Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 22-06-2004 12:40
Bonjour M. Rousseaux et bienvenue.
Henri Peyre a bien fait de vous aiguiller ici : d'ailleurs il est maître chez lui. Sur ce forum dédié aux moyens et grands formats la règle du jeu est de ne pas parler de ce qui est plus petit en format, disons, qu'une image de 4x6 cm qu'elle soit en gélatino-bromure ou en silicium. Mais les aficionados de galerie-photo ont en réserve des tonnes d'information sur les formats plus petits, et c'est leur réserve naturelle et le respect d'une stricte discipine MF/GF qui les fait s'auto-censurer.
Ce qui est de bien avec galerie-photo c'est qu'on y répond mieux qu'ailleurs, de façon plus complète, plus courtoise et plus sérieuse à toutes les questions touchant à l'image, à l'optique et la photographie. Soyons immodeste pour une fois : c'est la force de la mise en commun des compétences.
Cette déclaration liminaire un peu pompeuse étant faite (le cou ne me gonfle-t-il pas un peu ?? comme on le dit si bien en Belgique), je dirais simplement pour la profondeur de champ (PdC) que si 30 microns est une valeur de Cercle de Confusion (CdC) qui vous convient en 24x36 sur film, je prendrais 15 microns en 18x24 et j'appliquerais les formules classiques.
H = f*f/(N*c)
1/p(1-2) = 1/p +- 1/H(1-f/p)
Votre capteur est plus petit que 18x24 mm ? dommage pour vous ;-) alors une bonne règle de trois par rapport à la diagonale de l'image vous suggèrera une valeur de CdC. Il serait plus sérieux de connaître la périodicité de la grille de pixels, une donnée le plus souvent non communiquée dans les fiches des appareils grand public mais qu'on peut retrouver indirectement (voir plus bas). Si cette périodicité est 5 microns, je prendrais sur la base de diverses considérations théoriques une valeur de CdC comprise en 8 et 10 microns.
Il y a cependant plusieurs pièges que nous aimons bien signaler, ne serait-ce que pour le plaisir délicieux de tomber dedans lorsque galerie-photo ne nous regarde pas.
Le premier piège consiste à ignorer l'existence du détecteur et de ses performances en résolution et en bruit, dans ce cas les petits formats enfoncent haut la main les grands formats en profondeur de champ, c'est ce qu'on veut essayer de nous faire croire avec les petits appareils modernes.
Le deuxième piège est que la PdC n'est pas intrinsèque ni à un appareil, ni à une combinaison optique ni même à une distance focale. La théorie classique propose le jeu minimum d'équations à la portée d'une calculette 4 opérations pour se faire une idée du passage net/flou au sens de l'optique géométrique. Selon que vous regarderez un tirage premier prix en 9x13cm (j'en connais qui préfèrent ces tirages à 0,15 euros lorsqu'ils font de la photo de famille ;-) ou que vous viserez un agrandissement d'exposition, disons de 50x60 cm extra-super-top, on comprend que, quel que soit l'appareil, de l'auto-tout-plastique&silicium à la chambre de campagne 50x60cm (par contact) la PdC ne sera pas la même. C'est d'ailleurs un certain travail que de sortir des images 9x13cm à partir d'un platine-contact-50x60cm, mais ici tout est permis, on peut même vous expliquer comment faire ;-);-)
Le troisième piège consiste à ignorer que plus on descend en format et en focales, plus le diaphragme au-delà duquel la diffraction commence à dégrader l'image est ouvert. Je m'explique. Le meilleur diaphragme, si on compile les objectifs standards du 24x36mm au 20x25cm s'obtient par la formule empirique :
diaph_optimum = f(en mm) /8.
