telle affirmation ? Je n’ai pas senti de réponse sur ce point dans votre texte. S’il se serait arrêté qu’à une approche mécaniste de la photographie, il aurait vu que le temps est omniprésent.

Une autre interrogation concernant la place du corps dans la perception. J’ai compris implicitement que Merleau-Ponty sépare le corps de l’intellect ou de l’esprit ; mais je ne comprends pas comment on peut séparer ces choses là lorsque l’on est dans le domaine du perceptif. J’espère que vous pourrez m’éclairer là-dessus. Du coup je ne saisis pas bien une dialectique entre le corps et l’esprit sur ce sujet.

Par contre je me méfie des retours « au primitif et au sauvage » pour se laisser glisser dans une perception plus vraie ou plus vierge. En tout cas c’est drôle de voir que c’est par la conceptualisation et l’abstraction que l’on invite à être primitif.

En tout cas votre texte montre que Merleau-Ponty semble être passé à côté de la photographie peut être parce que cela ne l’intéressait pas. J’ai du mal à imaginer que ce raté ne puisse trouver justification dans le simple fait de s’arrêter à une approche mécaniste et de la géométrie (perspective) de la photographie. Je l’impression tout simplement qu’il n’a pas approché la photographie tout court, qu’il ne s’y est pas arrêté sérieusement.
Etonnant ?!?!

Je ne parle pas du reste qui est tout aussi intéressant et que je crois comprendre.

Romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Jean-Lou Tournay 
Date:   10-10-2004 11:13

Romain, vous me posez une colle !
"comment Merleau-Ponty est arrivé à une telle affirmation ? ", à vrai dire, je n'en sais rien. Peut-être faut-il chercher du coté de sa culture, de l'idéologie de l'époque concernant la photographie, d'une certaine méfiance des philosophes à l'égard de ce qui est nouveau (ça me coute d'écrire cela...). Merleau-Ponty écrit entre 1930 et 1961, la photographie était certes inventée depuis longtemps, mais y avait-il des expositions de grande envergure ? des galeries ? un marché ? c'est-à-dire toutes ces structures institutionnelles permettant d'identifier la photographie comme activité "artistique" ?
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'à chaque fois que Merleau-Ponty mentionne la photographie, c'est de manière péjorative, pour insister sur une représentation du monde figée, construite selon la perspective géométrique, sur la différence entre représentation "mécanique" et représentation "vivante"du monde. La distinction entre le vivant et le mécanisme est très importante chez Merleau-Ponty (cela lui vient sans doute de la lecture de Kurt Goldstein : "strucure de l'organisme", Merleau est très sensible au lien entre le vivant et le mouvement) en ce sens, il aurait peut-être préssenti ce "décentrement" dont parle Van Lier.
Par rapoprt à la seconde question : la séparation entre le corps et l'esprit est une conception cartésienne, non merleau-pontienne. Merleau-Ponty cherche au contraire à penser l'incarnation de la subjectivité : je ne suis pas un esprit (une ame ?) accolé à un corps, je suis à la fois esprit et corps, je suis une conscience incarnée. On pourrait dire qu'être conscient, c'est une manière de vivre sa corporéité.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   10-10-2004 14:47

Merci pour vos précisions.

Concernant vos hypothétiques circonstances atténuantes, Merleau-Ponty n’a pas d’excuse.

Publication de Camera Work début du XX
Les expos de Stieglitz
Le constructivisme
Les photos de Laszlo Moholy-Nagy qui enseigna au Bahaus
Man Ray
Mouvement Dada, Haussman, les photomontages
Brassaï

Bref et j’en passe…..
Il ne faillait vraiment pas s’intéresser à la photographie pour ignorer toutes ces productions

Donc il y avait déjà des expositions et un marché.

Cela voudrait dire qu’il a jugé péjorativement la photo sans la connaître. Pour un philosophe, c’est gros !

