Auteur: Jimmy Péguet
Date: 01-11-2003 22:25
En grand format en général et à la 20x25 en particulier, j’ai commencé à vraiment me faire plaisir le jour du mois de décembre où j’ai fait bouger la chambre dans tous les sens en regardant ce qui se passait, en partant simplement de quelque chose qui m’avait accroché. C’est un peu une des choses que dit Smith (en passant, j’ai appris beaucoup de choses en lisant et en regardant ses photos) dans le fil dont parle Michel au début : que la plupart du temps, on ne photographie que ce qu’on connaît déjà, alors que le grand dépoli permet de faire des découvertes photographiques autrement plus intéressantes.
C’est une des choses qui me rend le grand format passionnant, en extérieur particulièrement : il m’affûte l’œil d’une manière plus intéressante que jamais en photo. Il permet avec une très grande chambre paradoxalement de ne pas se charger, de ne pas se trimballer tout le temps avec, de ne pas l’avoir tout le temps au cou comme on le ferait avec un petit appareil. Il permet (à moi du moins) une plus grande fraîcheur de regard. Et en même temps, je peux monter soixante fois la chambre dans une journée, ça ne me lasse jamais. A la limite, la photo n’est presque pas importante. Ce qui compte, c’est de voir de plus en plus profond, de plus en plus aigu au fur et à mesure que la journée passe. Quelque chose comme rentrer profondément vers l’intérieur de soi et de ce qu’on cherche tout en étant de plus en plus présent au monde, pour parler cucul. Manquer une photo n’a strictement aucune importance, il y en aura d’autres, et il y en a si peu de bonnes au bout du compte… (la seule chose qui m’exaspère, c’est d’en rater une parce que je n’ai pas manipulé assez vite ou assez précisément l’engin, alors que je devrais savoir le faire très vite si nécessaire). Tout ça n’a pas à voir avec la lenteur, mais avec le rythme, plutôt.
Je déteste repérer, préparer les prises de vues, revenir sur place, refaire la photo jusqu’à ce qu’elle soit bonne, attendre la bonne lumière (si je me souviens bien, il me semble que Smith, toujours lui, parle plus loin d’une chose que nous connaissons tous, cette sensation d’avoir fait une bonne photo parce qu’on a fait celle qu’on avait dans la tête. Et qu’au bout du compte, c’est assez rarement une photo vraiment intéressante). La photo, c’est là, maintenant, la bonne lumière, c’est tout le temps, au moment où je regarde, après que quelque chose m’ait accroché, même si ma nature me porte davantage comme beaucoup aux lumières du matin ou du soir. Si ça ne marche pas, si le tirage n’est pas à la hauteur de ce qu’on attend, tant pis, on passe à autre chose, on essaie autre chose. Le grand format me permet de cette façon de chercher des paysages dans des espaces très restreints, là où je voyais pas grand chose auparavant.
Je vois le paysage un peu comme ça : essayer de voir les choses de l’extérieur, comme j’aimerais bien par exemple entendre les sonorités de ma langue maternelle avec l’oreille d’un étranger, essayer d’y chercher les formes primitives qui viennent de loin et que je ne vois plus.
Finalement, je serais aussi plutôt du genre à jouer avec ma chienne, comme Jean-Marie :-)
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