Auteur: E. Bigler
Date: 18-10-2003 10:45
"tous ces gens du GF sont de plus en plus givres" Pas du tout. Méticuleux. Et prêts à utiliser leur matériel dans toutes les conditions.
Voici d'ailleurs un autre témoignage tout à fait authentique, mais pour lequel vous comprendrez que je ne cite pas ma source ;-);-)
Le témoignage d'Henri Gaud me fait penser à ce que cet ami de Vevey me racontait récemment, peu de temps après qu'il ait été dégagé de ses obligations militaires, il a avait dû rendre son matériel de service, c'était un déchirement bien compréhensible.
Dans les années septante, la Confédération décida que toutes les unités de montagne seraient dotées d'un équipement photographique pour documenter le travail des unités sur le terrain. Les chasseurs Alpins français utilisaient du matériel 24x36, en Suisse, c'est la Sinar Norma 13x18 qui fut choisie, et on s'arrangea pour que ce soit un photographe professionnel ou un amateur très averti qui en ait la charge.
C'était merveille que de voir, dans le placard de cuisine même pas fermé à clé de mon ami Vaudois, juste à côté de son bazooka de service avec la boîte de roquettes plombée par le sceau fédéral, cette superbe Norma de service, avec la boîte de plan-films 13x18 de service, plombée également. Malheur à qui aurait ouvert cette boîte de plans-films pour les photos de famille le dimanche ! On disait que l'État Major hélvétique fermait les yeux, du moment que la Norma était parfaitement graissée et ajustée. À l'époque à Vevey dans un rayon de 10 minutes de marche autour de la gare CFF, on trouvait très facilement tout l'assortiment de plans-films du monde.
À propos de ce souci méticuleux qu'ont les citoyens de la Confédération pour leurs armes de service, autant dire, par parenthèse, et sans acrimonie, ayant eu le privilège de manipuler cette chambre, que la douceur et l'absence totale de jeu n'avaient rien à voir avec celle d'Henri Gaud, qui est graissée, comme on dit dans les ateliers de mécanique, seulement quand un coup de coude malencontreux fait tomber une burette d'huile dessus. C'est une tradition bien connue dans le canton de Vaud, le dimanche après le culte et le repas dominical, et avant d'aller au stand de tir, l'arme de service est entièrement démontée, nettoyée et révisée. Mon ami ne sortait pas le bazooka, il le graissait néanmoins mais il remettait un dimanche sur deux sa Norma parfaitement d'équerre avant d'aller faire un petit tour avec dans son chalet du Pays d'En Haut.
Cette commande militaire à la fameuse maison de Schaffhouse explique à la fois la couleur des planchettes Sinar des années septante et leur résistance mécanique admirable. Mon ami me racontait comment il transportait sa Norma dans son sac à dos et qu'après la course classique depuis la caserne d'alpage d'Iffigenalp jusqu'au Wildhorn, photo du sommet par -30 et 100 km/ de vent, descente en godillle dans la neige croûtée (avec le bazooka bien sûr) on faisait la photo finale de l'unité à la Norma pendant l'apéro ; pas une égratignure sur les chromes ou la planchette avant n'aurait été tolérée par la hiérarchie.
Il y avait un sac anti-givre spècial qui permettait d'enfermer la Norma avant de rentrer au chaud. Une pièce rare, qui se trouvait encore dans les années nonante sur le 'Pod à la Chaux de Fonds le jour de la braderie d'automne. Ceci après que l'armée suisse, comme beaucoup d'armées d'Europe de l'Ouest, ait décidé sur recommandation forte du Grand Conseil, de réduire son budget avec la fin de la Guerre Froide en vendant du matériel dont elle n'avait plus l'usage (par exemple des casemates dans le Jura pour vos week-ends).
|
|