Romain


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Xavier 
Date:   10-10-2004 15:02

"Pour un philosophe, c’est gros !"

Je ne connais pas un philosophe qui n'est pas dit ou fait une connerie.
Ils sont humains après tout!


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Jean-Louis Llech 
Date:   10-10-2004 19:05

Monsieur Tournay,

Romain rejoint en partie ce que j'affirmais plus haut. Je continue ma démonstration.

Merleau-Ponty eût-il écrit uniquement en 1930, que déjà plusieurs dizaines de photographes exposaient, et pas dans des galeries de quartier.

- Alfred Stieglitz exposait à New-York en 1910, ses oeuvres entraient au Musée d'Art Moderne de New-York en 1942.
- Il en était de même pour Paul Strand, un peu plus tard. Je ne pense pas que Merleau-Ponty ignorait l'activité artistique du MoMA.
- Brassaï était connu au milieu des années 30.
- Atget était entré à la Bibliothéque Nationale, au Musée des Arts Deco, et au Musée Carnavalet.

Des journaux comme Life étaient lus par tout le monde, et "même s'il ne les trouvait que chez son dentiste", Merleau-Ponty ne pouvait ignorer l'existence des photographes qui traitaient de l'humain, et rien que de l'humain.

Il aurait fallu être retiré dans un monastère trappiste, et encore, pour ignorer ce que la représentation photographique renvoyait d'humain, de dynamique, de vrai...
Auquel cas, je ne vois pas quelle eut pu être la valeur du jugement d'un philosophe qui ignorait le monde dont il parlait.

Alotrs, j'avancerais une autre hypothèse : est-ce que, quelque part, nous n'assistons pas à une brillante démonstration de politique de l'autruche ?

Est ce que la photographie n'aurait pas quelque part "dérangé" certaines de ses analyses ?
Cela expliquerait ses jugements-couperets comme "L’image photographique, figée, échappant au temps..." qui ressemblent à du mépris voire du règlement de comptes.
Les photos de Robert Capa (parues dans Life) couvrant la misère de la guerre d'Espagne sont le contre-exemple frappant de cette erreur de jugement.

J'ai, plus haut, volontairement choisi cette phrase dans l'ensemble de l'article, parce qu'elle illustre pleinement l'inanité de la pensée de M.P. telle que vous la présentez.

"La photographie ne sait pas ouvrir un chemin vers le monde vécu ?
Quelle aberration, alors qu'elle ne fait que refléter ce monde. Il semble aduler le cinéma, alors que celui-ci, bien qu'affublé du titre "d'art" n'est quelque part que mensonge et mise en scène. Brillant contre-exemple !

Est-ce parce que la photographie ne lui permettait justement pas d'illustrer ses propres thèses, ou même de les infirmer, qu'il l'a tant ignorée ?

Il pourrait peut-être se révéler intéressant de revisiter certaines de ses thèses à la lumière de ces quelques réflexions.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: Jean-Lou Tournay 
Date:   10-10-2004 20:41

