Auteur: Jean-Louis Llech
Date: 12-08-2004 12:46
Le forum n'est pas très animé en ces temps de vacances, le sujet s'y prête. Aussi, je voudrais prendre le temps de vous expliquer comment je suis arrivé à travailler avec une chambre, et pourquoi, actuellement, je n'ai pas envie d'utiliser un autre appareil.
J'ai commencé la photographie il y a ... bref quelques dizaines d'années.
J'allias dire "par chance", mais les choses se sont faites ainsi, j'ai commencé par du moyen format, et j'ai utilisé un 35mm beaucoup plus tard.
Mes premières expériences ont donc été au bi-objectif, et à la pellicule 120. Lubitel à 15ans, puis Yashica Mat 124. Ensuite, j'ai voulu aller plus loin, parce qu'il était assez frustrant de ne pas pouvoir changer l'objectif fixe. Je ne voulais pas entendre parler des additifs GA ou télé, les ayant essayés.
J'ai attaqué ensuite ma "période Mamiya" : Mamiya C330, Mamiya 645 1000S, avec des cailloux assez phénoménaux et un piqué que je trouvais diabolique. Puis Mamiya RB67 etc...
Un jour, fatigué du poids du matériel, j'en ai revendu la quasi-totalité pour passer au 24x36. (Minolta 9000) Aussi bête que ça. Marre de rentrer le soir avec les reins cassés après avoir marché des kilomètres.
Mais le 35mm ne m'a pas satisfait, mais pas du tout.
Le passage du RB67 ou du M645 au 24x36 a été très décevant, dans la mesure surtout où je n'avais pas changé le type de photos que je faisais, et où j'avais l'impression d'avoir régressé en matière de matériel.
J'ai regretté ce coup de tête, et je passais mon temps à faire des comparaisons qui n'étaient pas à l'avantage du 35mm.
Quand je suis passé à la chambre, il y a quelques années c'était avec deux exigences :
- des optiques de meilleure qualité, donnant un meilleur piqué, (je ne peux dire si le problème aurait été le même si j'avais utilisé des optiques Canon, Nikon ou Leica)
- je voulais utiliser des mouvements, et en particulier ces fichues verticales que je voulais retrouver verticales sur mes photos.
Là aussi, rien de plus bête.
J'ai resigné pour le poids, mais c'était un passage obligé, et je l'ai assumé cette fois en toute connaissance de cause, comme une contrepartie à l'exigence de qualité.
Quand j'ai choisi une chambre, (presque 2 ans de réflexion et d'études) j'ai opté pour la Master Technika. Quelque part, j'en révais depuis 20 ans,mais comme d'un appareil hors de portée.
Les mouvements étaient amplement suffisants pour mes photos de paysages et d'architecture, elle était relativement légère, (en tout cas pas plus lourde qu'un RB67) et surtout très compacte, et dotée d'une excellente qualité de fabrication.
J'ai choisi de faire coupler 5 de mes 6 optiques avec le télémètre.
De ce fait, j'ai pu disposer en quelque sorte de deux appareils en un :
1°) Avec le télémètre couplé, la Master Technika se comporte comme n'importe quel appareil moyen format : mise au point au télémètre, cadrage au viseur, pas de mouvements. (Le tirage du soufflet remplaçant la longueur du fût des objectifs du moyen format, on gagne en encombrement des optiques).
Avec ça, l'accès au format 4x5", avec des plans-films classiques, ou des Quickload, ou des Polaroid. Mais aussi le travail classique du moyen format avec des magasins roll-film en 6x9.
Je travaille à main levée, ou avec un monopode, et comme avec n'importe quel appareil moyen format, comme un Rollei 6008, un Mamiya RB ou RZ, ou un Hasselblad série 500. (je ne prend pas en compte les divers automatismes d'avance du film ou de mesure TTL).
2°) Lorsque j'ai besoin des mouvements, que ce soit les décentrements ou les bascules, je me retrouve comme tout le monde avec la chambre fixée sur un trépied avec un dépoli, une Fresnel et un voile de visée, comme avec n'importe quelle chambre.
Pour les travaux que j'effectue, les mouvements de la Master sont, je le répète, amplement suffisants : décentrements verticaux de 55mm, latéraux de 40mm, bascules de 30°/15° avant et de 20°/20° arrière, bascule de l'abattant de 15°/30°, 430mm de tirage.
Avec la pratique, la folding est devenue le prolongement quasi-naturel de l'oeil, de la main et du cerveau (je n'ose pas ajouter... et du coeur). Les commandes tombent facilement sous la main et sont très souples à manoeuvrer.
Grace aux poignées anatomiques, la mise au point à main levée est facile à faire, le télémètre est extrêmement précis, et le viseur lumineux. A la main, la Linhof est très équilibrée, et le poids devient un atout de stabilité.
La visée télémétrique est aussi agréable qu'avec un Leica ou un Mamiya, et comme la base du télémètre est très large, elle est en plus très précise dans toutes les conditions d'éclairement. Je n'ai jamais pu la prendre en défaut.
D'autre part, je trouve maintenant que la mise au point par déplacement du chariot porte-objectif est plus facile que la mise au point en tournant la bague d'un objectif moyen format. La commande tombe mieux sous la main, et le poids est bien réparti. Il m'est arrivé de travailler à main levée au 400mm, bien que le monopode soit plus commode avec un long tirage.
Voila pourquoi je n'éprouve pas le besoin d'avoir un moyen format en plus de la chambre.
A part la Linhof, j'utilise un Rolleiflex pour "tous les jours", et c'est tout.
Je ne ressens pas de fascination à proprement parler, mais j'apprécie énormément, j'aime cet outil qui répond à toutes mes attentes. J'ai coutume de dire que "c'est le meilleur des deux mondes".
Autant je reconnais avoir fait pas mal d'erreurs dans le choix de certains de mes appareils, autant dans le cas de la folding je ne regrette pas un seul instant de l'avoir achetée.
Je n'ai jamais utilisé un appareil qui réponde mieux à ce que j'en attends.
J'espère qu'après ce long développement, vous comprendrez mieux désormais pourquoi parfois je peux paraître excessif quand je parle de la Linhof, et vous serez plus tolérants quant à mes "envolées".
Bien cordialement à tous.
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