Par exemple en 24x36 avec une focale normale de 45 mm, le meilleur diaph est de l'ordre de 5,6 ce qui correspond à l'expérience courante. Extrapolons la formule vers le bas : en demi-format ce serait f/4, plus bas, je préfère ne pas y penser. Sachant que la plupart des appareils petit format numérique pour amateurs n'ont pas l'ambition de rivaliser avec ne serait-ce qu'un 50 mm f/2, on comprend que l'intervalle de diaphragmes dans lequel la diffraction ne dégrade pas la qualité d'image d'un appareil numérique se resserre entre f/2 et f/4 ; au-delà de cette ouverture numérique, que vous ne connaissez en général pas, la qualité d'image se dégrade lentement en parallèle avec une augmentation de la profondeur de champ apparente... mais la comparaison n'est plus honnête, car il faut comparer à qualité d'image finale égale. C'est l'éternelle affaire de l'image sténopé : profondeur de champ « infinie » pour certains, profondeur de champ nulle pour les Saint Just de la Résolution ;-)
Moralité : je ne crois pas une seconde à l'amélioration de PdC censée être apportée par les petits formats numériques d'amateur, simplement parce que l'on ne compare jamais avec un tirage de dimensions identiques et de qualité d'image identique.
En particulier, si on ferme un objectif à son meilleur diaphragme en respectant la règle empirique du f(en mm)/8 ; si on diminue le CdC proportionnellement au format, alors la PdC devient indépendante du format, sous réserve de comparer des objectifs de même angle de champ entre eux.
Mais que reste-t-il aux petits appareils dans ces conditions extravagantes ?? la luminosité, tout de même, mais obtenue au détriment de la qualité d'image.
Maintenant il reste la comparaison d'un demi-format numérique avec un plein format argentique. On l'a déjà dit, on le redit : si la destination finale de l'image est d'être numérisée, on a la même qualité d'image avec un 18x24mm silicium qu'avec un 24x36 à film scanné. Quel CdC prendre ? faut-il prendre des CdC plus grands ou plus petits que l'extrapolation du 30 microns classique en 24x36 ? Je penche pour extrapoler simplement en fonction du format sans trop se poser de questions, ou de relier le CdC à la périodicité de la grille de pixels. De fait on retombe à peu près sur les mêmes valeurs ; si on voulait affiner il faudrait introduire dans la comparaison un critère supplémentaire de bruit de l'image en parallèle avec le tracé classique de défocalisation d'un faisceau géométrique parfait. Pas impossible, mais pas très facile.
Pour aller plus loin il faudrait comparer de façon très serré des images prises avec un appareil professionnel comme le dernier Olympus norme 4/3 pour lequel toutes les optiques ont été recalculées spécialement, et de comparer avec, disons, un excellent 24x36 soit numérique plein format, soit argentique.
Annexe : se faire une idée de la périodicité de la grille de pixels sur un appareil à capteur silicium.
Sur ces appareils, la focale vraie est toujours marquée par exemple : 5-50 mm pour un zoom, de même que les fameuses » focales équivalentes 24x36 » par exemple : 28-280 dans notre cas. On détermine grossièrement la diagonal du capteur par une règle de trois basée sur la recherche de l'équivalent de 45 mm (en fait : 43 mm, mais c'est à la louche). On trouve que notre 5-50 équivalent à 28-280 nous suggère 45/28 * 5 = 8 mm pour la diagonale du capteur. Supposons que ce capteur soit homothétique d'un 18x24 mm qui a un allongement de 1,33, plus faible que le 24x36 (1,5). Les côtés du format homothétiques de 8 mm de diagonale sont à la louche : 5x6,5 mm. Pour déterminer le nombre de pixels sur le petit côté d'un rectangle d'allongment 1,33, on divise par 1,33 ce qui donne le nombre de pixels dans un carré de 5x5 mm. par exemple s'il y a 6 millions de pixels sur ce capteur de 5x6,5, il y a en aura 4,5 millions sur une surface de 5x5 mm, soit 2120x2120.
La périodicité de la grille de pixels est donc dans cet exemple académique égale à 5000/2120 soit environ 2,5 microns !! C'est pas gros ; dans ce cas il faudrait prendre un CdC de l'ordre de 5 microns ou mieux... bonjour la PdC c'est pas gagné.
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