Jean-Louis,
Il me semble qu'il y a une ambiguité autour de l'expression "prendre prise sur le monde" (et je crois que c'est ce qui était sous-entendu dans le message de Henri). Le "monde" dont il s'agit ici est bel et bien le monde "vécu," celui qui se donne immédiatement à nous dans la perception.
Dans votre dernier message, vous citez la phrase suivante : "La photographie ne sait pas ouvrir un chemin vers le monde vécu" et vous ajoutez : "Quelle aberration, alors qu'elle ne fait que refléter ce monde". Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse dans les deux cas du même monde. Ce à quoi vous faites allusion (les luttes politiques et sociales, la guerre d'Espagne, etc.) ne relève déjà plus de ce "monde vécu". Les luttes politiques prennent place dans un monde où les idées sont formulées à travers des concepts et des théories, un monde structuré par la rationalité, la connaissance, l'idéologie... Ce n'est pas ce monde qui intéresse Merleau-Ponty ici (il développera une théorie politique dans laquelle il cherchera à comprendre comment l'action peut prendre sens sur le fond de notre rapport aux autres). Toute l'oeuvre de Merleau-ponty est traversée par la recherche de ce qui est originaire pour saisir comment notre existence peut se déployer. Ainsi, (pour schématiser), le fond sur lequel la connaissance rationnelle et scientifique peut se déployer est le monde de la perception immédiate ; le fond sur lequel l'action politique, les luttes sociales peuvent se déployer est un rapport originaire aux autres et à l'histoire (le monde de l'intersubjectivité).
Ce qui intéresse Merleau-Ponty dans l'art, c'est la manière dont ce dernier explore ce fond originaire qu'est le monde perçu (mais il est vrai qu'il verra dans la littérature une sorte d'exploration de cette intersubjectivité dont je parlais plus haut). Alors la question demeure : pourquoi un tel mépris à l'égard de la photographie ? Je suis bien embêté pour répondre puisqu'à mon sens (c'est ce que j'ai tenté de montrer) la photographie peut rencontrer le discours phénoménologique, et d'autre part, je ne connais pas dans l'oeuvre de Merleau de justification de son attitude à l'égard de la photo (il ne développe jamais ses références à la photographie, il n'y a que des allusions rapides servant de contre-exemple à ses propres thèses). L'ignorance de la photgraphie ? Cela n'est pas exclu. Comme dit Romain, "c'est un peu gros !", certes... Cela rend-il caduques certaines de ses analyses ? Pas nécessairement.
Pour l'anecdote : moi-même, lors de mes études (il n'y a pas si longtemps), je sentais bien une sorte de condamnation sociale implicite de la photographie (toujours opposée à la peinture et dévalorisée par rapport à cette dernière). Pour faire vite, il convenait de choisir le couple musique classique-peinture contre le couple rock'n roll -photographie. Peut-être Merleau-Ponty a-t-il été soumis à ce genre d'influences, peut-être était-il prisonnier d'une tradition "baudelairienne" ?
Cela dit, je vous rejoins sur le fait que son opposition de principe à la photographie n'est pas défendable.


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: henri peyre 
Date:   10-10-2004 21:34

Après lecture attentive du texte de Gérard Bras envoyé par Daniel (merci !) :
La Perspective entre Geométrie et Finesse, Gérard Bras, Cahiers Philosophiques n°88, septembre 2001 :

le contexte est la différence qu'établit Pascal en peinture entre :
le "portrait", vraie éloquence qui porte, dans sa représentation, l'absence du modèle (dans le texte : par évocation dans la représentation des points de vue simultanés possibles sur un modèle)
le "tableau", éloquence fausse, qui crée une illusion de la présence
(dans le texte : en proposant un seul point de vue - perspectif -, donc une seule interprétation possible).

L'art finalement comme représentation d'une charnière entre des points de vue possibles.
Je vote pour, comme on sait ! http://www.galerie-photo.com/introduction-expo.PDF


 
 Re: réaction au texte sur Merleau-Ponty
Auteur: romain 
Date:   10-10-2004 21:39

Un peu gros pour un philosophe

Je ne voulais absolument pas semer le doute sur le reste du propos de Merleau-Ponty en soulignant ce point. Et j’ai bien prévenu de mon ignorance sur cet auteur et la philo en générale ; donc je ne me permettrais pas.
Je souhaitais simplement souligner que une approche mécaniste et géométrique de la photographie ne me semble pas une explication suffisante pour justifier d’une telle considération de la photo (je ne parle pas de la photo en général mais de la question évoquée à savoir que la photo a échappé au tems…). C’est un peu gros pour un philosophe….
Je pense que la raison doit se situer ailleurs d’où ma question.
Disons que l’ignorance n’est pas défendable pour un philosophe, le dégoût c’est différent.

romain




 
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