Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 03-09-2004 09:43
Marc Nocart nous dit : Sans doute dans la douleur....Appellons ça de la concentration d'acteurs
Difficile pour quelqu'un qui a vécu la grand crise horlogère de l'arc jurassien dans les années 1970 de ne pas faire un parallèle à la lecture de ces remarques.
Tout d'abord entre un produit comme la montre des familles des années '60 qui n'a besoin d'aucun consommable et qu'on achète presque à vie, et le film qui à l'inverse est le consommable naguère très rentable pour les fabricants, on est pour ainsi dire aux antipodes, donc tout parallèle entre les deux situations est, a priori, nul et non avenu.
Les horlogers "électroniques" de 1970 ont eu le génie d'inventer le consommable de masse : la pile. Un fabricant bisontin les avait précédé dès les années '50, avec un modèle 'électronique' à changement de pile tous les 6 mois... La pile n'est absente en 2004 seulement dans le luxe-mécanique et dans certains modèles électroniques spéciaux. Mais c'est une autre histoire.
Certaines considérations résonnent douloureusement dans ma mémoire, à commencer par le fait qu'aucun fabricant de montres des années '60 n'anticipait une telle arrivée brutale de l'électronique. Idem si on se reporte il y a quatre ans aux premières discussions de galerie-photo 'argentique contre numérique' qui, soit dit en passant, ont disparu du paysage, du moins dans la forme de départ : « jamais le numérique ne donnera la qualité de l'argentique ». On ne dit plus les choses comme cela maintenant.
Lorsque le marché de la montre mécanique a commencé à s'effondrer sous les coups de boutoir de la montre électronique à partir de 1975, l'un des grands fabricants bisontins avait déjà fait faillitte avant les "petits" et a essayé vainement de se relancer. Les "petits" concurrents du 'gros' se sont alors frotté les mains : « Chic, chic, on va récupérer les parts de marché ». Aucune solidarité de branche, mais plutôt un « savonnage de planche » en règle entre concurrents. Tous ces industriels français de la montre sont passés à la trappe, sauf l'un, devenu filiale d'un groupe japonais. D'autres marques françaises sont reparties, sur d'autres bases commerciales et industrielles.
"Sans doute dans la douleur" -20000 emplois en Franche Comté, -40000 en Suisse.
"Appellons ça de la concentration d'acteurs". Oui, dans l'horlogerie suisse, on a sauvé la branche par l'arrivée d'un manager non-suisse et par la création d'une grande entreprise qui a forcé des marques concurrentes à travailler ensemble et à mettre en commun la technologie-clé du quartz, puis les autres technologies de la montre mécanique avec un verrouillage en règle ; là encore c'est une autre histoire.
Donc j'espère vivement que toute ressemblance entre la montre mécanique des années '60 et le film de 2004 est à proscrire, et qu'au contraire l'évolution du secteur du film s'effectuera selon sa logique propre qui n'a, a priori, rien à voir.
En particulier, on sait que la moitié du chiffre d'affaires de l'horlogerie suisse provient maintenant de belles pièces mécaniques de luxe. Jamais, au grand jamais, je ne souhaite voir le film suivre cette voie de la distinction sociale.
Autre remarque : les anciennes usines de montres de l'Etat communiste d'Allemagne de l'Est à Glasshütte en Saxe ne semblaient guère promises à un avenir brillant. Glasshütte est désormais un centre horloger de premier plan, qui a redonné aux clients allemands la fierté de voir marqué 'made in Germany' et 'fünf-und-zwanzig Rubine' sur leurs montres, certes, les plus inabordables en prix.
Je souhaite donc plein succès à notre Bergger national et aux fabricants indépendants comme MACO, je souhaite que les fabricants de République Tchèque, de Hongrie et de Croatie suivent le même chemin qu'à Glasshütte, mais avant de devenir des manufactures de luxe, qu'elles pensent encore un peu aux utilisateurs amateurs équipés de leur matériel grand format de luxe à prix bradé en okkaze, ou payé fort cher par passion de la belle ouvrage.
Mais en attendant, Ilford et Agfa sont toujours là, même s'il faut apparement s'accommoder de leur retrait du monde du plan-film.
Au passage je note que personne n'a prononcé l'oraison funèbre de l'Ilford PAN-F 50, sans doute le service funèbre (de rite anglican) avait-il déjà été dit en cachette.
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