Auteur: Emmanuel Bigler
Date: 08-04-2004 21:01
Attention la petite famille, on s'égare.
Pour une image parfaitement au point prise avec un objectif de haute qualité optique, la forme du diaphragme n'influe de façon directement visible (je ne parle pas de ceux qui ont une transformée de Fourier câblée dans leur nerf optique) que sur les portions de l'image qui sont affectées de défaut de mise au point.
Comme tout objectif, même l'Orthoplanar®, a un petit résidu d'aberrations, la rendu des portions d'images hors du plan de netteté est un subtil mélange entre les effets dûs à la projection cônique "géométrique" du diaphragme et la distribution d'énergie dans la tache d'aberration / diffraction résiduelle. Pas facile d'en dire quelque chose de simple en général. C'est bien pour cela qu'on peut en discuter pendant des méga-octets en ASCII sans avancer.
La forme du diaphragme est visible dans l'image s'il y a des points brillants hors du champ de netteté ; c'est très apparent en proxiphoto avec des focales pas trop longues ou avec de très longues focales même avec des objets distants ; apparaît dans l'image la projection du diaphragme centré sur la projection de chaque point lumineux de l'espace objet.
C'est un fait que les objectifs d'autrefois avaient beaucoup de lamelles, mais que dès les années 1950 M. Synchro-Compur se contenta bien souvent du pentagone à bords arrondis si classique avec le Rolleiflex.
La mémoire visuelle est très influencée par les images d'enfance montrant des pt'its ronds qui dansent sous les feuillages en été. Même si l'arbre sous lequel vous vous placez a ses feuilles fabriquées par chez Deckel à Münich (en anglais, on dit leaf shutter), la p'tite tache que vous verrez au sol sera un rond tout à fait fini et sans trait horizontal, car c'est tout simplement l'image-sténopé du soleil, qui malheureusement n'est pas encore pentagonale (du moins, pour l'instant).
Avec un télé-objectif à miroir dont la pupille est annulaire, les point brillants hors du champ sont rendus sous forme d'une petite couronne, mais vous ne verrez pas cette couronne dans les parties nettes de l'image. En Amérique du Nord, on dit que cette couronne a la forme d'un beignet, ce qui ne dit rien du tout aux franc-comtois chez qui les beignets de Carnaval sont plutôt des espèces de parallélogrammes fendus de lamelles en zigzag, une forme de pupille, on en conviendra, assez peu utilisée chez les concepteurs d'optiques sérieux.
Venons-en au "BOKEH". C'est un terme d'origine japonaise qui fait florès sur les groupes photo Internet et qui survient lorsqu'on n'a plus grand chose à dire ou qu'on veut désespérément trouver des qualités à des objectifs anciens, rares, merveilleux, légendaires, etc... Il y a eu une explication très intéressante sur la liste Rollei (RUG) sur la signification de ce terme de "BOKEH".
http://www.stutterheim.nl/rollei/faq.html
Chercher 'BOKEH' dans le document, il y a plusieurs pointeurs.
Tout d'abord, l'honorable M. Kotsinadelis a proposé la définition suivante :
La «forme» des zônes affectées de défaut de mise au point dans une photo
Sur ces entrefaites, M. Todd Belcher qui connaît bien le Japon a expliqué l'origine du mot "BOKEH"
En substance, c'est un terme issu de l'art japonais traditionnel de la gravure sur bois. Le terme vient du mot japonais "bokashi' qui désigne la notion de gradation de teintes dans la gravure japonaise traditionnelle. Il est très difficile d'obtenir de belles gradations dans la gravure sur bois traditionnelle. Les Japonais qui aiment les choses raffinées en toutes circonstances attachent du prix à ce que le graveur soit capable de rendre une belle gradation d'image dans les procédés traditionnels. Par extension, on dira donc qu'on a un bon "BOKEH" dans le rendu d'une optique si la gradation est belle.. mais quelle gradation ? il ne s'agit pas des zônes au sens d'Ansel Adams, gradations de densité ; pour autant que j'aie pu le comprendre à la lecture de différents forum photo, il s'agit de la transition graduelle entre les zônes de netteté absolue et les zônes affectées de défaut de mise au point.
Le côté agréable ou désagréable de cette transition dépend de la forme du diaphragme, et du contenu d'aberrations résiduelles de l'objectif. Il y a donc un 'BOKEH' particulier des objectifs anciens dans le sens où leurs aberrations sont spécifiques à chaque combinaison optique ancienne et à chaque forme de diaphragme. Il y a donc forcément un autre "BOKEH" particulier à l'objectif d'un petit auto-tout moderne à obturateur-diaphragme à deux lamelles, surtout si c'est un 'zoom puissant' comme on les aime sur les petits appareils compacts (les amateurs aiment les zooms puissants et font la fine bouche devant les focales fixes un peu malingres).
Personnellement je n'utilise que des optiques pas trop anciennes, j'essaie qu'il y ait le moins de zônes de flou dans l'image (donc j'avoue faire peu de portraits) et j'appelle à l'aide M. Scheimpflug dès que j'ai en face de moi un objet raisonnablement plat quoique incliné. Le "BOKEH" des objectifs que j'utilise n'est donc pas un élément de choix qui m'importe, mais de même que je conçois l'intérêt de la culture japonaise pour les belles gradations, je conçois que dans une image où la transition net-flou fait partie de la composition (je pense à un portrait), ou dans le cas où les zônes de flou sont inévitables (je pense aux macro-photos de fleurs dans un jardin ensoleillé), la gradation entre le net et le flou puisse être un élément auquel on attache beaucoup d'importance.
D'où l'exclusion impitoyable des pupilles annulaires, ou en forme de beignet sec franc-comtois lorsqu'elles sont associées à un Orthoplanar® quasi dépourvu d'aberrations résiduelles.
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