Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 13-04-2004 12:18
La lecture de l'excellent magazine britannique Amateur Photographer (ce numéro d'avril 2004) soulève, grâce à M. Chris Gatcum, une question terminologique intéressante. Décrivant un modèle d'appareil numérique à 8 Mpix dépourvu de visée optique directe, qualifié à juste titre de 'pseudo-SLR', M. Gatcum met en avant le progrès « spectaculaire » de la visée sur un écran à 0,9 Mpix... spectaculaire par rapport aux autres modes de visée des appareils numériques grand public. Il n'est en effet pas nécessaire d'être diplômé de l'École d'Optique de Morez pour se rendre compte de l'inconfort visuel des différents systèmes de visée proposés sur les appareils numériques d'entrée de gamme. Le pire étant le petit carré vu à bout de bras de presbyte avec soleil dans le dos, sans même un soufflet de protection (heureusement, M. Cameras Bellows est à votre service).
Clairement, l'appareil 'pseudo-SLR' dont parle M. Gatcum n'est pas un appareil reflex, vu que la visée sans parallaxe, si elle se fait sur une image 'quasi-optique' (non pas réelle mais identique à la vraie), s'effectue via à un oculaire classique sur un petit écran-répéteur. Il faudra donc inventer un nouveau terme, par exemple SLD, ou SLDD, comme : Single-Lens-Digital-Display.
Quel rapport avec la photo à la chambre grand format et la haute résolution ? a priori, aucun, mais il est indispensable de suivre --même de loin-- les évolutions des matériels silicium pour en tirer parti le moment venu. En effet, dans un appareil où l'image-silicium est répétée sur un écran, on règle une bonne fois pour toutes un grand nombre de problèmes et on lève un nombre de contraintes qui nous font militer en faveur de la chambre technique contre le gros reflex moyen format. Absence de contrainte du miroir, possibilités de décentrement sans vignettage mécanique (dû à la présence gênante du miroir de visée) avec des optiques grand angle, voilà clairement des avantages de l'optique de chambre qu'on paye par la fastidieuse substitution du détecteur-film ou du dos à balayage au dépoli "optique" de visée. On sait déjà faire tous les réglages sur un écran d'ordinateur raccordé à la chambre munie d'un capteur silicium, mais on n'est encore loin de la compacité d'un verre dépoli, même augmenté d'un solide viseur binoculaire.
Il me semble que, pour autant que le marché le demande et que les raisons économiques le permettent, tous les éléments sont potentiellement réunis pour proposer d'ici quelques années une chambre technique pourvue de tous les mouvements, dont on observerait l'image sur un écran, petit mais de haute performance, par exemple à travers un viseur mono ou binoculaire confortable.
J'y verrais de nombreux avantages. On réunirait en photo grand angle à la chambre tout l'intérêt des optiques quasi-symétriques modernes, et on pourrait même imaginer un réglage électronique des compensations photométriques diverses induites par les bascules et décentrements. Il me semble que quelques boutons potentiométriques analogiques permettraient de compenser à volonter la non-uniformité d'éclairement induite même par les meilleurs grands angulaire dûment munis de leur distorsion pupillaire réglementaire ;-). On pourrait même --j'ose à peine le dire-- avoir un bouton anti-trapèze comme sur les vidéo-projecteurs modernes !
Adieu à toutes nos discussions sur l'utilité des lentilles de Fresnel, de l'avantage des viseurs bino à miroir inclinable, etc.. Il y aurait un commutateur à 4 positions permettant d'afficher l'image dans les quatre symétries possibles haut/bas droite/gauche. Henri Peyre qui vient de nous annoncer son amour de la visée inversée droite-gauche utiliserait la position (2) avec capuchon ; ceux qui préfèrent l'inversion par rotation de 180 degrés commuteront sur (3) et ils auront le plaisir de conserver ce qui est censé favoriser « l'abstraction de la composition ».
Les mécréants comme moi régleront sur (4) pour avoir le haut en bas mais avec une symétrie D/G résiduelle (le truc idiot qu'on ne voit jamais sauf avec un 'flex en 4,5x6 vertical sans prisme), afin d'utiliser un viseur binoculaire à miroir dont l'image sera enfin correcte au sens droite-gauche. L'inclinaison du miroir ne sera là que pour l'ergonomie, la fonction d'optimisation de l'éclairement étant réalisée par une série de molettes très douces et très précises. D'ailleurs il risque d'y avoir tellement de molettes douces et précises dans un tel appareil qu'il faudra penser éventuellement à un pédalier de commande complet.
En plus de l'image numérique brute, on enregistrerait dans le fichier les quelques dizaines de paramètres permettant de calculer les corrections photométriques & géométriques ; ce serait tout de même plus sympa pour les photons du centre de les laisser rentrer faire leur boulot que de les transformer en chaleur dans un filtre à dégradé concentrique.
La seule objection, de taille, resterait la consomation énergétique de ce système.
J'ai vu récement une publicité pour une dynamo à manivelle censée vous permettre de recharger les accus de votre télépone portable. Les temps de communication possibles étant, avec le modèle proposé, une faible fraction du temps de manivelle, on frémit à l'idée, sur le terrain, de passer son temps à pédaler plutôt que de prendre des photos. Mais les utilisateurs de Gitzo N°7 pourraient ressortir leur robuste trépied du grenier ; une sellette légère et confortable inspirée de celle des trépieds de mitrailleuse de la deuxième guerre mondiale permettrait, via un pédalier en dural à triple plateau, de faire la recharge nécessaire à l'aide une dynamo puissante. Quant au pédalier complet pour les réglages, il permettrait, avec l'option 'musique' du logiciel, de se délasser (au casque fourni en option, à l'aide du petit clavier à usages multiples) d'un petit Orgelbüchlein « maison » en attendant que le soleil tourne sous le bon angle pour réduire le contraste sur la façade de Chartres.
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